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Simplicité de la nature divine et distinctions en Dieu selon saint Grégoire de Nysse

J’avais d’abord donné à mon exposé le titre. « La simplicité divine selon saint Grégoire de Nysse », mais j’ai cru nécessaire de le modifier et de le compléter ensuite pour qu’il rende mieux la terminologie et même le contenu de la doctrine de saint Grégoire sur Dieu. D’abord parce que l’expression « simplicité divine » aurait pu être comprise comme voulant dire « simplicité de Dieu ». Or, Grégoire n’affirme jamais (ou à peu près jamais) dans ses écrits que Dieu est simple, mais que sa nature et son essence sont simples. En tout cas, il précise toujours que Dieu est simple selon sa nature, ou bien, quand il le nomme « simple », emploie l’expression τό θείον (le « divin » ou la « déité ») au lieu du mot « Dieu ». J’ai donc préféré parler dans mon titre de simplicité de la nature divine et non de simplicité divine tout court. J’ai également voulu, par cette addition, souligner le fait que ce terme « nature » (φύσις) est bien plus fréquent chez Grégoire que celui d’ « essence » (οὐσία) (1). Enfin, j’ai ajouté les mots « et distinctions en Dieu », car il est impossible de parler de la simplicité de la nature divine selon Grégoire de Nysse sans mentionner les distinctions qu’il discerne en Dieu. On pourrait même dire que sa doctrine sur ces distinctions est plus caractéristique de sa théologie que son affirmation de la simplicité de la nature divine.

Cependant, la première question qu’on devrait se poser dans une étude comme la nôtre, serait celle de la possibilité même de connaître Dieu, selon saint Grégoire de Nysse. Dieu est-il accessible à notre connaissance ? Bien que la réponse de Grégoire soit assez nuancée, on peut dire d’une manière générale qu’il affirme fortement l’incognoscibilité divine. C’est l’éternité de Dieu en tant qu’être incréé et ne donnant, par conséquent, aucun appui à notre pensée, qui le rend inaccessible à la connaissance rationnelle, « il en résulte que celui qui exerce sa curiosité sur ce qui est plus ancien que les siècles et qui remonte jusqu’au point d’origine de ce qui existe ne peut s’arrêter nulle part dans ses raisonnements, car ce qu’il cherche s’éloigne toujours plus loin et n’offre aucun point fixe où la curiosité de son esprit puisse s’arrêter (2)  ».

Malgré cette incognoscibilité du divin — Grégoire, en l’évoquant, utilise le genre neutre. « ce qui est plus ancien que les siècles » (τό αἰώνων πρεσβύτερον) —, il y distingue toujours l’essence ou la nature, qu’il considère comme inconnaissable. Cette incognoscibilité est le trait caractéristique de la nature de l’essence divine. « Elle se situe, dit-il, au-delà de tout commencement et ne présente pas de trait distinctif de sa propre nature, et elle n’est connue que comme ne pouvant pas être comprise (3). » Elle est incompréhensible non seulement aux hommes, mais aussi aux anges, bien que cette dernière affirmation soit exprimée avec une certaine prudence. « La nature humaine ne possède pas en elle-même la faculté d’une compréhension exacte de l’essence (4) de Dieu. Cependant, il ne faudrait peut-être pas se limiter à dénier cette possibilité à la seule nature humaine, mais quelqu’un qui dirait que même la création incorporelle n’est pas tout à fait assez haute pour saisir et embrasser par la connaissance la nature infinie ne se tromperait pas absolument (5). » Ce n’est donc pas par un effort d’ascension intellectuelle et de dépassement qu’on peut connaître la nature divine, mais c’est par une foi simple et pure qu’on peut l’approcher, comme c’était le cas pour Abraham. « Pour toutes les […] choses, qu’il comprenait à mesure qu’il progressait dans sa réflexion, que ce soit la puissance ou la bonté ou le fait d’être sans commencement ou le fait d’être défini par aucune limite ou encore toute autre notion qui se présente à l’esprit au sujet de la nature divine [περὶ τὴν θείαν φύσιν], il en faisait des moyens d’approche et des marchepieds pour une progression vers en haut, s’appuyant toujours sur ce qu’il avait trouvé et toujours tendu vers l’avant, […] et dépassant tout ce qu’il avait compris par ses propres forces, comme étant plus petit que ce qui était recherché (6) » et, « après qu’il eut parcouru toute l’étendue des représentations [ὑπολήψεσι] de la nature de Dieu, liée à un nom dans les conjectures [ὑπονοιών] au sujet de Dieu, ayant purifié la pensée de telles suppositions et ayant adopté une foi pure de toute notion [ἑννοίας] terrestre, il fixa comme signe infaillible et manifeste de sa connaissance de Dieu le fait de croire que Dieu est plus grand et plus sublime que tout signe propre à le faire connaître (7) ». Ou encore. « Il n’est pas possible de l’approcher autrement que si la foi joue le rôle d’intermédiaire, en ajustant par elle-même à la nature incompréhensible l’esprit qui cherche à l’atteindre (8). » La foi est opposée par Grégoire à la gnose (9), mais la foi elle-même ne nous découvre pas la nature et l’essence de Dieu, mais seulement la puissance et la grandeur de ce « qui est observé au sujet de Dieu (10) ». Identifier un concept quelconque, comme, par exemple, celui d’« inengendré  », avec l’essence de Dieu, serait de l’idolatrie (11). L’incognoscibilité de la nature divine ne signifie cependant pas que Dieu soit absolument inaccessible à la connaissance ; il faut seulement éviter les deux extrêmes. affirmer son inaccessibilité totale ou, au contraire, la possibilité de le contempler clairement par l’intellect. Il existe, néanmoins, une connaissance par l’inconnaissance. « La divinité, dit-il, quelle que soit sa nature, est intangible et incompréhensible, et transcende toute capacité de saisie par le raisonnement, mais la pensée humaine, pratiquant la recherche et l’investigation par voie de raisonnement dans les limites de ses possibilités, arrive à atteindre et à toucher [en quelque sorte] la nature élevée et inaccessible, sans avoir cependant la vue assez perçante pour voir clairement ce qui est invisible et sans être, d’autre part, absolument coupée de toute approche, au point de ne pouvoir parvenir à aucune représentation au sujet de l’objet de la recherche. D’une part, certains aspects de ce qui est recherché sont établis par conjecture moyennant le toucher des raisonnements, d’autre part, du fait même de ne pas pouvoir voir Dieu, l’intelligence humaine connaît celui-ci d’une autre manière, en ce sens qu’elle acquiert en quelque sorte une connaissance claire du fait que ce qui est recherché se situe au-delà de toute connaissance (12). »

Dans ses écrits spirituels, Homélies sur le Cantique des Cantiques ou sur les Béatitudes, Grégoire nous parle du côté existentiel de cette impossibilité de connaître ou de contempler la nature divine. Cette impossibilité radicale produit en nous une tristesse « métaphysique », un sentiment d’être séparé du bien suprême. « Plus nous avons conscience que le bien de sa nature échappe à notre recherche et plus nous nous attristons, parce que ce bien dont nous sommes privés est si grand de par sa nature que même sa connaissance nous échappe (13). » Grégoire nous invite à cesser de pareilles recherches, parce qu’inutiles, bien que cette impossibilité d’atteindre « ce que nous cherchons » nous donne « une idée de la grandeur de ce que nous cherchons (14) ». C’est de nouveau la connaissance par l’inconnaissance. Il oppose aussi la contemplation et la vision, en niant la possibilité de la dernière. « Comment, demande-t-il, et par quelle considération nous mettre sous les yeux ce bien qui voit et est invisible (15) ? »

Quoiqu’il en soit, la nature de celui-ci est incompréhensible et inaccessible à nos pensées. « La nature de Dieu, dit-il, en elle-même [αὐτὴ καθ’ αὑτήν], en sa propre essence, dépasse toute représentation [καταληπτικὴς ἐπινοίας]. nul ne peut l’approcher, elle se dérobe à tout essai de formulation [στοχαστικαίς] […]. Aussi le grand apôtre dit-il des voies de Dieu qu’elles sont « impénétrables » [Rm 11, 33], indiquant par là que la route qui mène à la connaissance divine est fermée à nos esprits (16). » Grégoire ajoute cependant une phrase qui montre que, pour lui, l’incognoscibilité de la nature divine ne veut pas dire que Dieu soit totalement inconnaissable ou inaccessible. « Puisque l’être de Dieu transcende tout être, il est d’autres façons de voir et de saisir celui qui ne se laisse ni voir ni saisir (17). » Il s’agit probablement de la connaissance de Dieu par une analogie « purifiée » avec la nature humaine (18), par une illumination intellectuelle indicible (19), de la connaissance dans le miroir de l’âme (20), par les vertus (21), à travers les énergies divines, etc., la nature et l’essence divine restant cependant telles qu’elles sont, c’est-à-dire inconnaissables, en tout cas immédiatement.

