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III

Jusque là, mes relations épistolaires avec le métropolite Nicolas et l’entrevue privée que j’avais eue avec lui en 1956 présentaient surtout un caractère professionnel et assez superficiel. Si les choses en étaient restées là, je n’aurais probablement pas entrepris d’écrire cette partie de mes mémoires.

Mais, lors de mon voyage en Russie en juillet 1960, je pus rencontrer le métropolite Nicolas et m’entretenir avec lui en toute franchise. C’était l’époque des premières persécutions de Khrouchtchev contre l’Église, persécutions dont on ne savait encore presque rien en Occident (43). On était au courant du reniement d’Ossipov et de son excommunication en décembre 1959 (44), du courageux discours du patriarche en février 1960 (45) et de la retraite de Karpov (46) qui l’avait suivi de près. Tout cela, et en particulier la retraite de Karpov que l’on disait plutôt bienveillant vis-à-vis de l’Église, n’annonçait rien de bon, mais personne ne pouvait s’imaginer l’ampleur et la violence de persécutions qui commençaient.

Cependant, la mise à la retraite soudaine et inexplicable du métropolite Nicolas (le 21 juin 1960) de son poste de président du Département des relations extérieures de l’Église et son remplacement par l’archimandrite Nicodème (Rotov) nous frappa tous comme la foudre (47). Le métropolite Nicolas semblait si solidement ancré à la tête du Département des relations extérieures, ses activités dans ce domaine semblaient tellement suivre en tous points la ligne du gouvernement soviétique, il était si célèbre à l’étranger, que son départ à la retraite semblait tout simplement inexplicable. Il se passait quelque chose de grave dans le pays, pensions-nous tous, mais nous ne savions pas quoi exactement. Vraisemblablement, quelque chose de mauvais !

C’est dans cette atmosphère alarmante et pleine d’incertitude que, le 16 juillet, moins d’un mois après la retraite du métropolite Nicolas, je m’envolai pour Moscou, sur invitation du patriarcat. À l’aéroport, je fus accueilli par l’évêque Nicodème, aimable et accueillant comme à l’accoutumée. J’avais fait sa connaissance à peine plus d’un mois auparavant en Grande-Bretagne où il était venu, encore archimandrite, à la tête d’une délégation de moines, invité par une communauté monastique anglicane. Bien entendu, il n’avait pas fait la moindre allusion au départ imminent du métropolite Nicolas et au fait qu’il allait bientôt le remplacer (il se peut qu’il l’ignorait lui-même).

Le lendemain de mon arrivée, c’était la veille de la fête de saint Serge de Radonège (48), je me renseignai sur les possibilités de rencontrer le métropolite Nicolas auquel je voulais transmettre un message de la part de notre exarque. J’avais moi-même très envie de le voir.

Il me fut répondu par mon accompagnateur l’archiprêtre Matthieu Stadniuk (49) que le métropolite Nicolas serait présent à la Laure pour la fête du lendemain et que le plus simple serait de le voir là-bas. Pour organiser cette entrevue, il fallait s’en remettre à l’archimandrite Pimène (Khmelevski), prieur de la Laure (50).

Nous arrivâmes en voiture à la Laure le jour de la fête, le 5/18 juillet, une heure avant le début de la liturgie. À l’hôtellerie du monastère, nous fûmes accueillis par l’archimandrite Pimène, auquel je dis immédiatement que j’avais besoin de m’entretenir avec le métropolite Nicolas. Que fallait-il faire ?

« Bien, dit l’archimandrite, c’est très simple. Allez immédiatement dans telle salle (je ne me souviens plus de laquelle il s’agissait), le métropolite doit s’y rendre pour son habillement (51). Vous pourrez lui parler. Le patriarche viendra plus tard. »

C’est ce que je fis. On m’emmena dans ladite salle et m’y laissa seul. Quelques minutes plus tard, arriva le métropolite Nicolas. Nous étions seuls. Sans perdre une seconde, car j’ignorais de combien de temps nous disposions ainsi en tête-à-tête, je dis au métropolite Nicolas. « Je vous transmets les salutations de notre exarque et de tout notre exarchat d’Europe occidentale et je tiens à vous dire combien nous avons tous été profondément affectés de votre départ à la retraite. Nous espérons que cela ne sera que temporaire. » — « Oui, dit le métropolite Nicolas, on m’a chassé comme ça !… » et il fit deux gestes énergiques de la main gauche et de la main droite, de haut en bas et en diagonale devant soi, comme des coups de sabre. Je ne sais toujours pas exactement ce qu’il a voulu exprimer par ces gestes. Il voulait probablement dire qu’il avait été frappé de tous côtés. — « Mais pourquoi, demandai-je stupéfait, que s’est-il passé ? » — « Ça ne vient pas de l’Église. Je n’ai pas de problèmes avec le patriarche. Nous avons toujours été et sommes en très bons termes. Ce sont les autorités civiles. Vous savez probablement qu’il y a dans le pays un fort regain de propagande antireligieuse ces derniers temps. J’ai protesté contre cela dans mes homélies. Pas dans celles qui étaient publiées dans le Journal du patriarcat de Moscou, mais dans les églises. Le peuple écoute mes homélies et les apprécie. Et c’est ce que les autorités ne pouvaient pas accepter. Eux, ce qu’ils veulent, ce sont des évêques qui se taisent et se contentent de célébrer avec faste. Mais ceux qui prêchent et luttent contre une société sans Dieu, ils ne les supportent pas. C’est pour cela qu’on m’a écarté. Bien entendu, en apparence, tout a été fait dans les règles, c’est le Synode qui m’a libéré de mes fonctions sur ma propre requête, mais en fait, j’ai démissionné sous la contrainte. »

— « Mais, Monseigneur, remarquai-je, il aurait été plus naturel de vous relever de vos fonctions de métropolite de Kroutitsy et de vous laisser à la tête du Département des relations extérieures du patriarcat, d’autant plus que votre engagement en faveur de la paix était connu du monde entier et probablement très apprécié du gouvernement soviétique. Pourtant, ils ont fait le contraire. vous êtes renvoyé du Département des relations extérieures mais restez métropolite de Kroutitsy. » — « Vous n’êtes pas sans savoir, répondit le métropolite Nicolas, qu’il y a eu des changements dans la hiérarchie du pays (il faisait allusion au remplacement de Karpov par Kouroïedov (52)). La nouvelle hiérarchie n’est pas au courant de mes activités pour la paix et ne les apprécie pas à leur juste valeur. Quant à me relever de mes fonctions de métropolite de Kroutitsy, ils ne le pouvaient pas. Ils n’en ont pas le pouvoir. Et le Synode n’accepterait jamais de faire une chose pareille. »

(L’avenir allait montrer à quel point le métropolite se fourvoyait en la matière. On voit qu’il n’avait pas encore pris la mesure de toutes les épreuves qui l’attendaient.)

J’interrogeai aussi au métropolite Nicolas au sujet du discours du patriarche Alexis lors d’une séance du Comité soviétique de défense de la paix, qui avait fait du bruit (53).

