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L’autorité et l’infaillibilité des conciles œcuméniques

I. Sources de l’autorité et de l’infaillibilité des conciles œcuméniques

Quelles sont les sources de l’autorité des conciles œcuméniques, le fondement de leur infaillibilité ? La seule réponse orthodoxe possible à cette question si importante doit être. le Christ, l’Esprit Saint, l’Église. Le Christ, le « Verbe » de Dieu, nous révélant le Père (Mt 11, 27) et étant lui-même « la voie, la vérité et la vie » (Jn 14, 6) dont le Père a dit. « Celui-ci est mon Fils bien-aimé… écoutez-le » (Mt 17, 5), qui « enseign[e les foules] comme ayant autorité » (Mt 7, 29). Avant son ascension, il a promis aux apôtres de demeurer avec eux à jamais. « Je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20). Le Christ, en tant que chef de l’Église qui est son corps, demeure toujours avec elle par son Esprit Saint qu’il a envoyé de son Père aux apôtres. C’est ce Saint Esprit qui enseigne toute la vérité à l’Église, car il est « l’Esprit de vérité » (Jn 14, 17). « Mais quand il viendra, l’Esprit de vérité vous introduira comme un guide dans la vérité entière » (Jn 16, 13), dit le Seigneur, en promettant aux apôtres qu’ils seront conduits par l’Esprit Saint. L’Église, dont le chef est le Christ lui-même, et qui est le temple du Saint Esprit, ne peut se tromper. C’est là une croyance fondamentale de l’Église orthodoxe. Et les conciles sont l’expression suprême et la plus pleine de l’Église une, sainte, catholique et apostolique, que le Christ a « aimée », « sanctifiée », « pour se préparer une Église resplendissante, sans tache ni ride, ni rien de semblable, mais sainte et immaculée » (Ep 5, 25-27).

Le Christ a également béni et sanctifié la voie de la conciliarité (sobornost) en disant. « Car, là où deux ou trois se trouvent réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux » (Mt 18, 20). Le Christ, ayant promis à Pierre que « sur cette pierre (1) je bâtirai mon Église, et les portes de l’enfer ne prévaudront point contre elle » (Mt 16, 18), lui donne le pouvoir de lier et de délier. Il donne également ce même pouvoir à tous les apôtres dans leur ensemble, conciliairement, disant. « Je vous le dis en vérité, tout ce que vous lierez sur terre sera lié au ciel, et tout ce que vous délierez sur terre sera délié au ciel » (Mt 18, 18). Sous un aspect négatif, ce pouvoir suprême de l’Église de lier et de délier est ainsi formulé par le Christ. « S’il [le frère] ne veut pas les écouter, dis-le à l’Église ; que s’il n’écoute pas l’Église non plus, traite-le comme un païen et un publicain » (Mt 18, 17). Dans bien des passages du Nouveau Testament, les apôtres apparaissent comme étant investis de pouvoir par le Christ lui-même, et ces passages soulignent la nécessité de leur obéir, ainsi qu’à leurs successeurs. « Qui vous écoute m’écoute, qui vous méprise me méprise, et qui me méprise, méprise celui qui m’a envoyé » (Lc 10, 16). Les apôtres ont été revêtus de « force » lorsque l’"Esprit Saint" est descendu sur eux (Ac 1, 8). Ils ont également reçu du Seigneur le commandement d’être ses « témoins […] jusqu’aux extrémités de la terre » (Ac 1, 8). Après la Pentecôte, après que la plénitude du Saint Esprit fut sur eux et lorsque les besoins de l’Église l’exigèrent, ils ont convoqué à Jérusalem un concile (Ac 15), modèle de tous les conciles œcuméniques d’Église à venir. À ce concile, avec audace et de plein droit, les apôtres ont proclamé qu’"il a paru bon, à l’Esprit Saint et à nous" (Ac 15, 28) de décider, de trancher de la façon dont nous l’avons fait. En résumé, l’autorité et l’infaillibilité des conciles œcuméniques en tant qu’expression de l’autorité et de l’infaillibilité de l’Église dans sa plénitude ont leurs racines dans l’Écriture Sainte.