L’affirmation de l’incognoscibilité de la nature divine n’empêche pas saint Grégoire d’affirmer avec insistance sa simplicité. On peut même dire que cette affirmation constitue, elle aussi, un des traits caractéristiques de sa doctrine sur Dieu. Il ne cesse de l’exprimer pour défendre la doctrine trinitaire orthodoxe de la consubstantialité du Fils dans sa polémique contre Eunome (22) et, dans ses écrits contre les macédoniens, de la divinité du Saint Esprit (23). On aurait cependant tort de réduire cette insistance sur la simplicité de la nature divine aux besoins de la polémique. Pour Grégoire, il s’agit ici d’une doctrine acceptée par tout le monde. « Nous pensons, dit-il, que même ceux qui sont très frustes et simples d’esprit ne nieront pas le fait que la nature divine et bienheureuse qui dépasse toute pensée est simple. Comment pourrait-on supposer multiforme et composée la nature (divine) sans forme et sans figure, exempte de toute grandeur et quantité mesurables (24) ? » La simplicité est donc comprise ici comme absence de formes et de complexité. Ce n’est pas d’ailleurs ici que se situe le désaccord de Grégoire avec Eunome qui, d’après Grégoire, reconnaissait aussi, au moins formellement, la simplicité de l’essence divine (25). Mais ailleurs, Grégoire accuse Eunome d’enseigner que Dieu est « une entité complexe et composée, une combinaison d’éléments contraires (26) ». Cependant, cette affirmation fondamentale de la simplicité de la nature divine pose beaucoup de problèmes, car Grégoire (suivant d’ailleurs la tradition théologique de l’Église et l’enseignement de son frère aîné Basile en particulier) fait beaucoup de distinctions en Dieu, ou quand il parle de Dieu. Par exemple, entre l’essence divine et les hypostases trinitaires, entre la nature ou l’essence divine et ses énergies ou ses attributs, entre la nature divine et ce qui est contemplé « autour d’elle », etc. Quelle est donc la nature de ces distinctions, à quoi correspondent-elles en Dieu, comment coexistent-elles avec la simplicité de la nature divine et comment Grégoire comprend-il cette simplicité ?

Il n’est pas dans nos intentions d’examiner ici la doctrine trinitaire de saint Grégoire dans son ensemble. Disons seulement qu’il affirme clairement la réalité des distinctions hypostatiques, tout comme il distingue les hypostases de l’essence divine, de sorte que celui qui est réellement (ὄντως ὄντος) est en même temps un et non-un. Il nous faut donc « nous en tenir à l’appellation de Père, de Fils et de Saint Esprit, en vue de l’intelligence de l’être qui est réellement, qui est en même temps un et non-un (27) ». Et il explique comment il faut comprendre cette « unité — non-unité » antinomique. « En raison de son essence, l’[être] est un, et c’est pourquoi le Maître prescrit de fixer notre regard sur un nom unique ; mais par les propriétés propres à faire connaître les hypostases [γνωριστικοῖς τῶν ὑπωστάσεων ἰδιώασιν], la foi distingue entre le Père, le Fils et le Saint Esprit, divisés sans séparation et unis sans confusion (28). » Plus loin, Grégoire souligne encore davantage la distinction des personnes dans la Sainte Trinité et l’unité de son essence, et affirme en même temps qu’aucune appellation ne concerne la nature et n’y introduit de division (29). Quant à la nature divine, elle reste au-dessus de tout nom. « Seule la nature incréée, crue dans le Père, dans le Fils et dans le Saint-Esprit, dépasse toute désignation par un nom (30). » « Il est clair, ajoute-t-il encore, que l’appellation de Père ne fait pas comprendre son essence, mais indique la relation au Fils. Il s’ensuit que s’il eut été possible au genre humain d’être instruit de l’essence de Dieu, celui qui veut que tous les hommes soient sauvés et viennent à la connaissance de la vérité, n’en aurait pas celé la connaissance. Mais, par le fait qu’il n’a rien dit au sujet de l’essence, il a montré que la connaissance en est impossible (31). » La question de la simplicité de la nature divine n’est certes pas directement abordée dans ces passages trinitaires, mais elle y est incontestablement présupposée, comme dans l’œuvre de saint Grégoire dans son ensemble. On peut donc à juste titre déduire que, pour lui, la simplicité de la nature divine est compatible avec les distinctions hypostatiques réelles — bien qu’antinomiques — en Dieu, et qu’elles n’introduisent pas de complexité dans sa nature.

Ce même problème se pose aussi si nous examinons ce que dit Grégoire à propos de la nature ou de l’essence divine dans leurs relations avec ce qu’il désigne par les termes d’ « énergie » ou d’autres expressions analogues. On peut même se poser la question de savoir si ces deux termes de « nature » et d’ « essence » ont, pour Grégoire, un sens absolument identique dans leur application à Dieu. Le terme « nature », plus fréquent (comme nous l’avons déjà remarqué) chez Grégoire, semble avoir, pour lui, une nuance davantage ontologique, tandis qu’ « essence » est plutôt employé dans le domaine de la connaissance. Ils sont cependant interchangeables, comme on peut le voir quand Grégoire écrit que l’essence du Père ne se distingue pas de la nature du Monogène (32), ou que ceux dont la notion (λόγος) de l’essence coïncide ne peuvent aucunement avoir des natures différentes (33). Comme pour saint Basile, l’incognoscibilité de la nature divine n’est pour lui qu’un cas particulier de l’impossibilité de connaître la nature des choses. « S’il n’a pas encore saisi par la connaissance la nature de la fourmi qui est si petite, dit-il, comment se vante-t-il d’avoir saisi par le raisonnement celui qui contient la totalité de la création (34) ? » Il existe cependant une différence énorme et infranchissable entre la nature créée et incréée. « L’intervalle qui entoure, comme par une enceinte, la nature incréée et qui la sépare de la nature créée est grand et infranchissable. Cette dernière est limitée, la première est illimitée ; celle-ci est enfermée dans ses propres mesures […], celle-là a comme mesure l’infinité. Celle-ci s’étend comme une extension par intervalles et est enfermée de toutes parts par le temps et l’espace, celle-là transcende toute notion d’intervalle et se dérobe à la curiosité, quel que soit l’aspect auquel on applique son esprit (35). » Inconnu donc dans son essence à cause de son infinité, Dieu nous devient connu par son énergie créatrice et dans ses créations, selon l’expression de saint Grégoire. « Dieu, dont le fait d’être ce qu’il est selon l’essence, quelle qu’elle soit, échappe à toute tentative de saisie et à toute curiosité indiscrète. […] C’est à partir de la grandeur et de la beauté des choses créées, selon une certaine analogie avec les choses connues, que nous parvenons à la connaissance de l’existence de Dieu, lui qui nous accorde seulement la foi à travers ses énergies (36), mais non pas la connaissance de ce qu’il est (37). » La connaissance par les énergies est donc comprise ici, non comme une connaissance de Dieu tel qu’il est, mais comme une connaissance de son existence à travers ses créatures, bien que cette énergie divine créatrice soit distinguée des créatures qu’elle crée. Remarquons encore que, quand Grégoire parle dans un contexte trinitaire, il emploie le terme « énergie » au singulier, ayant en vue l’énergie commune aux trois personnes divines. « Qui ne sait pas, dit-il […] que la puissance vivifiante procède sous forme d’énergie du Père et du Fils semblablement (38). » Ou. « Toute énergie d’origine divine qui se répand sur la création et qui est nommée suivant les multiples notions, part du Père, progresse par le Fils et trouve son achèvement dans l’Esprit Saint (39). » Elle est aussi nommée vie. « La même vie qui est aussi bien mise en énergie [ἐνεργείται] par le Saint Esprit, préparée de la part [παρά] du Fils et suspendue à la volonté du Père (40). » Ou, comme il dit. « Il y a une seule progression et transmission de la volonté bonne, qui se propage depuis le Père par le Fils jusqu’à l’Esprit (41). » Il s’agit ici de « volonté », mais comme Grégoire l’explique ailleurs, « il est clair qu’il ne peut exister aucune différence entre la volonté et l’énergie dans la nature divine (42) ».