« C’est moi qui ai écrit son discours, me dit le métropolite Nicolas, le patriarche n’a fait que le lire. Vous savez ce qui s’est passé ensuite ? Quand le patriarche a fini sa lecture, il y a eu dans la salle deux ou trois applaudissements timides, puis les représentants de la « société » se sont mis à vilipender le patriarche. « Vous voulez nous faire croire que toute la culture russe vient de l’Église, que nous sommes tous les obligés de l’Église, mais c’est faux, etc. ». Ils ont fait un esclandre. »

Je transmis alors au métropolite une invitation de notre exarque lui demandant de venir en France, pour visiter notre exarchat. « Cela renforcerait beaucoup la position de notre Église en France », ajoutai-je. D’après ce que je sais, l’idée d’une visite en France sur invitation de l’exarque d’Europe occidentale émanait du métropolite Nicolas lui-même, ou tout au moins de ses proches à Moscou qui en avaient fait la demande écrite à notre métropolite Nicolas (Éremine) à Paris, soulignant qu’une telle invitation et a fortiori un tel voyage seraient à l’avantage du métropolite Nicolas. Il est difficile de dire quelles étaient les motivations réelles du métropolite Nicolas en ces temps difficiles pour lui, mais je ne pense pas qu’il ait eu l’intention de rester en France et de devenir un transfuge. Nous avons vu qu’à cette époque, il n’imaginait pas que l’on puisse le forcer à se retirer complètement, et croyait plutôt sa disgrâce temporaire.

Le métropolite Nicolas était manifestement intéressé par l’invitation que je lui transmettais et me demanda d’en parler au patriarche. Je répondis que j’avais déjà, pour lui, une lettre de notre exarque qui invitait le métropolite Nicolas en France.

« C’est très bien, dit le métropolite Nicolas, mais ce serait aussi très bien si vous pouviez parler au patriarche de cette invitation en présence de Kouroïedov, en insistant sur l’importance de ma visite en France. Vous verrez Kouroïedov aujourd’hui, au déjeuner auquel vous êtes convié. Le patriarche y sera aussi. » — « Et comment est-il, ce Kouroïedov ? », demandai-je, curieux. — « Nous n’avons pas encore réussi à bien comprendre qui il est », répondit le métropolite Nicolas avec diplomatie. — « Quelles raisons faut-il invoquer, à l’étranger, pour expliquer votre départ à la retraite ? » — « Dites que j’ai été relevé de mes fonctions pour des raisons inconnues et, en tout cas, certainement pas pour raisons de santé. Démentez cette rumeur si vous venez à l’entendre. Il est vrai que j’ai été malade il y a quelque temps, mais je me sens actuellement dans une forme physique bien meilleure que toutes ces dernières années. Cependant, ne dites rien des véritables raisons de mon départ à la retraite. Annoncez aussi mon départ à l’archimandrite Arsène (Schilovsky) à Vienne, ainsi qu’à l’archiprêtre Feriz Berki (54) à Budapest. À eux aussi, dites que c’est pour des « raisons inconnues. » (L’archimandrite Arsène et l’archiprêtre Berki se trouvaient alors sous la responsabilité directe du métropolite Nicolas).

À ce moment-là, le patriarche Alexis fit son entrée dans la pièce, ce qui mit un terme à notre conversation à cœur ouvert avec le métropolite Nicolas.

Je remis au patriarche la lettre de notre exarque et confirmai oralement son invitation au métropolite Nicolas à visiter notre exarchat en France. Quant au métropolite Nicolas, il demanda au patriarche de faire allusion à cette invitation pendant le repas, en présence de Kouroïedov. Le patriarche promit de le faire, mais on voyait bien à l’expression de son visage qu’il était relativement sceptique quant au succès de notre entreprise. Je ne rapporterai pas ici ma conversation avec le patriarche, qui ne concernait pas le métropolite Nicolas.

La liturgie de la fête fut célébrée en la cathédrale de la Trinité par le patriarche, le métropolite Nicolas et moi-même. Les autres évêques (il s’en était rassemblé dix-huit) célébraient dans les autres églises de la Laure. Les concélébrants de la liturgie ainsi que les invités « de marque » furent conviés à déjeuner avec le patriarche. cela constituait un groupe de dix à quinze convives. Les autres déjeunaient au réfectoire avec les moines. Le patriarche présidait, le métropolite Nicolas était assis à sa droite et Kouroïedov à sa gauche. On me plaça juste à côté du métropolite ; plus loin, il y avait l’évêque Nicodème (Rotov) de Podolsk et P. V. Makartsev, l’adjoint de Kouroïedov.

Je voyais Kouroïedov pour la première fois. C’était un homme très brun, d’une cinquantaine d’années, il avait l’air de quelqu’un de moyennement cultivé et manifestait une certaine arrogance dans son maintien, mais il ne semblait ni rustre, ni goujat. De temps à autre, il s’adressait au patriarche sur un ton assez aimable et ce dernier lui répondait à peu près de la même façon. Je fus très frappé d’entendre que Kouroïedov en s’adressant au patriarche disait non pas « Votre Sainteté », mais simplement. « Alexis Vladimirovitch ».

Mais ce qui me frappa par-dessus tout fut que Kouroïedov et le métropolite Nicolas, bien qu’assis face à face, non seulement n’échangèrent pas une parole de tout le repas, mais ne se regardèrent pas. Le métropolite Nicolas, en particulier, ne se départit pas d’un air renfrogné ; il gardait silencieusement la tête baissée et ne regardait jamais devant lui, mais toujours en biais vers le patriarche. Kouroïedov et le métropolite Nicolas ressemblaient à deux personnes qui, s’étant brouillées et se trouvant ensuite contraintes par les circonstances à se rencontrer, non seulement ne s’adressaient pas la parole, mais tentaient par tous les moyens d’éviter de se voir.

Pendant le repas, le patriarche dit à Kouroïedov. « J’ai reçu de Paris une lettre de notre exarque, invitant le métropolite Nicolas à visiter l’exarchat d’Europe occidentale, ce qui serait très bénéfique pour notre Église en France. » — « Tiens, et en quoi ? demanda Kouroïedov, je ne comprends pas bien cette idée. »

Le patriarche me demanda d’expliquer cela.

Je m’attelai à cette tâche difficile, tant il est vrai que la seule raison valable d’inviter le métropolite Nicolas en France était notre désir de le soutenir et l’encourager. « Avant tout, le métropolite Nicolas est une personnalité célèbre et reconnue au niveau mondial, à la fois comme artisan de la lutte pour la paix et comme hiérarque de l’Église russe, son voyage en France ne pourra donc qu’accroître le prestige de l’Église russe en Occident et renforcer ses positions face aux juridictions qui nous sont hostiles, en particulier les karlovtsiens (55). De plus, la personnalité et l’éloquence du métropolite Nicolas ne manqueront pas de faire venir à nous de nombreuses personnes. »

Kouroïedov prit un air songeur. « Je ne comprends tout de même pas très bien pourquoi la visite du métropolite est si importante en ce moment précis » remarqua-t-il. — « Nous en aurions aussi eu besoin plus tôt, répondis-je, mais le métropolite Nicolas n’avait pas de temps à nous consacrer. »

Kouroïedov ne répondit rien et la conversation dévia vers un autre sujet. Pendant tout cet échange, le métropolite Nicolas, tendu, était resté silencieux.

Après le repas, alors que nous nous promenions dans les couloirs de la résidence patriarcale, je fus abordé par Makartsev qui s’adressa à moi sur un ton amical et aimable. « Mgr Basile ! Comme nous sommes heureux de vous voir ! Nous avons tant entendu parler de vous ! » Nous nous mîmes à bavarder, et bientôt, notre conversation se transforma en dispute, comme cela allait encore souvent m’arriver avec Makartsev. Il s’était mis à affirmer qu’ils n’étaient absolument pas des Pobedonostsev (56) des temps modernes et ne voulaient en aucun cas se mêler des affaires internes de l’Église.