II. L’Écriture Sainte et les conciles œcuméniques

La relation entre l’Écriture Sainte et les décisions des conciles œcuméniques du point de vue de leur autorité réciproque a été largement commentée chez les anglicans, elle l’a été moins chez les orthodoxes. Pour les anglicans, il existe à cet égard un document fondamental. l’article 21 de la foi qui proclame que les décisions des conciles n’ont ni force ni autorité s’il est impossible de prouver qu’ils ont leur source dans l’Écriture Sainte (2). En d’autres termes, toute autorité en soi est refusée aux conciles. De façon générale, il semble que les anglicans reconnaissent les décisions des conciles œcuméniques du moment qu’elles ne sont pas en contradiction avec l’Écriture Sainte, sans toutefois préciser qui possède la compétence pour décider si une telle contradiction existe ou n’existe pas (un autre concile, ou chaque chrétien individuellement ?). Autrement dit, une autorité dérivée et moindre est reconnue, dans tous les cas, à certaines décisions conciliaires, en comparaison avec l’autorité de l’Écriture Sainte. Du côté orthodoxe, bien qu’il n’y a jamais eu de décision globale à ce sujet, on affirme souvent que les décisions dogmatiques des conciles œcuméniques ont une autorité et une force égales à celles de l’Écriture Sainte, car ces décisions expriment la tradition ecclésiastique authentique qui, ensemble avec l’Écriture Sainte, forment deux sources de la foi orthodoxe d’autorité égale (3).

Pareille affirmation est exacte quant à son essence, mais sa formulation peut cependant engendrer des malentendus. Premièrement, parce que ses mots sont ceux de l’enseignement du concile de Trente, plus ou moins abandonné par les catholiques-romains eux-mêmes après Vatican II, sur les deux sources de foi. Du point de vue orthodoxe, il serait plus exact de parler d’une seule source, notamment de l’unique tradition apostolique, exprimée par l’Église dans l’Écriture Sainte, les décisions des conciles, les œuvres des Saints Pères, la liturgie, etc. Ensuite — et c’est plus important —, parce qu’une telle affirmation ne tient pas suffisamment compte de la différence essentielle qui existe entre l’Écriture Sainte et les décisions des conciles. L’Écriture Sainte est une révélation divine, inspirée par le Saint Esprit qui nous révèle et nous annonce des données nouvelles sur le Dieu trine, ses grandes œuvres, accomplies pour notre salut, tandis que les conciles œcuméniques n’ont jamais prétendu fournir, par leurs décisions, des révélations sur quelque chose qui était inconnu avant eux, mais simplement une interprétation, une explication et une mise en relief inspirées de l’Écriture Sainte et de la tradition apostolique en général. C’est pour cela que la question d’une éventuelle contradiction possible entre l’Écriture Sainte et les conciles œcuméniques, du degré comparé de leur autorité, ne doit jamais se poser pour des théologiens orthodoxes.

III. Traits caractéristiques d’un concile œcuménique

Il n’est pas facile d’établir avec précision et en harmonie avec les faits historiques les critères de l’"œcuménicité" d’un concile et la manière de distinguer un concile authentique d’un concile plus restreint, soit même d’un pseudo-concile. Un concile œcuménique, cela va de soi, doit représenter la plénitude de l’Église, mais cette plénitude ne peut être comprise dans un sens géographique ou littéral, ainsi que l’histoire nous le montre. Ce n’est qu’une minorité des évêques de l’époque qui assistait aux conciles œcuméniques (près d’un dixième au concile de Nicée en 325, selon certains historiens), tandis qu’au IIe concile (à Constantinople, en 381), Rome et l’Occident en général ne furent pas du tout représentés. Inutile de dire que sa reconnaissance par l’empereur, ni même par le pape ne peut être considérée comme un facteur décisif pour qu’un concile reçoive le titre d’ « œcuménique ».