En même temps, la doctrine de saint Grégoire à propos des noms peut, sans doute, éclairer ses conceptions de la nature de Dieu et de ses énergies, tout comme le problème de la connaissance de Dieu en général. On peut dire qu’elle est opposée à celle d’Eunome qui, prolongeant la ligne philosophique du Cratyle de Platon et influencé par le magisme de la mystique païenne tardive, développe toute une philosophie des noms comme ayant une origine divine et exprimant la nature des choses (43). Grégoire rejette radicalement ces théories d’Eunome. Sans vouloir examiner ici l’enseignement de Grégoire dans son ensemble, nous nous arrêterons particulièrement sur les points qui ont un rapport direct avec notre thème. Tandis qu’Eunome identifie, selon Grégoire, le nom au sujet (44), notre auteur considère que les noms et les paroles expriment un mouvement de notre pensée et nous sont nécessaires pour une certaine connaissance de Dieu, « pour pouvoir comprendre un peu quelque chose de ce que nous pouvons penser pieusement à son sujet [περὶ αὐτόν νοουμένων] (45) ». Les choses sont créées par Dieu, tandis que les noms le sont par notre puissance rationnelle (λογικὴν δύναμιν), bien que cette puissance elle-même, ainsi que la nature rationnelle, soient « l’œuvre de Dieu (46) ». Ils (les noms) désignent les puissances naturelles des choses (47). Quant à Dieu, il est au-dessus de tout nom, car « le seul nom approprié à Dieu est au-dessus de tout nom [Ph 2, 9]. En effet, le fait d’être au-delà de tout mouvement de pensée et d’échapper à la délimitation par un nom constitue pour les hommes une preuve de sa majesté ineffable (48) ». Les noms du Christ aussi (comme « Porte », « Pasteur », etc.) ne désignent pas son essence ou sa nature, mais ses « énergies ». « Aucun de ses noms, dit Grégoire, ne constitue ni la nature du Monogène, ni sa divinité, ni un caractère spécifique [ἰδίωμα] de son essence ; néanmoins le Monogène porte ces titres et l’appellation a un sens pertinent. […] Du moment que le Seigneur a exercé sa bienveillance de multiples manières au profit de la vie des hommes, chaque aspect de ses bienfaits est connu, de façon appropriée, grâce à chacun des noms de ce genre — les énergies (49) observées en lui étant exprimées sous forme de noms. Nous, nous disons que de tels noms sont attribués par nous, par voie de pensée conceptuelle [κατ’ ἐπίνοιαν τρόπου] (50). » Grégoire insiste beaucoup sur le fait que les noms ne s’appliquent pas à la nature divine, mais désignent Dieu selon ses énergies, car autrement il serait complexe. « Eh bien !, s’exclame-t-il, Est-ce qu’Eunome veut soutenir que ces appellations désignent la nature [divine] même ? Dans ce cas, il affirme donc que la nature divine est quelque chose de multiforme et de composé, et qu’elle révèle la complexité qui est la sienne par la différence des aspects signifiée par ces noms. […] Donc ils [ces noms] ne désignent pas la nature, mais nul n’osera dire que la dénomination liée à ces noms est impropre et privée de signification. Si donc le Seigneur est ainsi nommé, mais non pas selon la nature, et si tout ce qui est dit de lui par l’Écriture lui est appliqué de façon pertinente [κύριον], quelle autre explication pour l’application appropriée de telles appellations au Monogène Dieu reste-t-il, en-dehors du procédé de la conceptualisation [τοῦ κατ’ ἐπίνοιαν τρόπου] ? Car il est clair qu’on a formé des noms [ὀνοματοποιεῖται] pour le divin en fonction de la variété de ses énergies selon leurs différentes significations, et le divin se trouve nommé tel que nous l’avons conçu (51) ». Les noms sont donc des appellations des énergies diverses et, en ce sens, ils se distinguent de celles-ci. Comme appellations des énergies divines, les noms nous aident cependant à connaître Dieu, bien que pas selon sa nature.

Il est très important de noter ici que, tout en admettant que par un acte intellectuel nous nommions Dieu selon les énergies, Grégoire insiste sur le fait que ces noms ne sont pas seulement un pur produit de notre intellection mais, d’une certaine manière, correspondent à une réalité qui existe en Dieu. En tout cas, chaque nom désigne quelque chose de particulier en Dieu, car « si aucun de ces noms n’est compris selon un sens propre et si tous ces noms sont mélangés les uns avec les autres en raison de l’absence de distinction, il serait vain d’utiliser beaucoup de dénominations à propos du même sujet, puisqu’aucune différence de signification ne distingue les noms les uns des autres (52) ». C’est au contraire Eunome qui veut montrer qu’ « il n’existe aucune différence entre les divers noms en ce qui concerne la signification (53) ». Les noms permettent d’exprimer certaines notions contemplées dans la vie divine (54), comme « l’incorruptibilité » ou « l’infini », par exemple. Ils les constatent mais ne les créent pas ; ils ne rendent pas la vie divine incorruptible, mais indiquent qu’elle est ainsi (55). Grégoire distingue ici le « sujet » (ὑποκείμενον), la « notion » (νόημα) et le « nom ». « Par conséquent, le fait que la vie divine est illimitée dans les deux sens est une propriété du sujet, mais le fait que les notions observées dans le sujet sont exprimées de telle ou telle façon concerne uniquement le mot qui manifeste la pensée qui est signifiée. […] Par conséquent, le fait que le sujet est ce qu’il est se situe au-delà de tout nom et de toute pensée, mais le fait qu’il existe sans cause et qu’il n’aboutit jamais à la non-subsistance est exprimé par le sens contenu dans ces noms (56). » Par une multitude de noms, nous essayons de cerner ce qui est au-dessus de la connaissance, « puisque nous signifions moyennant des dénominations uniquement les choses connues et qu’il n’est pas possible de déterminer moyennant des appellations significatives les choses qui dépassent la connaissance, […] du fait que nous ne pouvons trouver aucune appellation appropriée par nature à ces choses et capable de désigner le sujet (57) de façon adéquate, nous sommes forcés de recourir, dans la mesure du possible, à des mots nombreux et variés, pour révéler la conception [ὑπόνοιαν] qui est née en nous à propos de la divinité (58). » Grégoire paraît donc admettre ici de nouveau que les noms nous aident à découvrir le Dieu inconnaissable. Mais, en soi, les noms n’ont aucune réalité, ils ne sont que des signes (59). Même l’appellation « Dieu » ne désigne pas son essence, mais une de ses énergies, comme Grégoire le dit lui-même. « Nous avons aussi compris que le nom de « Dieu » a prévalu en raison de l’activité d’observation. […] Par conséquent, nous avons appris à connaître par là une énergie (60) partielle de la nature divine, mais par cette appellation nous ne sommes pas parvenus à la compréhension de l’essence divine en elle-même (61). »