« Je vais vous dire une chose, me dit Makartsev, ici nous n’avons ni le temps ni réellement la possibilité de parler de tout cela en détail. Mais passez nous voir au Conseil (aux affaires religieuses), là-bas nous pourrons bavarder et faire plus ample connaissance. Nous serons très heureux de vous y accueillir. Je serai toujours heureux de votre visite, votre jour sera le mien. »

Je répondis de façon évasive, disant que je n’étais pas sûr de trouver le temps pour lui rendre visite, visite dont je ne voyais d’ailleurs pas la nécessité, puisque l’Église en URSS était séparée de l’État et que les affaires de l’Église ne devaient donc pas préoccuper celui-ci. Makartsev insista, mais je persistai à décliner son invitation et finis par lui dire que j’y réfléchirais et le tiendrais au courant de ma décision. Je voulais auparavant demander conseil au métropolite Nicolas et réussis à m’entretenir un instant en privé avec lui. Je lui racontai ma conversation avec Makartsev et lui demandai s’il fallait accepter cette invitation. — « Et pourquoi pas ?, me demanda le métropolite d’un ton vif, un tel entretien ne peut avoir aucune conséquence négative et peut au contraire se révéler très bénéfique. Acceptez cette invitation, allez-y. »

Je compris alors que nous avions sur certaines questions des conceptions assez différentes, mais par respect et confiance envers le métropolite Nicolas, je décidai de suivre son conseil. Après quoi, je donnai mon accord à Makartsev et nous fixâmes un rendez-vous dans son bureau au Conseil pour le vendredi 22 juillet à trois heures de l’après-midi. Comme nous le verrons dans la suite de mon récit, cette rencontre ne devait jamais avoir lieu.

Le jeudi 8/21 juillet, c’était la fête de Notre-Dame de Kazan, que l’on célébrait en grande pompe à Moscou. Les vigiles de la veille avaient été célébrées en la cathédrale patriarcale par les patriarches Alexis de Moscou et Éphrem de Géorgie (57). Le métropolite Nicolas concélébrait, ainsi que d’autres évêques, dont je faisais partie. À la fin des vigiles, le métropolite Nicolas s’adressa à moi, un sourire malicieux, quoique bienveillant, aux lèvres. « Vous êtes évêque ? » — « Oui », répondis-je. — « Vous êtes évêque ? » répéta-t-il avec une curieuse insistance. — « Oui », répondis-je à nouveau. — « Alors, vous ne savez encore rien ? Eh bien, vous l’apprendrez demain. Je ne peux rien vous dire aujourd’hui. »

Je compris qu’il avait été décidé de m’élever au rang d’archevêque, mais je gardai le silence et ne répondis rien au métropolite.

Le jour suivant, avant que ne commence la liturgie solennelle célébrée par les deux patriarches, les évêques concélébrants se rassemblèrent dans le sanctuaire de la cathédrale patriarcale, pour être habillés pendant la lecture des heures. Le patriarche Alexis était attendu un peu plus tard et le patriarche géorgien devait revêtir ses ornements au milieu de l’église.

J’entrai dans le sanctuaire avant la lecture des heures (58) et le métropolite Nicolas arriva juste après moi.

Nous étions là, debout, côte-à-côte et une conversation passionnante et tout à fait sincère s’engagea entre nous au sujet de la situation de l’Église dans la Russie contemporaine. Quelques instants après, des sous-diacres s’approchèrent de nous pour nous habiller, mais le métropolite ne sembla en aucune façon troublé de leur présence et continua la conversation. Ayant rapidement achevé notre habillement, les sous-diacres se retirèrent.

La conversation eut pour point de départ une question que je posai au métropolite Nicolas. Je lui demandai s’il était vrai que cette année, lors de l’office de Pâques à Kiev dans la cathédrale Saint-Vladimir, des jeunes du komsomol (59) étaient venus perturber la célébration des matines et les avaient même interrompues par des cris et d’autres agissements de voyous. J’avais appris cela par la presse étrangère.

« Cela ne s’est pas passé à Kiev seulement, répondit le métropolite Nicolas, cette année, à Pâques, une vague de manifestations antireligieuses grossières et blasphématoires a déferlé sur toute la Russie. Je préférerais ne pas vous dire ce qu’ils ont fait, surtout que nous sommes dans une église, mais je vais le faire tout de même, pour que vous sachiez la vérité. Dans une ville d’Ukraine, une foule de jeunes a fait irruption pendant l’office, portant une jeune fille dénudée, et s’est dirigée vers le sanctuaire pour tenter d’y entrer par les portes royales et déposer la jeune fille sur l’autel. Bien sûr, ils n’y sont pas parvenus, car les fidèles ne les ont pas laissés faire, mais cela a provoqué une bagarre généralisée et une mêlée. » — « Et quelle est la réaction du patriarcat à tout cela ?, demandai-je. Est-ce qu’il a protesté officiellement ? Et que fait la milice ? N’est-elle pas tenue par la loi d’empêcher que de tels incidents se produisent ? » — « Le patriarcat fait ce qu’il peut, mais sans grands résultats. À chaque fois que nous avons vent de comportements blasphématoires de ce type pendant les offices — ce dont nous informent nos évêques sur place, le clergé ou même les fidèles —, nous protestons et portons plainte auprès du Conseil aux affaires de l’Église orthodoxe pour de tels désordres. Nous leur demandons d’appliquer des sanctions contre les coupables et de prendre des mesures pour éviter que pareils faits se reproduisent. En règle générale, nous recevons une réponse quelques mois plus tard, nous informant que l’enquête n’a pas confirmé le bien-fondé de notre plainte et que cette plainte est rejetée. En ce qui concerne la milice, dans des cas pareils, elle disparaît tout bonnement et ne réapparaît qu’une fois l’incident terminé. »

J’étais intéressé à poursuivre cette conversation, pour comprendre ce qui se passait dans le pays avec l’Église et les fidèles. « Est-il vrai, comme je l’ai entendu dire, qu’en l’espace de ces six derniers mois, l’on a fermé plus de cinq cent églises dans le pays ? Comment procède-t-on à leur fermeture ? La loi ne stipule-t-elle pas que pour fermer un lieu de culte, il faut l’accord des fidèles ? », demandai-je. — « C’est vrai, poursuivit le métropolite, on ferme des églises et il y a de nombreuses façons de le faire. Il y en a une par exemple, qui est assez pacifique et soi-disant légale. prenons une église avec un bon prêtre, plein d’ardeur. Il prêche, il organise des processions… » — « Vous voulez dire qu’il prêche contre l’athéisme ? », l’interrompis-je. — « Oh non, certainement pas, il prêche, tout simplement. Beaucoup ont pris peur et ne prêchent plus du tout, mais lui continue. » — « Les processions sont donc interdites ? », m’étonnai-je. — « Elles sont autorisées uniquement autour de l’église et deux fois par an, pour Pâques et pour la fête paroissiale. Mais notre prêtre en organise plus de deux et continue à prêcher. Eh bien, le préposé aux affaires religieuses (60) le raye des registres ou réclame son transfert dans une autre paroisse sous peine de le rayer des registres. L’évêque est contraint d’obéir et nomme un nouveau prêtre dans cette paroisse. Mais le préposé aux affaires religieuses refuse obstinément, sous divers prétextes, d’inscrire dans les registres le nouveau prêtre que l’évêque tente de nommer dans cette paroisse. Pendant plus de six mois, aucun office n’est célébré dans cette église et les autorités procèdent à sa fermeture, puisqu’elle ne fonctionne plus. »

J’étais stupéfait par ce que j’entendais, et je demandai au métropolite Nicolas de poursuivre son récit.