La reconnaissance par l’empereur avait plus d’importance pour l’État que pour l’Église ; une telle reconnaissance n’a pas contribué à ce que les réunions monophysites du Ve siècle ou le concile iconoclaste de 754, reconnus « œcuméniques » par les empereurs de l’époque, deviennent d’authentiques conciles œcuméniques. La reconnaissance par le pape, toute importante qu’elle ait été en tant que signe d’unanimité, fut déclarée superflue pour la reconnaissance du IIe concile œcuménique. En règle générale, la reconnaissance par l’Église détermine le fait qu’un concile soit considéré comme œcuménique. Et ceci est, sans aucun doute, le cas pour les sept conciles anciens. Deux facteurs ont une signification décisive dans ce processus de reconnaissance par l’Église. la conscience du concile, qui s’estime et se proclame comme étant œcuménique ; la reconnaissance, par le concile suivant, de l’œcuménicité du précédent, soit au contraire, le rejet des prétentions de celui-ci à l’œcuménicité.

Ainsi, par exemple, le concile de Chalcédoine (451) a rejeté les prétentions à l’œcuménicité du second concile d’Éphèse (449). Des violences, des irrégularités dans son déroulement et surtout des déviations d’ordre doctrinal furent les raisons essentielles de ce rejet. Parfois, c’est le peuple qui n’acceptait pas le nouveau concile, ainsi que cela eut lieu notamment dans le cas du pseudo-concile de Florence (1438-1439). Plus tard, le rejet fut confirmé par le concile de Constantinople de la fin du XVe siècle, bien que ce ne fut qu’un concile local. Il serait néanmoins difficile de formuler en termes canoniques une telle interférence du peuple. Nous ne pouvons qu’affirmer que les conciles œcuméniques, étant des événements charismatiques, ne peuvent être caractérisés en termes juridiques. Derrière les conciles, il y a toujours l’Église elle-même, nantie du « grand don de vérité » [μέγα χάρισμα ἀληθείας], c’est à elle qu’appartient le dernier mot dans les questions de foi.

IV. Convocation des conciles œcuméniques

Il est nécessaire de souligner le caractère charismatique extraordinaire des conciles œcuméniques, qui les différencie des conciles locaux des évêques. Ces derniers, en accord avec les saints canons (canon apostolique 37 (4) ; canon 5 du Ier concile de Nicée ; canon 19 du IVe concile œcuménique (5) ; canon 20 du concile d’Antioche (6), etc.) doivent être convoqués régulièrement et systématiquement deux fois ou — en vertu des décisions plus tardives (canon 8 du VIe concile œcuménique, canon 6 du VIIe concile œcuménique) — une fois l’an ; il n’existe par contre pas de canon qui prescrive une convocation périodique des conciles œcuméniques, et l’histoire nous montre que ces conciles se réunissaient très rarement, seulement aux moments de crises dans la vie de l’Église. Et c’est naturel. les conciles œcuméniques n’étant pas des « parlements ecclésiastiques » convoqués régulièrement et représentant juridiquement l’Église dans sa gestion et son administration, mais plutôt des réunions extraordinaires, convoquées par le Saint Esprit aux moments où la vie et le bien de toute l’Église l’exigent.