Comme nous avons pu le voir, Grégoire dit souvent, en parlant des noms et de leur application à Dieu, qu’ils sont employés κατ’ ἐπίνοιαν, « par intellection ». Il faut examiner ce que Grégoire entend par cette expression. Il le dit lui-même. « L’activité conceptuelle [ἐπίνοια] est la méthode [ἔφοδος] pour découvrir les choses ignorées ; au sujet de l’objet de la recherche, elle utilise ce qui est lié à une première appréhension et à ce qui en découle pour découvrir la suite. En effet, après avoir entrevu quelque chose de ce qui est l’objet de la recherche, nous ajustons ensemble la première idée et ce qui en résulte grâce à des notions que nous avons élaborées progressivement, et ainsi nous menons à son terme l’opération de recherche (62). » C’est donc un processus de connaissance graduelle. Grégoire a la plus haute idée de cette faculté intellectuelle qui, en dernier ressort, est d’origine divine, puisque c’est Dieu qui est le créateur de l’intellect. « À ce qu’il me semble, dit-il, il ne s’écarte pas, par erreur, d’un jugement droit celui qui estime que parmi tous les biens qui ont été produits par nous dans cette vie et qui existe dans nos âmes grâce à la divine Providence, le plus précieux en quelque sorte est l’intelligence conceptuelle (63). » Et il ajoute. « Toutes les choses, quelles qu’elles soient, qui ont été découvertes au cours de la vie humaine […] n’ont pas d’autre origine en nous que notre intelligence qui réfléchit et qui découvre chaque chose d’une manière appropriée à notre nature. Or, l’intelligence est l’œuvre de Dieu. donc tout ce qui nous est procuré par l’intelligence nous vient de Dieu (64). » Néanmoins, insiste Grégoire, l’intellection est incapable de saisir l’insaisissable et de connaître la nature divine. « Nous n’avons été amenés en rien à discerner ce que l’essence elle-même, qui existe en tant qu’inengendrée, est selon sa propre nature. En effet, selon toute vraisemblance, l’intelligence conceptuelle avec ses raisonnements ne saurait posséder une telle force spéculative qu’elle nous élève au-dessus des limites de notre nature et qu’elle nous donne accès à des choses incompréhensibles, si bien que nous pourrions embrasser par nos connaissances les choses à la compréhension desquelles il n’existe pas d’accès (65). » Mais le fait que l’ἐπίνοια (l’activité conceptuelle) soit « une énergie (66) de notre intelligence (67) » n’empêche pas qu’on puisse en faire un usage pieux dans notre connaissance de Dieu selon ses énergies, en lui appliquant des noms κατ’ ἐπίνοιαν, « selon l’intellection », mais qui n’expriment pas sa nature ineffable (68). Ainsi, par exemple, Dieu est nommé selon des intellections différentes (κατὰ διαφόρους ἐπινοίας), « lumière », « vie », « incorruptibilité », et par d’autres noms de ce genre (69). On pourrait donc dire que Grégoire admet que notre connaissance de Dieu s’effectue, en partie du moins, par un acte intellectuel humain, l’ἐπίνοια, ou intellection comme il aime à s’exprimer, que c’est un procédé normal et pieux qui nous permet de connaître Dieu selon ses actions ou dans ses énergies différentes, de les nommer par des noms qui correspondent à une réalité en Dieu, mais sans jamais saisir ce que Dieu est en soi, dans son essence et sa nature incompréhensible, inabordable et ineffable. On pourrait même dire que, pour Grégoire de Nysse, il y a en Dieu, d’un côté, quelque chose d’inconnaissable et d’inabordable — pour toute créature du moins — et de cognoscible et d’accessible, de l’autre.

Nous voudrions nous arrêter encore sur ces distinctions en Dieu. C’est dans sa lettre à Ablabius (70) que Grégoire en parle clairement. Il y emploie, comme d’ailleurs dans ses autres écrits, l’expression importante pour comprendre sa doctrine. « autour de la nature divine [τὰ περὶ τὴν θεῖαν φύσιν] (71) ». Ainsi, Grégoire écrit, en résumant en quelques lignes ses convictions théologiques. « Or, nous qui suivons les préceptes de l’Écriture, nous avons appris que la nature divine est innommable et ineffable, et nous disons que tout nom, qu’il soit inventé par l’usage des hommes ou transmis par les Écritures, est l’interprète des pensées que l’on se fait autour de la nature divine [τῶν περὶ τὴν θεῖαν φύσιν νοουμένων], sans saisir la signification de la nature elle-même (72). » Deux choses paraissent claires dans ce passage. une distinction existe entre la nature divine et ce qui l’entoure ; cette distinction est aperçue par un acte intellectuel mais confirmée par l’Écriture, elle est donc traditionnelle. Et Grégoire continue. « Nous trouvons que, par chacun des noms, peut se penser et se dire un certain sens externe qui concerne la nature divine, sans que celui-ci ne signifie ce qu’est la nature par essence (73). » L’impossibilité de donner un nom à la nature divine est, selon Grégoire, la conséquence du fait qu’elle est illimitée. « Car nous croyons que la nature divine est illimitée et incompréhensible, nous n’y appliquons aucun nom, mais nous affirmons que la nature doit de toute manière être pensée au moyen de l’infinité. Or, le totalement infini n’est limité ni d’un côté ni d’un autre, car l’infinité échappe de partout à la limite. Ce qui est donc hors de toute limite ne peut assurément pas non plus être limité par un nom. C’est pourquoi, de manière à ce que subsiste la notion de l’illimité dans tout ce qui concerne la nature divine, nous disons le divin au-dessus de tout nom ; or, la « divinité » est un des noms. Il n’est donc pas possible de penser que la même réalité est un nom, et qu’elle est au-dessus de tout nom (74). » « Il a été établi, dit encore Grégoire, que le nom de la divinité signifie l’énergie et non la nature (75). » La distinction que fait ici Grégoire entre la nature divine et l’énergie est claire. La première est au-dessus de tout nom, la deuxième peut être nommée. Et Grégoire peut donc s’exclamer. « Un seul nom est significatif de la nature divine. l’étonnement qui surgit indiciblement dans notre âme devant elle (76). » Quant à l’expression « autour de la nature divine », Grégoire dit que tout ce qui est contemplé autour du divin a la même qualité d’inchangeabilité que le divin lui-même. « Il faut croire — pensons-nous — que seul ce qui est éternel et illimité selon son être est véritablement divin, et que tout ce qui est contemplé autour de lui existe toujours de la même manière, sans augmentation ni diminution (77). » Dans ses Homélies sur les Béatitudes, Grégoire parle aussi de « ce que nous pouvons percevoir de la nature divine » et qui « dépasse les limites de notre condition (78) ». Il s’agit donc d’un terme familier à Grégoire qu’il emploie dans ses écrits théologiques et spirituels et qui évidemment veut dire quelque chose. Grégoire en donne certaines explications dans son Discours catéchétique. Parlant des buts de la création il dit. « Sa lumière ne devait pas rester invisible, ni la gloire sans témoins, ni la bonté sans bénéficiaires, ni toutes les autres qualités que nous voyons attachées à la nature divine demeurer inefficaces, du fait qu’il n’y aurait eu personne pour y participer et en jouir (79). » À noter que parmi les choses contemplées « autour de la nature divine », Grégoire compte la gloire et la lumière.