« Je puis vous citer des procédés plus brutaux de fermeture d’églises. Les autorités fixent un jour, généralement le dimanche après l’office, alors que les fidèles sont rentrés chez eux. À l’heure dite, une foule de plusieurs centaines de personnes — des communistes, des membres du komsomol, tout ce qu’on appelle les militants — se réunit devant l’église, munie des instruments nécessaires et pendant quelques heures s’acharne à dégrader et démolir physiquement l’église ; pour ce qui est des objets de culte, livres, vêtements sacerdotaux, etc., ils les chargent sur un camion et les emmènent on ne sait où. » — « Mais cela ne se passe probablement que dans les campagnes ? », demandai-je, complètement abattu par le récit du métropolite Nicolas. — « Non, pas du tout, cela se passe même dans des villes relativement importantes », répondit-il.

Je lui demandai ensuite ce qu’il pensait de la récente condamnation à trois ans de prison de l’archevêque Job (Kressovitch) de Kazan (61) et des accusations d’abus de biens sociaux et de fraude fiscale dont il était l’objet (62). La nouvelle de cette condamnation nous était parvenue par la presse à l’étranger et, lors de mon séjour à Moscou, un grand article était paru dans Russie soviétique qui l’attaquait avec vigueur et décrivait le déroulement de son process (63).

« Ces accusations de malversations sont tout à fait fausses, ou alors au moins fausses à 80%, répondit le métropolite Nicolas. Je vais vous expliquer le fond de cette affaire. L’archevêque Job était un évêque actif, il prêchait, il rendait visite à ses paroisses, il luttait contre l’athéisme, il résistait à la fermeture des paroisses. Évidemment, cela déplaisait beaucoup aux autorités civiles et il fut décidé de s’en débarrasser. Mais comme on ne pouvait décemment pas retenir contre lui ses activités pastorales, on entama une action pour non-paiement d’impôt. Il se fait que nos évêques reçoivent un salaire mensuel fixe (disons 5 000 roubles) mais aussi une somme (de 10 000 roubles environ) pour frais de représentation. Cette somme est affectée à leurs frais de transport, au salaire d’un secrétaire, à l’achat et l’entretien d’une voiture, etc. Il est communément admis que seul le salaire fixe soit déclaré à l’inspection des finances et, par-là même, soumis à l’impôt. Les frais de représentation, par contre, ne sont pas déclarés et sont exempts d’impôts. C’est une pratique établie depuis longtemps et que le gouvernement connaît parfaitement. Jamais, il n’a fait la moindre objection à cet état de fait. L’archevêque Job faisait comme tout le monde. Et voilà que soudain, on le traîne en justice pour avoir dissimulé à l’inspection financière le montant de ses frais de représentation. Mais ce chef d’accusation pourrait être retenu contre tous les évêques, moi y compris. En outre, quand une personne est accusée de dissimulation de revenus, elle n’est jamais immédiatement poursuivie, on la convoque d’abord à l’inspection financière pour s’expliquer ; si l’accusation se révèle fondée, on lui fixe un délai pour régler le montant de la somme incriminée et ce n’est qu’en cas de refus que l’on fait passer l’affaire au tribunal. Mais l’archevêque Job a immédiatement été traduit en justice. Ses fils, qui sont ingénieurs, ont eu beau régler le montant de la somme que l’on exigeait de lui, il a été condamné à trois ans de prison, ce qui constitue une peine d’une sévérité inusitée dans les affaires fiscales. On l’a aussi accusé de falsifier sa comptabilité. Au pire, on peut lui reprocher d’avoir tenu ses comptes avec négligence, mais en aucun cas, il n’a commis d’abus. Le procès tout entier s’est tenu dans une atmosphère monstrueuse, incroyable, et les journaux en rendaient compte en déformant tout ce qui s’y disait. Toute cette affaire a clairement été montée dans le but de lancer un avertissement aux autres évêques afin qu’ils se tiennent tranquilles et ne luttent pas contre l’athéisme. On pourrait entamer une procédure de ce type contre chacun de nous.« 

Je demandai au métropolite Nicolas s’il me permettait et s’il jugeait nécessaire de raconter cela à l’étranger. Le métropolite resta pensif quelques instants (visiblement, ma question le mettait mal à l’aise).

« Oui, dit-il finalement, on peut raconter ces choses, ce serait même utile, mais sans donner trop de détails et sans citer mon nom. Et ne parlez pas en votre nom propre, pour qu’on ne puisse pas deviner d’où provient l’information. En revanche, ce n’est pas la peine de raconter tout cela aux jeunes gens qui sont venus ici avec vous de France. À quoi bon troubler ces jeunes âmes ? »

(Le métropolite voulait parler du groupe de jeunes de notre exarchat qui, sur invitation du patriarcat, était venu de Paris en même temps que moi, bien que de son côté.) Je pensai, au contraire, qu’il convenait que ces jeunes connaissent la vérité au sujet de ce qui se passait dans le pays, mais ne fis pas part de mes réflexions au métropolite Nicolas.

« Vous me parlez de la situation précaire de l’Église de Russie et des persécutions qu’elle subit, dis-je, mais il y a à peine quelques semaines, une délégation de moines de l’Église russe est venue en Grande-Bretagne, menée par l’archimandrite (maintenant devenu évêque) Nicodème (64). Aux questions que lui ont posées les Anglais, Mgr Nicodème a répondu que l’Église de Russie était libre et qu’elle ne subissait ni persécutions, ni même tracasseries. »

Le métropolite sourit tristement. « Si j’avais été à la place de Mgr Nicodème à Oxford, j’aurais probablement dit la même chose que lui. »

Je posai enfin une dernière question au métropolite Nicolas (à ce moment-là nous étions habillés, les sous-diacres nous avaient laissés seuls et nous étions assis côte à côte dans de moelleux fauteuils recouverts de housses blanches, dans le sanctuaire de la cathédrale). « Et peut-on faire confiance à votre successeur au Département des relations extérieures, l’évêque Nicodème ? C’est une question qui se pose dans notre exarchat et sur laquelle, personnellement, je voudrais connaître votre opinion. »

Le métropolite Nicolas fit une grimace expressive, comme s’il tentait d’avaler quelque chose de parfaitement répugnant et désagréable. Dans le même temps, il secouait la tête à droite et à gauche en la tenant légèrement penchée, et gardait obstinément le silence, un léger sourire aux lèvres. Je lui répétais ma question. « Alors, on peut lui faire confiance ou non ? », mais n’obtins pas de réponse. On nous appela, il était temps de commencer la liturgie et nous sortîmes par les portes royales pour nous rendre au milieu de l’église.