V. Immuabilité des résolutions conciliaires

Sans aucun doute possible, les décisions dogmatiques et canoniques des conciles œcuméniques sont infaillibles, elles conservent leur immuable validité et autorité et ne peuvent être abrogées ni même modifiées avec le temps ; car l’Esprit Saint, les ayant inspirées, ne peut se contredire ni se désavouer. La continuité également représente un trait caractéristique de la vie de l’Église et de sa tradition vivante. C’est particulièrement vrai en ce qui concerne les décisions théologiques des sept conciles œcuméniques. Cependant, cette immuabilité des décisions conciliaires ne doit pas être comprise dans un sens trop littéral ou formel. Ainsi, nous devons reconnaître que l’infaillibilité des conciles concerne tout particulièrement leurs décisions dogmatiques, mais non pas toutes les discussions qui ont eu lieu au cours des réunions, bien qu’il soit nécessaire de toujours tenir compte de ces discussions pour bien comprendre dans un esprit patristique, les décisions elles-mêmes (ὅροι). Qui plus est, l’histoire de l’Église — que nous ne pouvons ni ne devons ignorer — témoigne du fait que même les décisions théologiques des conciles œcuméniques (sans parler de la législation canonique) étaient modifiées, complétées, adaptées aux circonstances, abandonnées même par des conciles postérieurs qui étaient pleinement conscients qu’agissant ainsi ils « rénovaient » (ἀνανεοῦμεν) les décisions antérieures tout en demeurant fidèles à leur contenu dogmatique et spirituel. En guise d’exemple classique, citons l’acte du IIe concile œcuménique qui a retranché, dans le Symbole de foi nicéen, l’expression « c’est-à-dire de l’essence du Père » (τουτέστιν ἐκ τῆς οὐσίας τοῦ Πατρός) et « Dieu de Dieu » (Θεὸν ἐκ Θεοῦ). Si cette deuxième omission peut être expliquée par le désir d’éviter une répétition inutile, car un peu plus loin le texte dit « vrai Dieu de vrai Dieu », la première omission de « l’essence du Père » avait plutôt pour but d’éviter l’expression qui pouvait être faussement interprétée dans l’esprit sabellien et était superflue, car l’expression « consubstantiel » (ὁμοούσιος) était suffisante et avait plus de précision. En même temps, le IIe concile a essentiellement développé le Symbole de Nicée par un enseignement plus détaillé sur le Saint Esprit, l’Église, etc. Le IVe concile œcuménique a agi de même avec ses formules christologiques plus développées que l’on ne peut trouver, de manière explicite en tout cas, dans le Symbole de foi de Nicée-Constantinople.

Cette façon d’agir, chacun le sait, a rencontré une opposition opiniâtre de la part des monophysites qui dans leur conservatisme formaliste ont rejeté, du moins pendant les premières décennies après le concile de Chalcédoine, le Symbole de la foi du IIe concile œcuménique, le considérant comme une innovation arbitraire par rapport au Symbole de Nicée (« La foi des 318 Pères » était le slogan célèbre des monophysites) (7). Nous devons toutefois ajouter que le IIIe concile œcuménique a formellement interdit toute modification ultérieure du texte du Symbole de la foi (dans son canon 7). Ceci nous montre que les conciles œcuméniques ont non seulement le droit de compléter les décisions précédentes, mais également d’interdire toute modification, même textuelle, dans leur formulation.

En guise d’exemple de modification des décisions canoniques, nous pouvons citer les décisions susmentionnées du canon 8 du VIe concile œcuménique et du canon 6 du VIIe concile œcuménique sur la périodicité de convocation des conciles locaux ; au lieu de les convoquer deux fois l’an comme cela a été décidé par les conciles antérieurs (37e canon apostolique, canon 5 du Ier concile de Nicée, canon 19 du IVe concile œcuménique et canon 20 du concile d’Antioche), ils stipulent la convocation de ces conciles épiscopaux une seule fois l’an. Ils motivent leur décision par les conditions de leur époque (mauvaises routes, insuffisance de moyens pécuniaires, invasions barbares, etc.) qui rendent difficile la convocation des conciles à un rythme plus fréquent. De cette façon, ils établissent le principe suivant lequel les décisions canoniques, même promulguées par un concile œcuménique, peuvent être adaptées aux besoins de l’époque. Le VIIe concile œcuménique emploie une expression extraordinaire pour justifier une telle modification dans l’ordre canonique. « Τοῦτον οὖν τὸν κανόνα καὶ ἡμεῖς ἀνανεοῦμεν [Nous aussi, nous renouvelons ce canon]. » Nous voyons donc que, dans la conscience des Pères du VIIe concile œcuménique, leur décision n’était pas une modification d’une décision plus ancienne, mais en était un renouvellement.