Comment donc, dans cette doctrine sur Dieu, se pose le problème de la simplicité de la nature divine ? Car il s’agit d’un des points importants de la théologie de Grégoire et il y revient constamment. C’est un dogme fondamental de l’Église, partagé, comme nous l’avons vu plus haut (80), même par les personnes de l’intelligence la plus terre-à-terre. « Mais, dans l’Église de Dieu, il n’existe pas, dit-il encore, […] une doctrine de ce genre qui enseigne que celui qui est simple et non composé apparaît non seulement multiforme et complexe, mais composé d’éléments contraires. En effet, la simplicité de la doctrine de vérité propose Dieu tel qu’il est réellement, lui qui ne peut être délimité ni par un mot, ni par une pensée, ni par quelque autre mode d’appréhension, non seulement humain, mais aussi angélique, et reste toujours au-delà de toute compréhension supraterrestre, étant ineffable et indicible et supérieur à tout ce que les mots peuvent exprimer, ayant un nom qui fait connaître sa propre nature, le seul nom au-dessus de tout nom (81). » C’est un des rares passages où Grégoire semble parler de la simplicité de Dieu et non de la simplicité de sa nature divine, comme il le fait généralement. Mais à y regarder de plus près, comme il parle de Dieu « tel qu’il est » et achève en disant que la nature divine est au-dessus de tout nom, le sens semble être à peu près le même. En général, comme on le verra plus loin, Grégoire de Nysse, en défendant la simplicité de la nature divine, ne croit pas nécessaire de nier toute distinction en Dieu. Au contraire, il les admet, mais il veut les comprendre, les expliquer et démontrer surtout qu’elles ne contredisent pas la simplicité de sa nature.

Pour rendre plus claire sa conception de simplicité de la nature divine, Grégoire recourt à une comparaison avec l’âme humaine et ses nombreuses et différentes facultés et activités, qui ne la rendent cependant pas composée de beaucoup de parties, bien que les appellations de ces activités ne signifient pas la même chose. Ce qui est d’autant plus vrai de Dieu. « Si donc l’esprit humain ne subit aucun préjudice sous le rapport de la simplicité en raison de la multiplicité des noms qui lui sont appliqués, comment quelqu’un pourrait-il penser que Dieu, lorsqu’il est appelé sage, juste, bon, éternel ou autres dénominations dignes de Dieu, ou bien devienne un composé d’éléments variés ou acquière pour lui-même la plénitude de sa nature par participation à ces notions, si l’on n’admet pas l’unicité de signification pour toutes les dénominations (82) ? » Bien que Grégoire affirme ici que les noms divins sont donnés par les hommes, ils correspondent à des réalités existantes en Dieu, bien que différentes. Il est vrai cependant que l’âme humaine à cause de sa faiblesse ne peut pas clairement voir cette « unité dans la diversité » de Dieu et a tendance à perdre de vue la simplicité de sa nature. « La nature divine, écrit Grégoire, quelle qu’elle soit selon l’essence, est une, simple, uniforme et non composée, et que, d’aucune manière, elle ne peut être considérée comme composée d’éléments variés ; par contre, l’âme humaine, qui se tient au niveau de la terre et est enfouie dans les profondeurs de cette vie terrestre, du moment qu’elle ne peut percevoir distinctement ce qu’elle cherche, tend vers la nature ineffable, de diverses manières, sous maintes formes et à l’aide de nombreuses notions, sans pouvoir atteindre le mystère caché en faisant appel à une seule conception (83). » Grégoire insiste aussi sur le fait que les « qualités » contemplées en Dieu ne sont pas quelque chose d’acquis à quoi il participe, mais qu’il est ce qu’il possède. « En effet, celui pour qui la bonté n’est pas acquise de l’extérieur, mais qui, par nature, est bon en tant que tel [καθό ἐστι τοιοῦτον πέφυκεν], ne connaît aucun manque en fait de sagesse ou de puissance ou de quelque autre bien. C’est pourquoi, celui qui prétend percevoir des essences plus ou moins grandes dans la divine nature, établit à son insu que la divinité est composée d’entités dissemblables, en sorte qu’il faut considérer comme une chose le sujet, comme autre chose ce à quoi il participe. ainsi ce qui ne possédait pas la bonté par nature devient bon par participation (84). » Par ce texte important, dirigé contre l’affirmation d’Eunome que le Fils est plus petit que le Père, Grégoire veut montrer que ce sont des distinctions qualitatives et surtout quantitatives qui introduisent une composition en Dieu. Dieu est ce qu’il possède et nous devons le penser comme un tout, comme Grégoire le souligne de nouveau dans le texte suivant. « Désirer le bien et avoir ce qu’on a voulu, tout est pensé ensemble et en même temps, dans le cas de la nature simple et toute puissante (85). » C’est aussi l’inchangeabilité de Dieu qui est mise en connexion avec sa simplicité. « Dieu, dit Grégoire, étant le bien un, regarde toujours, en sa nature simple et non composée, dans le même sens, et ne change jamais par les impulsions de sa volonté, mais il veut toujours ce qu’il est et, incontestablement, est ce qu’il veut (86). » Ici de nouveau, nous voyons que la simplicité est plutôt comprise comme absence de contradiction et comme indivisibilité de Dieu. D’ailleurs toutes ces notions sont issues de l’essence divine et sont contemplées en elle. « Laquelle des notions dignes de Dieu ne s’attache-t-elle pas à l’essence même du Fils, comme le fait d’être juste, bon, éternel […] ? Existe-t-il quelqu’un qui dise que quelque chose de bon a été acquis (de l’extérieur) par la nature divine, et non que tout ce qui est bon provient de celle-ci et est constaté en elle (87) ? » Ces notions se distinguent cependant de l’essence divine elle-même. « L’idée d’inengendré est une chose, affirme Grégoire, et la nature [λόγος] de l’essence divine est autre chose [ἄλλο τι] (88). »

Et chaque nom désigne quelque chose de différent en Dieu. « Chacun de ces termes a un sens spécifique (89). » Grégoire parle ailleurs, dans sa polémique contre Eunome, de « différences de qualités ou de propriétés, telles qu’elles sont conçues par l’intelligence qui raisonne au sujet de l’essence [τῷ λόγῳ τῆς ἐπινοίας] » et qui « sont autre chose que le sujet (90) qui en est doué (91) ». Et il explique. « L’objet de la présente enquête [est] le sujet (92) même, auquel revient le nom d’« essence » au sens propre (93).  »Il est vrai que Grégoire a ici en vue les choses créées, « ce qui concerne le corps ou l’âme (94) ». Cependant, comme nous l’avons vu, Grégoire considère que l’âme avec ses facultés est une image de la simplicité divine, qui nous permet de comprendre cette dernière, et donc le passage cité ne perd pas sa valeur, même appliqué à l’essence divine. Quoiqu’il en soit, Grégoire démontre que toutes ces distinctions ne contredisent pas la simplicité de la nature divine. « Nous ne divisons pas le sujet en lui-même par de telles pensées, dit-il, mais nous croyons que, quelle que soit son essence, il est un, et nous admettons que ce que l’on pense de lui a un rapport d’affinité avec toutes ces notions (95). » Il comprend l’unité divine comme absence de contradictions. « Les noms ne sont pas en conflit les uns avec les autres selon le mode naturel des opposés, au point que si l’un existe l’autre ne peut être envisagé en même temps (96). » C’est la différence selon l’essence qui est incompatible avec la simplicité. « Puisque la nature divine, simple et immuable, repousse loin d’elle toute altérité d’essence, tant qu’elle reste une, elle n’admet pas pour elle-même de signification plurielle (97). » « Comment un mélange avec une réalité différente pourrait-il être supposé dans ce qui est simple ? En effet, ce qui est conçu comme étant associé à quelque chose ne serait plus simple (98). » Ailleurs, Grégoire identifie le simple avec l’immuable. « Ce qui est simple par nature, dit-il, n’est pas composé de parties et n’est pas complexe, et quoi qu’il soit, l’est entièrement, ne devenant pas différent par un changement quelconque à partir de quoi que ce soit d’autre, mais demeurant pour l’éternité dans ce qu’il est (99). » C’est Eunome qui « greffe chacun des noms concernant la divinité sur l’essence de Dieu (100). » Maintes fois, nous voyons que la simplicité divine est comprise par Grégoire comme l’absence de contradictions en Dieu. « Si [les eunomiens] conviennent que [le Monogène] est simple, comment est-il possible de contempler dans la simplicité du sujet un concours de contraires (101) ? », comme le font les eunomiens en attribuant à sa divinité des attributs contraires, par exemple « créé » et « incréé ». Et Grégoire remarque. « Tel est le Dieu d’Eunome, quelqu’un de double nature ou multicomposé, divisé lui-même contre lui-même, ayant une puissance qui ne s’accorde pas avec sa puissance (102) ». Comme on peut le voir, ce n’est pas le fait d’avoir une puissance qui produit la composition, mais d’avoir des puissances qui se contredisent. « Car ce qui est simple par nature ne se déchire pas par des propriétés contraires (103). » Et. « À qui manque la simplicité, on y trouve à l’évidence le varié et le composé (104). » Grégoire ne dit cependant jamais que la simplicité divine pourrait signifier l’absence de toute distinction ou différence ontologique en Dieu. Au contraire, comme nous avons tâché de le montrer déjà, il admet des distinctions pareilles, non seulement entre la nature divine et les hypostases trinitaires et les hypostases entre elles, mais aussi entre la nature divine et ce qui est « autour » d’elle, entre la nature et les « énergies », entre les noms qui désignent ces énergies et l’essence inexprimable. Des distinctions, communiquées par l’Écriture ou découvertes en Dieu par notre intellection, perceptibles seulement d’une manière partielle à cause de la faiblesse de l’intellect humain, mais qui existent néanmoins en Dieu ou, en tout cas, qui correspondent à la réalité divine et qui ne diminuent en rien la simplicité de la nature divine. Donnons encore quelques exemples, pour éclaircir la question.