Comment expliquer ce silence que le métropolite Nicolas opposa à ma question, après tant de récits francs et de réponses directes sur des thèmes non moins délicats ? J’y ai beaucoup réfléchi. Peut-être son silence était-il dû à sa prudence, à sa méfiance ? Mais alors pourquoi s’était-il départi de cette prudence pour répondre à mes premières questions ? On peut plutôt supposer que malgré toute l’antipathie qu’il ressentait à l’endroit de l’évêque Nicodème (et qu’il avait exprimée par sa grimace), sa conscience d’évêque et son sens des responsabilités ne permettaient pas au métropolite Nicolas d’accuser ouvertement l’évêque Nicodème. Il ne pouvait pas le faire sans preuves suffisantes. Et malgré son signe de la tête qui semblait conseiller la méfiance envers l’évêque Nicodème, son silence semblait vouloir dire le contraire.

Après la liturgie solennelle célébrée en la cathédrale patriarcale par les deux patriarches avec la participation d’une multitude d’évêques, nous, les concélébrants, fûmes tous invités à déjeuner avec le patriarche Alexis dans les locaux du patriarcat de la rue Tchisty. Les inévitables Kouroïedov et Makartsev étaient au nombre des convives.

Avant le début du repas, le patriarche me dit. « Vous êtes élevé au rang d’archevêque de Bruxelles et de Belgique. Voilà le décret du Saint-Synode. Il comporte une erreur. Au lieu d’archevêque « de Bruxelles et de Belgique », il y est écrit « de Belgique et de Bruxelles ». Nous n’avons pas eu le temps de la corriger. N’y faites pas attention. » Puis il ajouta avec une ironie à peine perceptible. « Vous deviez vous y attendre ? »

Il m’était difficile de répondre. Avant ma conversation de la veille avec le métropolite Nicolas, il ne m’était jamais venu à l’esprit qu’on allait m’élever au rang d’archevêque, car cela faisait à peine plus d’un an que j’étais évêque. Mais, suite à ma conversation avec le métropolite Nicolas, j’avais deviné ce qui allait se passer. Je ne voulais cependant pas le « trahir ». C’est pourquoi je répondis. « Non, je ne m’y attendais pas. »

« C’est étonnant, s’exclama le patriarche, pourtant, ce rang vous est dû de par votre position en Belgique (65). Il est vrai que nous aurions pu attendre un peu, mais puisque vous êtes ici, nous avons décidé de vous faire archevêque sans plus tarder. »

Et se tournant vers Kouroïedov qui se tenait non loin de nous, le patriarche se mit en devoir de lui expliquer que la veille, lors d’une réunion du Synode, j’avais été fait archevêque, conformément à ce qu’exige la situation de notre Église en Belgique. Kouroïedov ne répondit rien. Je suis intimement convaincu que l’initiative de ma nomination anticipée au rang d’archevêque revient entièrement au métropolite Nicolas.

Tard dans la soirée de ce même jour, le téléphone sonna dans la chambre que j’occupais à l’hôtel « Sovietskaïa ». Je décrochai le combiné. « Ici une telle (j’ai oublié son nom), du service de nuit du patriarcat. Je vous passe le métropolite Nicolas. »

Quelques secondes plus tard, j’entendis la voix du métropolite Nicolas. « J’ai entendu dire que, demain, vous alliez chez Makartsev. S’il vous plaît, dites-lui ce que vous m’avez dit. à quel point mes activités en faveur de la lutte pour la paix sont connues à l’étranger, que j’y jouis d’une large notoriété, qu’on y apprécie mes interventions et que ces interventions sont importantes pour le prestige de l’Union soviétique [cela, je ne l’avais jamais dit expressément au métropolite Nicolas. Je l’avais dit à Kouroïedov dans l’espoir d’aider le métropolite Nicolas à venir en France — A. B]. Je vous supplie de lui dire cela, ce qui m’aidera beaucoup. » J’acceptai, sans grand enthousiasme. Je ressentais une certaine pitié pour le métropolite Nicolas. lui qui, tout récemment encore, était le hiérarque quasiment le plus puissant et influent du patriarcat de Moscou, en était à solliciter l’aide et le secours d’un évêque-émigré venu de l’étranger, bien plus jeune que lui, tant en âge qu’en années de sacerdoce.

Mais le rendez-vous que nous nous étions fixé avec Makartsev pour trois heures de l’après-midi le vendredi 22 juillet, n’eut finalement pas lieu. Au dernier moment, je fus invité pour deux heures à un banquet donné par l’évêque Basile (Samaha), représentant du patriarcat d’Antioche auprès du patriarche de Moscou, avant son retour dans son pays natal. Ce banquet devait avoir lieu dans la résidence secondaire de l’évêque au Serebriany Bor, près de Moscou. Je ne vais pas, dans ce récit, faire une grande place à l’évêque Basile (cela n’entre pas dans le cadre de mes mémoires concernant le métropolite Nicolas), je dirai seulement qu’il avait une réputation douteuse aussi bien morale que politique (j’avais entendu dire cela à l’étranger et dans certains cercles appartenant au patriarcat d’Antioche). Je ne décrirai pas non plus le banquet en question, qui fut dans son ensemble assez pittoresque et étonnant. Je dirais seulement qu’outre le patriarche Alexis, le métropolite Nicolas et d’autres dignitaires de l’Église, il y avait parmi les invités Kouroïedov, Makartsev, ainsi que des ambassadeurs de pays arabes et de Perse.

L’évêque Basile (Samaha) fit un long discours politico-ecclésiastique, durant lequel, avec une éloquence toute orientale, il fit un éloge dithyrambique de chaque personne présente. du patriarche, aussi bien que de Kouroïedov, du Conseil aux affaires de l’Église orthodoxe (et du gouvernement soviétique par la même occasion), du métropolite Nicolas et même de moi…

Mais tout cela sort du cadre de mon propos. Je noterai seulement que lorsque Samaha se mit à chanter les louanges du métropolite Nicolas comme d’un grand combattant pour la paix, le métropolite Nicolas, qui jusque là s’était tenu à l’écart, assis à une petite table dans un coin, l’air renfrogné, se leva, bondit presque de son siège et d’une voix criarde, quasiment hystérique, s’écria. « Oui, pour la paix, je suis prêt à me battre jusqu’à ma dernière goutte de sang ! »

Le banquet se termina vers cinq heures et, le soir même, je devais prendre le train pour Leningrad. Nous convînmes avec Makartsev de nous voir à mon retour à Moscou. Nous nous mettrions d’accord par téléphone pour préciser notre rendez-vous. Je n’ai quasiment pas parlé, à ce banquet, au métropolite Nicolas, mais qui pouvait prévoir que nous ne nous reverrions plus ?

À Leningrad, j’eus l’occasion de parler ouvertement du métropolite Nicolas avec l’archiprêtre Alexandre Medvedski (66) (décédé en 1973) recteur de la cathédrale Saint-Nicolas-des-Marins (67), dont j’avais fait la connaissance lors de ma visite en 1956.

« C’est sûr, la nouvelle du départ à la retraite du métropolite Nicolas nous a tous frappés comme la foudre, dit-il. C’est notre métropolite Pitirim (68) [Sviridov, décédé en 1963 — A. B] qui nous a appris la nouvelle à son retour de Moscou où il avait participé à la réunion du Synode. On y avait débattu de l’acceptation de la lettre de démission du métropolite Nicolas. « Votre Sainteté, déclara le métropolite Pitirim lors de la discussion, je préfère que ma main se dessèche plutôt que signer le décret d’acceptation de la démission du métropolite Nicolas. » — « Il le faut ! » fut la réponse, en coup de tonnerre, du patriarche. Et, étonnamment, le métropolite Nicolas ajouta lui-même. « Il le faut ». Alors j’ai signé. »

À la suite de ce récit, je demandai au père Medvedski. « Mais pourquoi le métropolite Nicolas a-t-il écrit une telle requête ? Qu’est-ce qui a pu le pousser à faire une chose pareille ? » — « C’est difficile à dire. À mon avis, on a dû exiger de lui des choses que sa conscience lui interdisait d’accepter. Alors, il a préféré partir à la retraite », me répondit-il.