Telle devrait être l’attitude orthodoxe authentique face à la question de l’autorité des conciles œcuméniques. fidélité à leurs décisions quant à leur esprit et leur contenu dogmatique ; jamais un rejet de ce qui a été adopté, mais, dans des circonstances déterminées, leur « renouvellement », leur développement, même une correction de leur formulation lorsque la conscience conciliaire le trouve nécessaire et utile. Ce n’est pas là une question d’ordre théorique, mais bien au contraire d’un ordre tout à fait pratique, maintenant que l’Église orthodoxe entreprend un dialogue théologique avec les confessions occidentales et surtout avec les Églises « monophysites » au sujet des décisions dogmatiques du concile de Chalcédoine. Ce n’est que dans la perspective susmentionnée que ces discussions ont un sens. Et, par le fait même qu’ils soient prêts de discuter la possibilité de retrouver une foi commune dans les deux formulations christologiques différentes (chalcédonienne et non chalcédonienne) (8), les théologiens orthodoxes ont reconnu qu’il était possible d’interpréter, et même de compléter l’enseignement de Chalcédoine, sans le renier. Le même raisonnement peut également être appliqué aux discussions avec les autres confessions chrétiennes. Cependant, quoi qu’il en soit, les décisions des sept conciles œcuméniques représentent toujours une autorité suprême et immuable et un trait caractéristique de l’Église orthodoxe (9) ; leur enseignement représente un tout indivisible de la vérité trinitaire et christologique.

Toutefois, dans la question des conciles nous ne devons pas prêter une signification trop particulière et sacrée au nombre de « sept », le mettant en rapport avec les sept dons de l’Esprit Saint, etc., et, par là même, lui conférer une qualité définitive, comme si on ne pouvait plus convoquer de conciles œcuméniques. (De tels essais de « sacralisation » avaient déjà été fait au Ve siècle, lorsque le nombre de « quatre » était mis en rapport avec les quatre Évangiles afin de protéger le IVe concile œcuménique contre les monophysites). De nos jours, l’Église orthodoxe possède la même plénitude de grâce qu’elle possédait aux temps anciens ; elle peut par conséquent, aujourd’hui comme avant, convoquer des conciles œcuméniques et, par la force du Saint Esprit, prendre lors de ces conciles des décisions infaillibles. D’un autre côté, il est plus difficile, pour les orthodoxes, de séparer les conciles plus récents des sept conciles anciens. Je pense notamment au concile de Constantinople des années 879-880 (confirmation du texte du Symbole de la foi sans le Filioque) et aux conciles hésychastes du XIVe siècle. Bien que formellement, ils n’aient pas encore été consacrés comme « œcuméniques », ils forment un tout organique avec les conciles œcuméniques précédents. En général, le nombre de « sept » est plutôt le minimum et non pas le maximum des conciles d’autorité et d’inspiration divines.