Grégoire note souvent que ce que nous distinguons en Dieu, comme par exemple, qu’il est appelé « lumière », n’est pas une simple construction de notre intelligence mais correspond à une certaine réalité divine. « Nous pensons, dit-il, que l’appellation de « lumière » n’est pas attribuée à la nature divine comme un simple mot, séparé de toute signification, mais qu’elle renvoie à un certain substrat (105) » (le Père et le Fils dans le cas présent). Et si cette lumière se caractérise par des adjectifs différents. « lumière inaccessible » pour le Père, « lumière véritable » pour le Fils, cela ne diminue en rien la simplicité de l’essence divine, car ces qualificatifs n’expriment pas l’essence divine, mais ce qui est contemplé autour d’elle. « Par ces expressions, l’Écriture ne nuit en rien à la simplicité, car le commun et le particulier ne sont pas l’essence, de sorte que même leurs concours pourrait indiquer que le sujet est composé. L’essence en soi reste ce qu’elle est selon la nature, étant ce qu’elle est elle-même. Et toute personne qui dispose d’intelligence dira que cela concerne ce qu’on pense, ou contemple, autour de l’essence (106). » De même, la communion de Dieu avec l’homme dans l’appellation « bon » ne rend pas de Dieu composé. « Dieu n’est pas composé parce qu’il a l’appellation « bon » en commun avec l’homme. Par là, l’on confesse donc clairement qu’autre est la notion [λόγος] de communion et autre celle de l’essence ; cela ne créée cependant pas, pour la nature simple et non quantifiée, de complexité et de multicomposition, que ce qui est contemplé autour d’elle soit considéré de manière individuelle ou cela ait une signification commune (107). »

La notion d’énergie (ou énergies) divine occupe une place encore plus importante dans la théologie de saint Grégoire de Nysse, bien que semblable à l’expression « autour de la nature divine ». Parfois, suivant les traces de saint Basile (108), il parle de « l’énergie de Dieu qui seule descend jusqu’à nous (109) » (en la distinguant évidemment de la nature divine). Une autre fois, parlant des œuvres de Dieu dont témoignent les prophètes dans les Écritures, il précise, distinguant « nature », « puissance » et « énergie ». « C’est une partie, assurément, de l’énergie divine, dit-il, que de telles allégories grandioses expriment dans le texte du Prophète ; quant à la puissance elle-même dont est issue cette énergie — pour ne pas parler de la nature dont est issue cette puissance ! — il ne l’a pas exprimée, il n’était pas en situation de le faire (110). » Ailleurs, Grégoire distingue clairement l’énergie et l’être divin. « De même qu’en disant que « Dieu est juge », nous entendons par le mot « jugement » une certaine énergie autour de lui et par le mot « est » nous dirigeons notre intellect vers le sujet, montrant clairement par là que nous estimons que la notion [λόγος] de l’être [τοῦ εἶναι] n’est pas identique à celle de l’énergie, de même, en disant qu’ « il est engendré » ou « inengendré », nous divisons notre pensée en une double affirmation, en entendant par le « est » le sujet, et par « engendré » ou « inengendré », ce qui est ajouté au sujet (111).  » Les énergies divines sont nombreuses et variées, et c’est selon ces énergies que nous appliquons par un acte d’intellection des noms variés à Dieu, mais qui correspondent à une réalité en lui. Ces énergies relèvent de la nature (112) et — ce qui est d’une importance capitale pour comprendre ce que Grégoire entend par la notion de simplicité divine — leur multitude n’empêche pas le Fils de Dieu être un dans sa nature inconnaissable. Ainsi, dit Grégoire, en s’appropriant un passage d’Eunome, « le Seigneur aussi est en lui-même ce qu’il est selon sa nature, quelle qu’elle soit, mais s’il est dénommé en fonction de ses différentes activités, il ne possède pas uniquement une seule dénomination s’appliquant dans tous les cas ; mais il change de nom conformément à chaque notion née en nous en fonction de telle ou telle activité. […] Il est possible d’attribuer au Fils de Dieu, qui est unique selon son être profond, de nombreux noms en fonction de ses différentes activités et de la relation aux effets obtenus grâce à ces activités, de même que le blé, tout en étant un, reçoit en partage de différentes appellations selon les idées variées que l’on peut se faire à son sujet (113) ». Le désaccord entre Eunome et Grégoire concerne, semble-t-il, le « sens des noms », à savoir « s’ils désignent la nature ou s’ils sont attribués en fonction de la pensée conceptuelle à partir des énergies (114) ». Grégoire réfute l’accusation calomnieuse d’Eunome contre Basile qui, selon Eunome, identifiait l’essence et l’énergie du Monogène (115). Par contre, Grégoire affirme que le sens (λόγος) de l’essence et de l’énergie n’est pas le même et que ce que désignent ces deux expressions est différent (116). Le caractère réel de cette distinction entre l’essence et l’énergie est exprimé ici clairement.

Dans les nombreux passages de Grégoire que nous avons examinés jusqu’ici, les problèmes de la simplicité de la nature divine et de l’essence et des énergies en Dieu sont traités sur un plan plutôt intellectuel. Il serait intéressant de les étudier aussi du point de vue spirituel, dans ses œuvres en général et dans ses écrits sur la vie spirituelle en particulier. La frontière entre l’intellectuel et le spirituel est cependant difficile à tracer chez Grégoire. Il conteste en général l’efficacité de la méthode intellectuelle de la connaissance de Dieu par voie de syllogismes, et lui oppose une illumination par le rayon de la grâce qui nous réchauffe, sans nous donner, toutefois, de saisir l’insaisissable. « [Les eunomiens] qui voient la divine puissance éclairer les âmes par les dispositions de la Providence et les merveilles de la création, répandant en quelque sorte les rayons et la chaleur émanant naturellement du soleil, ils n’admirent pas cette grâce et n’adorent pas celui à qui ces réalités font penser ; mais, outrepassant la capacité de compréhension de l’âme, ils cherchent à enserrer celui qui est impalpable dans les filets de leurs sophismes et ils estiment le tenir dans leurs mains grâce à leurs syllogismes (117). » La grâce — Grégoire le dit d’ailleurs aussi à propos de l’énergie (118) — est pour lui une force divine qui descend vers nous, une manifestation de Dieu qui, par amour des hommes, se conforme à notre faiblesse, une théophanie de lumière qui laisse cependant inconnaissable et incommunicable la nature divine. Ce n’est pas seulement une intellection par laquelle nous nous élevons vers Dieu, mais aussi une condescendance de Dieu envers nous. Grégoire en parle souvent dans le langage traditionnel de la mystique patristique et byzantine. Nous en donnerons quelques exemples. « Nous affirmons que la philanthropie est la raison pour laquelle Dieu a accepté d’avoir des relations familières avec l’homme. Mais puisque la petitesse de la nature ne peut pas outrepasser ses propres limites et atteindre à la condition élevée de la nature suprême, pour ce motif, Dieu lui-même abaisse sa puissance bienveillante pour les hommes jusqu’au niveau de notre faiblesse et il dispense sa grâce et son aide, autant qu’il nous est possible de les recevoir (119). » Et Grégoire cite l’exemple du soleil dont les rayons et la chaleur sont adoucis par l’air, lui-même cependant restant de par sa nature inaccessible à notre faiblesse (120). De même, la puissance divine inaccessible condescend vers nous dans les théophanies, et nous la perçevons dans les voies de la providence. « La puissance divine […] tout en surpassant infiniment notre nature et tout en étant inaccessible à une pleine communauté [μετουσίαν] de notre part, joint, comme une mère compatissante, ses balbutiements aux cris inarticulés dépourvus de sens des petits enfants, et donne à la nature humaine ce qu’elle est capable de recevoir ; c’est pourquoi, dans des apparitions variées aux hommes, Dieu prends une apparence conforme à celle des hommes et parle à la manière des hommes […] de façon que, à travers ce qui est en affinité avec nous, nous soyons comme conduits par la main dans notre vie qui ressemble à celle des petits enfants et qui est en contact avec la nature divine à travers les paroles de la Providence (121). » Comme nous voyons, dans tous ces exemples il s’agit d’une puissance divine qui descend vers nous, se conforme à notre faiblesse pour pouvoir être reçue et qui nous fait « frôler » la nature divine inaccessible.