Je rentrai à Moscou le 28 juillet. J’avais décidé de ne pas voir Makartsev. À Leningrad, j’en avais trop appris sur la terrible situation de l’Église dans le pays et, lors d’une entrevue avec Makartsev, j’aurais été obligé soit de taire mes impressions (ce qui me semblait inadmissible), soit de lui dire franchement le fond de ma pensée, ce qui aurait représenté un danger pour les personnes avec qui j’avais été en contact.

Je n’avais d’ailleurs aucune envie de « dévoiler mon jeu » à Makartsev en lui laissant voir à quel point j’étais renseigné sur la véritable situation de l’Église en Russie.

Il y avait des raisons sérieuses à cette réticence. Quant à « aider » le métropolite Nicolas, dans les circonstances présentes, cela me semblait malheureusement impossible. Aussi, quand l’archiprêtre Paul Sokolovski (69) (qui devait périr dans un accident d’avion au-dessus de Prague, en 1973) me demanda quand je comptais voir Makartsev, je répondis que je n’aurais pas le temps de le voir avant mon départ. Cela déplut manifestement au père Sokolovski, mais il n’en dit mot.

Le jour suivant alors que je prenais mon thé matinal dans ma chambre à l’hôtel Sovietskaïa, le père Sokolovski me dit que quelqu’un désirait me voir. Je sortis dans le vestibule pour y trouver une dame d’une cinquantaine d’années, en robe marron plutôt démodée, l’allure d’une personne cultivée, portant des lunettes, si je ne me trompe. Elle me demanda la bénédiction, me tendit une lettre en disant. « C’est de la part du métropolite Nicolas » et repartit.

Je revins dans ma chambre et le père Sokolovski me dit. « C’est Zoé Mikhaïlovna, la secrétaire du métropolite Nicolas. Elle a beaucoup d’influence sur lui. Il ne fait rien sans elle. »

Je ne sais si le père Sokolovski avait vu qu’elle m’avait donné une lettre. Je crois que non, mais qu’il l’avait deviné. D’ailleurs, je ne m’en cachai pas, et décidai de lire la lettre immédiatement.

Je pensais qu’il n’y avait dans cette lettre rien de très important, et que le métropolite Nicolas me proposerait de nous voir une dernière fois avant mon départ. En d’autres termes, je m’assis et lus (silencieusement, bien entendu) la lettre. Celle-ci, que je garde précieusement dans mes archives, était entièrement écrite à la main. En voici le contenu :

Très cher et bien-aimé Monseigneur Basile !

À votre retour de Leningrad, j’ai essayé à plusieurs reprises de trouver le moyen de vous rencontrer, vous et S. Nic. [Bolchakov, qui était lui aussi venu à Moscou sur invitation du patriarcat — A. B.] ainsi que les jeunes gens. Le nouveau responsable du Département des relations extérieures et son collaborateur [Bouïevsky — A. B.] m’ont tenu loin de vous. Je n’ai même pas pu disposer d’une petite heure pour vous rencontrer, alors que vous, probablement, vous ignoriez tout de mes tentatives. Tout cela est bien triste !

Je vous serre dans mes bras, très fraternellement.

Transmettez, s’il vous plaît, les lettres ci-jointes à leurs destinataires. Je me sens très oppressé.

Dites à S. Nic. [Bolchakov — A. B.] que je suis dans l’impossibilité de lui accorder un entretien.

Transmettez à vos jeunes ma profonde reconnaissance pour leur lettre et le livre qu’ils m’ont offert. Dire qu’on ne m’a pas permis de les rencontrer !

Je vous serre dans mes bras fraternellement et donne ma bénédiction à tous les autres. Je vous dis au revoir à tous — à distance, hélas !

Si Son Éminence votre exarque ou qui que ce soit d’autre désire m’écrire, qu’il le fasse à mon adresse personnelle exclusivement. à mon nom, Baumanski 6, Moscou 5.

Je vous souhaite bon voyage ! Et succès dans votre travail avec la bénédiction de Dieu, cher Monseigneur !

Priez pour moi !

Je ne comprends pas ce qui m’arrive.

Je serai toujours avec vous tous en esprit.

Avec mon affection éternelle,

Votre M. N.
Le 29 juillet 1960.

Ayant lu cette lettre, je mis tout en œuvre pour pouvoir rencontrer ou au moins parler au métropolite Nicolas par téléphone. Je dis au père Sokolovski qu’il m’était absolument indispensable avant mon départ de voir le métropolite Nicolas, pour lui faire mes adieux. Il appela le patriarcat, où on lui dit que le métropolite Nicolas n’était pas là, mais qu’il allait arriver et qu’il y resterait jusqu’à trois heures. Je demandai qu’on lui dise que je souhaitais le voir. Quand je rappelai, on me répondit (je crois que c’était Bouïevsky) que le métropolite était passé au patriarcat, mais qu’il était reparti plus tôt que prévu, pour accompagner à l’aéroport le patriarche, dont l’avion pour Odessa décollait à une heure. On n’avait pas eu le temps de lui transmettre ma requête, mais on me promit que ce serait fait à l’aérodrome. Plus tard, je rappelai encore le patriarcat, où l’on me répondit que le métropolite, après le départ du patriarche, était rentré directement chez lui, et qu’on n’avait donc rien pu lui transmettre. Quant à lui parler avant le départ du patriarche, cela s’était révélé impossible, car le métropolite Nicolas ne répondait jamais au téléphone. À la fin de ses journées de travail au patriarcat, le métropolite « s’enfermait » chez lui et il devenait impossible de le joindre, même en cas d’extrême urgence. Il ne répondait pas plus si l’on sonnait à sa porte et n’ouvrait absolument à personne. Le patriarcat en avait fait bien des fois l’expérience. Et en effet, c’est en vain que j’essayai, aussi bien dans la journée que tard le soir, de le joindre au téléphone à son domicile. Personne ne répondit.

À trois heures de l’après-midi, j’étais au patriarcat, dans les locaux du Département des relations extérieures (qui se trouvaient encore à l’époque à la même adresse que le patriarcat, rue Tchisty (70)), pour m’entretenir avec l’évêque Nicodème (Rotov) et lui faire mes adieux. Nous parlâmes longuement avec lui des affaires de l’exarchat, mais aussi de mes impressions sur la situation de l’Église. Comme toujours (ou presque toujours) avec lui (sauf pour les questions pratiques), notre conversation ne fut qu’à moitié franche. Sans citer mes sources, évidemment (le métropolite Nicolas n’était d’ailleurs pas mon seul informateur, loin s’en faut), je lui fis part de mes inquiétudes à propos de la vie ecclésiale et paroissiale dans le pays. L’évêque Nicodème acquiesçait parfois à mes propos, mais souvent il apportait ses explications ou ses corrections à mes opinions, ou alors il déclarait qu’il ignorait tout des événements auxquels je faisais allusion (il prétendit ne rien savoir des incidents à Kiev pendant les matines de Pâques que je lui racontai en prétendant l’avoir appris en Occident par des touristes français qui avaient assisté à ces matines).