VI. Les Pères des conciles œcuméniques

Une question s’était posée parmi les théologiens orthodoxes. les Pères qui prennent part aux conciles œcuméniques décident-ils en tant que successeurs des apôtres ayant hérité d’eux le pouvoir de lier et de délier, ou bien agissent-ils en tant que représentants de leurs Églises locales qui possèdent la plénitude de la grâce ? La réponse correcte serait qu’ils agissent en cette qualité double simultanément. En tant que successeurs des apôtres par la lignée ininterrompue des ordinations épiscopales, les Pères œcuméniques possèdent la plénitude des dons du Saint Esprit, répandue lors de la Pentecôte, mais ils la possèdent en tant qu’évêques de leurs Églises locales, car un évêque sans Église est inconcevable. Et, de même que l’Église locale est en union avec toute l’Église, les évêques réunis ensemble au concile œcuménique y trouvent la force de parler infailliblement au nom de l’Église une, sainte, catholique et apostolique. Évidemment, ils parlent en accord avec la sagesse de l’Église, toutefois non pas en députés, responsables devant leurs électeurs, mais en tant que messagers du Christ et porteurs de l’Esprit. Ils n’expriment pas seulement les points de vue de leurs contemporains, mais l’"intelligence" de l’Église dès le début et jusqu’à l’avènement du Christ. Et nous pouvons rendre grâce à Dieu qui a « donné une telle autorité aux hommes » (Mt 9, 8)….


* Exposé présenté à la sous-commission « Autorité des conciles œcuméniques » du dialogue théologique orthodoxe-anglican à Rymnic-Vylciu (Roumanie) en 1974 et publié dans le Messager de l’exarchat du patriarche russe en Europe occidentale, n° 85-88 (1974), p. 63-70.

  1. Cette « pierre » est généralement interprétée par les Pères anciens non tant comme la personne même de l’apôtre que comme la « confession de foi » de celui-ci (Mt 16, 16). Voir notamment N. AFANASSIEFF, N. KOULOMZINE, J. MEYENDORFF et A. SCHMEMANN, La Primauté de Pierre dans l’Église orthodoxe, Neuchâtel, Éd. Delachaux & Niestlé, 1960, et B. BOBRINSKOY, Le Mystère de l’Église, Paris, Éd. du Cerf, 2003, p. 256-288 (NdR).
  2. « Wherefore things ordained by [General Councils] as necessary to salvation have neither strength nor authority, unless it may be declared that they be taken out of Holy Scripture », The Thirty Nine Articles of Religion (1563) (NdR).
  3. Voir, par exemple, J. KARMIRIS, Τὰ Δογματικὰ καὶ Συμβολικὰ μνημεῖα τῆς Ὀρθοδόξου Καθολικῆς Ἐκκλησίας [Monuments dogmatiques et symboliques de l’Église orthodoxe catholique], Athènes, 1952, t. I, p. 2.
  4. Voir Les Constitutions apostoliques, t. III, Paris, Éd. du Cerf, coll. « Sources chrétiennes » n° 113, 1987, p. 287 (NdR).
  5. Pour le texte des canons des conciles œcuméniques, voir P.-P. JOANNOU, Discipline générale antique (IVe-IXe s.). Les canons des conciles œcuméniques (IIe-IXe s. ), Rome, Grottaferrata, 1962 (NdR).
  6. Voir P.-P. JOANNOU, Discipline générale antique (IVe-IXe s.). Les canons des synodes particuliers, Rome, Grottaferrata, 1962 (NdR).
  7. Sur ce sujet, voir notamment J. MEYENDORFF, Unité de l’Empire et divisions des chrétiens. L’Église de 450 à 680, Paris, Éd. du Cerf, 1993 (NdR).
  8. Le dialogue théologique entre orthodoxes chalcédoniens et non chalcédoniens débuta de manière non officielle dès 1964, et de manière officielle en 1985. Il aboutit à reconnaître que les deux familles d’Églises confessent la même foi christologique, malgré des formulations différentes. Voir A. BELOPOPSKY et C. CHAILLOT (éd.), Towards Unity. The Theological Dialogue between the Orthodox Church and the Oriental Orthodox Churches, Genève, 1998 (NdR).
  9. Voir Mgr KALLISTOS (WARE), L’Orthodoxie. L’Église des sept conciles, Paris, Éd. du Cerf, coll. « Le Sel de la Terre », 2002 (NdR).

Suite « Dieu, l’homme, l’Église » Lecture des Pères Par Basile Krivochéine Les Éditions du « CERF » Paru en. Décembre 2010, 302 pages