Grégoire parle ici de la grâce comme d’une manifestation divine. Ailleurs, il parle de la lumière comme d’une des appellations de Dieu, dont témoigne l’Écriture. Il l’appelle « nom » pour montrer que cela ne s’applique pas à la nature divine elle-même. « Moïse, voyant Dieu dans la lumière [Ex 3, 2], écrit-il, Jean qui le nomme la « vraie lumière » [Jn 1, 9] et de la même manière, Paul, lors de la première manifestation divine, entouré de lumière et entendant ensuite à partir de cette lumière la voix qui disait. « Je suis Jésus que tu persécutes » [Ac 9, 5], n’est-ce pas là un témoignage suffisant (122) ? » Grégoire parle aussi de la gloire « indicible » et « pré-éternelle » de Dieu Monogène et s’indigne contre les eunomiens qui la considèrent comme quelque chose de créé. « Ils sont impies, dit Grégoire, car en abaissant, autant que possible, la gloire indicible de Dieu Monogène, ils la rabaissent et l’assimilent à la création (123). » « Ils ne sont pas en état de produire l’opinion d’un seul saint, qui suggérerait de contempler la gloire d’avant les siècles de Dieu Monogène ensemble avec la création assujettie (124). » Ceci est clair, car il ne peut y avoir rien de créé dans ce qu’on peut contempler en Dieu. « Il est évident, pour tous sans exception, que le Dieu qui est au-dessus de toute chose n’a en lui-même rien de créé ou d’introduit du dehors, ni puissance, ni sagesse, ni lumière, ni verbe, ni vie ni vérité, ni en général rien de ce qui est contemplé dans la plénitude du sein divin (et tout cela est le Dieu Monogène qui est dans le sein du Père). Le nom de créature ne pourrait donc être appliqué d’une manière convenable à rien de ce qui est contemplé en Dieu (125). » Et Grégoire revient ici à sa distinction entre la nature divine et ce qui est « autour » d’elle, en les examinant du point de vue du degré de leur cognoscibilité. « La prophétie proclame que la grandeur divine n’a pas de limites, et prêche d’une manière explicite qu’il n’y a pas de limite à sa magnificence, sa gloire, sa sainteté. Si donc ce qui est autour de lui est sans limites, bien davantage lui-même, selon l’essence — quoiqu’il puisse être —, ne peut être saisi en aucune de ses parties par une définition (126). » Notons ici que Grégoire classe la gloire divine parmi ce qui se trouve « autour de la nature divine ». Quant à ce qu’il dit sur le fait qu’elle n’appartient pas à l’ordre du créé, il faut avoir en vue que, pour Grégoire, la plus grande distinction qui puisse exister est celle entre le créé et l’incréé, comme il le dit lui-même. « La division la plus fondamentale entre tout ce qui existe est la coupure entre le créé et l’incréé. L’un est la cause de tout ce qui vient à exister, l’autre tire son origine du premier (127). » Et entre l’incréé et le créé, il n’y a aucun intermédiaire. « La raison ne connaît rien d’intermédiaire entre les deux, de sorte qu’une nature particulière, nouvellement constituée à la frontière entre créé et incréé, soit conçue comme intermédiaire entre les deux, si bien qu’elle participerait à l’un et à l’autre mais ne serait parfaitement aucun de deux (128). » Et, en parlant de Dieu, Grégoire emploie l’expression de « puissance incréée » (ἀκτίστου δυνάμεως) (129).

Dans son traité Sur le Saint Esprit, Grégoire de Nysse développe davantage sa doctrine sur la grâce et la gloire comme énergies trinitaires, communes aux trois hypostases, distinctes de la nature divine et appartenant à ce que Grégoire appelle généralement « autour de la nature divine ». « L’Écriture enseigne, dit-il notamment, que la foi dans le nom du Père, qui vivifie tout […], précède, afin que la grâce vivifiante, qui a en lui son origine [ἀφορμηθεῖσαν] comme d’une source qui fait jaillir la vie, par le Fils Monogène — lequel est la vie véritable —, au moyen de l’action de l’Esprit, rende parfait ceux qui en sont dignes (130). » C’est un mouvement trinitaire dirigé vers les hommes. « La grâce, qui coule inséparablement du Père par le Fils et l’Esprit sur ceux qui en sont dignes (131). » Et ayant en vue Jean 17, 15 sur la gloire du Fils auprès du Père, Grégoire parle de la gloire circulaire de la Sainte Trinité. « Vois-tu le mouvement circulaire de la gloire ? Le Fils est glorifié par l’Esprit. Le Père est glorifié par le Fils. De nouveau le Fils reçoit la gloire d’auprès du Père et le Monogène devient la gloire de l’Esprit. Car par quoi sera glorifié le Père sinon par la gloire véritable du Monogène ? Et en quoi de nouveau le Fils sera-t-il glorifié, si ce n’est dans la magnificence de l’Esprit ? Ainsi la parole, en retour, glorifie le Fils par l’Esprit et le Père par le Fils (132). » Néanmoins, toute cette gloire n’est que ce qu’on distingue « autour de la nature divine », laquelle demeure invisible et inaccessible. Grégoire le dit nettement. « [Le prophète] n’a pas loué la nature. Comment aurait-il pu louer ce qu’il ignore ? Mais il a glorifié quelque chose qu’on peut contempler autour d’elle (133)… Tu vois comment l’étonnement du prophète a été rendu complet par les choses contemplées autour de la nature divine ? Mais celle-ci, en ce qu’elle est la puissance divine et bienheureuse, reste inaccessible et invisible aux pensées, ayant laissé bien plus bas, plus éloignés que sont nos corps des étoiles, toute curiosité d’esprit, toute puissance du discours, tout mouvement du cœur, tout élan des sentiments (134). » Cette distinction que fait Grégoire entre ce qui peut être contemplé « autour de la nature divine » (la grâce, la gloire, etc.) et la nature divine inaccessible elle-même ne brise pas l’unité de Dieu, justement parce que sa puissance trinitaire est une. « Ne pas diviser la foi en une multitude de puissances et divinités, mais croire en une seule puissance, une seule bonté, une seule force vivifiante, une seule divinité, une seule vie », ainsi formule-t-il son attitude théologique (135). Il résume ainsi cette antinomie du visible et de l’invisible en Dieu. « Invisible en sa nature, Dieu se manifeste en ses énergies, apparaissant dans certains environnements de lui-même (136). » Dans le langage de l’expérience spirituelle, Grégoire s’exprime ainsi. « pureté, sainteté, la simplicité, lumineux rayons jaillis de la nature divine, qui nous montrent Dieu (137). » D’ailleurs, il y a deux manières de voir Dieu. l’une — intellectuelle — de connaître sa nature, chose impossible, l’autre — mystique — d’être uni à lui, la seule valable. « Cette promesse de voir Dieu offre deux sens, écrit saint Grégoire dans ses Homélies sur les Béatitudes. d’une part, il s’agit de connaître la nature transcendante, et de l’autre de se joindre à elle par une vie pure. L’Écriture nous apprend que l’un de ces modes de connaissance est impossible, mais le Seigneur promet l’autre à tous les hommes. « Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu » [Mt 5, 8] (138). » La distinction entre le connaissable et l’inconnaissable en Dieu paraît donc être surpassée dans l’union mystique avec lui. C’est la déification selon la grâce, quand « l’homme sort de sa propre nature, de mortel il devient immortel, de périssable impérissable, d’éphémère éternel et en somme, d’homme il devient Dieu (139) ». Ou, comme il s’exprime dans les mêmes Homélies sur les Béatitudes. « À quoi te convie la béatitude, sinon à devenir Dieu, en portant l’empreinte propre de la divinité (140). » En mentionnant ici les « propriétés divines », Grégoire semble indiquer qu’il ne s’agit pas d’une déification selon la nature. La tristesse de ne pas connaître Dieu selon la nature reste donc en nous, bien que nous soyons abondamment consolés selon la promesse du Seigneur. « Bienheureux les affligés car ils seront consolés [Mt 5, 5] (141). »