« C’est très intéressant. Je ne sais rien à propos de cet incident. Il conviendrait d’en vérifier la véracité », dit l’évêque Nicodème.

Bouïevsky était présent tant que nous parlâmes de questions pratiques, mais ensuite, l’évêque Nicodème le congédia et commença, sur un ton très grave, à me parler du métropolite Nicolas. « Je sais que dans votre exarchat d’Europe occidentale, le métropolite Nicolas est très apprécié et que vous êtes nombreux à penser que son départ à la retraite lui a été imposé mais qu’il reviendra bientôt à son poste de président du Département des relations extérieures de l’Église. Je me dois de vous affirmer catégoriquement (et je vous prie de transmettre officiellement cette information de ma part à votre exarque et à tout l’exarchat). le départ du métropolite Nicolas est définitif. Il ne reprendra jamais ses anciennes fonctions. Vous devez le comprendre et cesser d’espérer son retour, ne pas entreprendre de démarches en ce sens et collaborer avec les personnes que le patriarcat a nommées pour le remplacer. Et vous pouvez être assurés de rencontrer de notre part encore plus de bienveillance à votre égard et d’attention à vos besoins et problèmes que du temps du métropolite Nicolas. »

« Monseigneur, répondis-je, vous pouvez être sûr que nous collaborerons loyalement et fraternellement avec vous, comme c’est notre devoir, car nous ne servons pas des personnes, mais l’Église orthodoxe russe. Il nous est suffisant de savoir que vous avez été nommé à vos fonctions par le Synode et Sa Sainteté le patriarche. Et nous savons que nous trouverons chez vous intérêt et bienveillance à l’égard de notre exarchat. Mais cela ne peut nous empêcher de regretter le départ du métropolite Nicolas qui nous a toujours témoigné tant de bonté et d’intérêt. De plus, nous l’estimons beaucoup car c’est une personnalité marquante de l’Église orthodoxe russe. Nous sommes très affectés de ce qui s’est passé. »

« Et vous avez tort, répliqua l’évêque Nicodème. En Occident, vous vous êtes fait une fausse idée du métropolite Nicolas. Vous ne le connaissez pas suffisamment. Je vais essayer de trouver le mot juste pour le décrire. Vous avez probablement entendu une expression très à la mode chez nous en ce moment. le « culte de la personnalité (71) » ? Eh bien, le métropolite Nicolas était un exemple typique de ce genre de culte. De sa propre personnalité, bien entendu. Jetez un coup d’œil au dernier numéro du Journal du patriarcat de Moscou paru avant sa retraite. La moitié en est occupée par les lettres et télégrammes de félicitations qu’il a reçus pour les fêtes. Cela occupe deux fois plus d’espace que les lettres au patriarche. Et ses homélies, constamment publiées par le Journal du patriarcat ! Admettons qu’il prêche bien. Mais il n’est pas le seul dans l’Église russe ; il y en a d’autres ! Qu’est-ce que c’est que ce monopole ? Et c’est la même chose dans tous les domaines. Mais en ce qui concerne les affaires concrètes, le métropolite Nicolas est une nullité. Regardez ce qui se passe dans le diocèse de Moscou dont il est responsable en tant que métropolite de Kroutitsy et Kolomna. Il n’y a pas un diocèse de l’Église russe aussi négligé que celui-là. En gros, il ne termine jamais ce qu’il entreprend, il s’arrête toujours en cours de route. Prenez, par exemple, la réunification de l’exarchat russe et celui de Constantinople en 1945 (72). Pourquoi n’a-t-il pas obtenu la reconnaissance de cette réunification par le patriarcat de Constantinople ? À l’époque, cela aurait été possible. Au lieu de quoi, l’affaire est tombée à l’eau.

« Peut-être, mais le métropolite Nicolas n’en est pas moins très connu en Occident, très apprécié par les chrétiens des autres confessions et on ne peut pas ne pas en tenir compte », rétorquai-je. — « Bien au contraire, s’écria l’évêque Nicodème, par ses prises de positions extrêmes et inutilement brutales, il s’est attiré l’inimitié de tous, se rendant odieux et inacceptable pour la majorité. C’est en partie la cause de son renvoi. »

Après cette conversation intéressante et instructive avec l’évêque Nicodème, je me dirigeais vers la sortie, m’apprêtant à partir. Soudain, je fus rattrapé devant la porte de l’immeuble par A. S. Bouïevsky qui m’entraîna tout au fond de la cour du patriarcat, à un endroit où nul ne pouvait nous entendre. L’air extrêmement inquiet, la voix tremblante, il se mit de manière précipitée à me parler du métropolite Nicolas. Cette conversation dura plus d’une heure, et je n’en donnerai ici qu’un résumé concis.

« Vous allez probablement me condamner et — pour parler de façon grandiloquente — me « rayer des tablettes de votre cœur », commença Bouïevsky, car moi, l’un des plus proches collaborateurs du métropolite Nicolas, moi qui lui dois tant, à peine part-il à la retraite que me voilà en train de parler contre lui. Mais je ne peux pas me taire. Ma conscience me force à dire toute la vérité. Je vous dirai franchement que, s’il n’était pas parti, nous aurions, tous, dû partir. Il était devenu impossible de collaborer avec lui en aucune manière. Il était sujet à des explosions d’énergie débordante, suivies de longues phases de dépression, de prostration, durant lesquelles toutes nos activités étaient suspendues. Et il faisait tout lui-même ! Il ne désirait pas avoir de véritables collaborateurs. Pendant les longues années de sa présidence du Département des relations extérieures, il a refusé ou n’a pas réussi à former des cadres aptes à travailler dans ce Département, alors même que de nombreuses personnes avaient insisté sur la nécessité de cette formation. C’est honteux. pendant de longues années, moi, laïc et sans formation spécifique pour ce travail, j’ai été le seul collaborateur du Département. Pour des raisons de fierté, de gloire personnelle, il était prêt à tout, il pouvait accepter toutes les humiliations, pour lui aussi bien que pour l’Église. Par exemple, non content des nombreuses décorations qu’il possédait déjà, il s’est mis en tête de se faire attribuer par le Comité soviétique de défense de la paix le Prix Lénine de la paix. Pour ce faire, il m’a envoyé plusieurs fois voir le Comité, où j’ai du faire la liste de ses mérites dans la lutte en faveur de la paix et supplier qu’on lui accorde ce prix. C’était pénible et j’avais vraiment honte d’accomplir cette exigence du métropolite Nicolas. Par ces manœuvres pour recevoir ce Prix Lénine, il a tellement humilié et couvert de honte l’Église russe dans son ensemble ! Mais la fin de l’affaire est encore plus honteuse. Le gouvernement soviétique a fini par attribuer au patriarche Alexis une citation pour son action en matière de « défense de la paix », mais n’a rien accordé au métropolite Nicolas. Le métropolite s’est alors senti vexé et m’a envoyé dire au Comité pour la paix, qu’il renonçait au Prix Lénine !

« Au Comité, on m’a répondu d’un ton ironique que le métropolite Nicolas se faisait du souci pour rien, car nul n’avait jamais eu l’intention de lui attribuer ce prix. »

C’est ainsi que Bouïevsky acheva son récit.

Le soir du même jour, vendredi 29 juillet, un banquet fut organisé à l’occasion de notre départ, au restaurant Praga. C’était la veille de mon soixantième anniversaire, qui fut aussi fêté lors de ce banquet. Parmi les invités, il y avait l’évêque Nicodème et le protopresbytre (73) Vital Borovoï (74). Makartsev n’était pas là, lui qui manquait pourtant rarement de telles occasions. Visiblement, il m’en voulait de ne pas être venu le voir.

Après le dîner, je réussis à m’asseoir quelques instants à la table de A. V. Vedernikov (75), un proche du métropolite Nicolas qui, comme l’avenir allait le montrer, lui restait fidèle même dans sa disgrâce.

Je lui demandai à voix basse. « Dites-moi, quelles sont les vraies raisons du départ à la retraite du métropolite Nicolas ? »

Vedernikov, brusquement, me pressa le pied sous la table et me dit presque à l’oreille. « Il vous a déjà tout raconté lui-même ! »

Le lendemain matin, le 30 juillet 1960, je repartis pour Paris…


  1. Après les violentes persécutions contre la religion des années 1920-1930 en Union soviétique, une nouvelle offensive antireligieuse fut lancée à l’instigation de Khrouchtchev dès 1958. Cette persécution, administrative et idéologique, amena à la fermeture forcée de milliers d’églises et à la suppression de la majorité des séminaires et des monastères. Voir N. STRUVE, op. cit., 1968, p. 255-295; Jean MEYENDORFF, L’Église orthodoxe, hier et aujourd’hui, Paris, Éd. du Seuil, 1995, p. 127-128 et Mgr KALLISTOS (WARE), op. cit., p. 202-203.
  2. Voir N. STRUVE, op. cit., p. 276-277.
  3. Discours prononcé à la Conférence des organisations politiques et sociales soviétiques de l’URSS pour le désarmement. Le patriarche y vantait les mérites historiques de l’Église et dénonçait les injustices dont elle était victime. Texte dans N. STRUVE, op. cit., p. 331-333.
  4. Georges Grigorievitch Karpov (1898-1967), officier du NKVD et apparatchik soviétique. Président (1943-1960) du Conseil aux affaires de l’Église orthodoxe (organe soviétique de contrôle de l’Église).
  5. Voir N. STRUVE, op. cit., p. 271-274. Le métropolite Nicolas a non seulement été écarté de ses fonctions par le pouvoir soviétique, mais ce dernier ne semble pas étranger à sa mort mystérieuse le 13 décembre 1960.
  6. Saint Serge de Radonège (ca. 1314-1392), plus grand saint national de Russie, est fêté deux fois durant l’année liturgique orthodoxe. le 5/18 juillet et le 25 septembre/8 octobre.
  7. Père Matthieu Stadniuk (né en 1925), prêtre orthodoxe russe. Aujourd’hui, recteur de la cathédrale patriarcale de la Transfiguration à Moscou.
  8. Mgr Pimène (Khmelevski, 1923-1993), prélat orthodoxe russe. Prieur de la Laure de la Trinité-Saint-Serge (1957-65), évêque (1965), archevêque (1977). L’abbé de la Laure est, ex officio, le patriarche de Moscou et de toutes les Russies.
  9. Liturgique (NdT).
  10. Vladimir Alexeïevitch Kouroïedov (1906-1994), apparatchik soviétique. Président (1960-1984) du Conseil aux affaires de l’Église orthodoxe (voir n. 46), rebaptisé en 1965 « Conseil aux affaires religieuses ». Voir N. STRUVE, op. cit., p. 271.
  11. Voir n. 46.
  12. Père Feriz Berki (1917-2006), prêtre orthodoxe d’origine hongroise. Recteur de la paroisse de langue hongroise de Budapest et administrateur du doyenné des paroisses du patriarcat de Moscou en Hongrie
  13. Voir n. 7.
  14. Constantin Pobedonostsev (1827-1907), homme politique russe ultraconservateur. Tout-puissant haut-procureur (1880-1907) du Saint-Synode (organe d’administration de l’Église orthodoxe russe à l’époque des tsars).
  15. Mgr Éphrem II (Sidamonidze, ?-1972), prélat orthodoxe géorgien. Patriarche-catholicos de Géorgie (1960-1972).
  16. Bref office (lecture de psaumes) précédant la Liturgie eucharistique.
  17. Mouvement de jeunesse du parti communiste soviétique.
  18. Le Conseil aux affaires religieuses disposait de délégués locaux sur tout le territoire.
  19. Mgr Job (Kressovitch, 1898-1977), prélat orthodoxe russe. Évêque (1942), Archevêque (1954). Archevêque de Kazan (1957), il fut démis de ses fonctions en raison de sa condamnation pénale (1960) et fut réintégré à l’issue de celle-ci (1967).
  20. Voir N. STRUVE, op. cit., p. 270 et Jean MEYENDORFF, op. cit., p. 129.
  21. Sovietskaïa Rossia, 21 juin et 20 juillet 1960. Voir aussi les Izvestia du 8 juillet 1960.
  22. Voir « Chapitre 2. Le métropolite Nicodème (Rotov) ».
  23. L’arrêté (décret) royal du 5 juin 1937, par lequel l’État belge a reconnu l’archevêché de l’Église orthodoxe russe en Belgique, précise que l’évêque diocésain « porte canoniquement le titre d’archevêque orthodoxe russe de Bruxelles et de Belgique » (Moniteur belge des 14-15 juin 1937, p. 3773).
  24. Père Alexandre Medvedski (1890-1973), prêtre orthodoxe russe.
  25. Célèbre église baroque de Saint-Pétersbourg.
  26. Voir n. 22.
  27. Père Paul Sokolovski (1929-1973), prêtre orthodoxe russe.
  28. Depuis lors, le Département des relations extérieures du patriarcat a déménagé dans les locaux du monastère Saint-Daniel.
  29. Voir N. STRUVE, op. cit., p. 135-136.
  30. Voir n. 4.
  31. Dignité ecclésiastique orthodoxe, plus haut titre honorifique pour un prêtre séculier.
  32. Père Vital Borovoï (1916-2008), prêtre et théologien orthodoxe russe, collaborateur du Département des relations extérieures du patriarcat de Moscou, représentant de l’Église russe auprès du Conseil œcuménique des Églises à Genève, observateur au concile Vatican II.
  33. Anatole Vassilievitch Vedernikov (1901-1992), laïc orthodoxe russe, collaborateur du patriarcat de Moscou, secrétaire de rédaction du Journal du patriarcat de Moscou.

SUITE : « Mémoire des deux mondes » De la révolution à l’Église captive, 528 pages

Par Basile Krivochéine Les Éditions du CERF — 2010

Préface du Métropolite Hilarion (Alfeyev) de Volokolamsk, président du département des relations extérieures du patriarcat de Moscou — Traduction du russe de Nikita Krivochéine, Serge Model, Lydia Obolensky — Présentation, révision et notes de Serge Model

La seconde partie, les mémoires d’Église, débute trente années plus tard, quand le prêtre (1951), puis l’évêque (1959) commence à participer à plusieurs conciles et congrès internationaux. Sa position d’ « exilé » de l’Église russe fait de lui un observateur précis, parfois rude, voire critique, des instances orthodoxes, mais cet infatigable et dévoué serviteur de l’Église disait et écrivait immuablement ce qu’il pensait, quelles que soient les personnes mises en cause ou les circonstances.