C’est cependant dans les Homélies sur le Cantique des Cantiques, et notamment dans la onzième, sur l’Époux et sa main, que se trouve exposée avec le plus de netteté la distinction entre la nature divine et ses énergies, et que le caractère réaliste de cette distinction est le plus marqué. Ainsi, après avoir mentionné que ce n’est plus la voix de l’Époux qui frappe à la porte du cœur de l’épouse, mais la main divine elle-même qui s’introduit à l’intérieur de l’habitation par la fente de la porte (142), Grégoire souligne que la main n’est pas l’Époux lui-même, bien qu’elle lui appartienne. « [L’ouverture] par laquelle n’est pas passé l’Époux, mais seulement sa main, à grand-peine, pour pénétrer à l’intérieur et toucher celle qui désire le voir, en lui donnant comme seule satisfaction de reconnaître que c’est la main de l’être désiré (143). » Grégoire explique plus loin (selon une expression basilienne qu’il emploie plus d’une fois comme nous l’avons vu plus haut (144)) que la main symbolise la grâce de Dieu qui descend jusqu’à nous. « L’âme humaine […] mettant en œuvre tous raisonnements et toute faculté d’investigation des concepts, travaillant à saisir l’objet de sa recherche, met comme limite à son entendement la seule énergie de Dieu qui descend jusqu’à nous et qui nous est perceptible à travers notre vie (145). » Ce que nous semble le plus frappant dans ce passage, c’est le double mouvement qui aboutit à notre communion avec Dieu. la condescendance divine, l’énergie qui descend vers nous, et notre vie (plus que l’intellection qui paraît ne pas mener à grand chose) qui nous permet de ressentir cette descente de l’énergie divine. Grégoire revient de nouveau sur ce thème en soulignant que c’est seulement par ses actions que Dieu est connu. « Quand [l’âme humaine] se tend depuis les réalités terrestres vers la connaissance des réalités transcendantes, elle comprend les merveilles de l’énergie divine, mais elle ne peut pas avancer plus loin par sa seule activité débordante. Elle admire et vénère celui dont elle découvre qu’il est la source unique de son activité [δι’ ὧν ἔνεργει] (146). » Il faut cependant remarquer que, dans ce passage, comme dans celui qui suit, l’expression « énergie » change quelque peu de sens. Ce n’est plus une manifestation divine qui nous unit à Dieu, mais plutôt sa puissance créatrice qui nous fait connaître qu’il existe. « Quand elle voit cela et tout ce qui révèle l’énergie créatrice de Dieu, l’âme, dans l’admiration des apparences, remonte par le raisonnement de la pensée jusqu’à celui dont l’existence se révèle par les œuvres (147) ». Comprenant donc ici la connaissance de Dieu par ses énergies comme connaissance du créateur par ses œuvres, Grégoire admet que cette vision non immédiate et partielle est due à notre faiblesse et qu’elle est propre à la vie terrestre, mais aussi que l’on peut espérer dans la vie future une connaissance autre et plus haute. Une telle affirmation paraît être en contradiction avec d’autres passages de ses écrits où il parle de l’incognoscibilité radicale de Dieu selon son essence ou nature, même dans le monde à venir, même pour les anges et toute autre créature (148). Ainsi, dit-il. « Peut-être dans le temps à venir, quand […] nous émigrerons vers cette autre vie […], ne découvrirons-nous plus comme maintenant la nature du bien de manière partielle et à travers ses œuvres, et le transcendant ne sera-t-il plus conçu à travers la force qui agit dans le monde visible ; non, c’est d’une autre manière que sera saisie dans sa plénitude la nature de la béatitude indicible. Toute différente sera la manière de jouir qui maintenant n’a pas une nature lui permettant de « monter au cœur de l’homme » [1 Co 2, 9] (149). » Cette contradiction apparente pourrait être expliquée par le fait que Grégoire ne donne pas au mot « énergie » un sens toujours identique dans ses écrits, comme nous le voyons dans le cas présent. action créatrice de Dieu et donc connaissance analogique de Dieu par ses œuvres, ou bien « condescendance » de Dieu, manifestation divine qui nous révèle Dieu et nous unit avec lui par ses « énergies », sans que sa nature devienne connue ou accessible. Selon saint Grégoire de Nysse, c’est seulement la connaissance analogique qui sera dépassée dans le monde à venir. Nous aurons alors une autre manière, plus directe, de connaître Dieu. Mais, quoi qu’il en soit, pour le moment, la seule manière de connaître Dieu passe par ses « énergies », symbolisées par la « main ». « Jusqu’à présent, dit-il, la limite pour l’âme de l’indicible connaissance, c’est l’énergie créatrice qui apparaît dans les êtres, et qui est désignée ici par l’image de la main (150). » Tout en expliquant ceci par notre faiblesse, Grégoire insiste de nouveau sur la différence entre l’ « Époux » et la « main ». « L’âme pure […] s’attend à accueillir l’Époux en personne tout entier dans sa demeure et se trouve bien contente de voir seulement sa main par laquelle se manifeste sa puissance agissante. […] Car la pauvreté humaine ne peut recevoir en elle la nature illimitée et infinie (151). » Il semble qu’il s’agisse ici plutôt d’une expérience mystique que de connaissance analogique. Cependant, Grégoire propose encore une autre explication de l’image de la main. elle symbolise la grâce de l’Évangile et les miracles du Verbe incarné, par lesquels la divinité du Christ s’est manifestée, « car nous appelons main sa puissance capable de réaliser des miracles (152) ». Il trouve toutes ces explications utiles à l’âme, car « d’un côté, on part du principe que la nature divine, étant absolument impossible à saisir ou à imaginer, est connue seulement par ses énergies. De l’autre, on dit que la grâce évangélique est annoncée [prophétiquement] (153). »

Nous aurions pu continuer assez longtemps à citer saint Grégoire, éclaircissant sa doctrine sur Dieu en général et sur la simplicité de la nature divine et les distinctions en Dieu en particulier, mais pour ne pas prolonger démesurément notre exposé, nous nous limitons à ce qui a été mentionné plus haut. Cela paraît suffisant pour tirer quelques constatations et conclusions. Au sujet la simplicité de la nature divine, tout d’abord. Il faut essayer de comprendre ce que Grégoire de Nysse entend par cette notion. Comme nous l’avons vu, il en parle fréquemment, en lui donnant des sens assez différents — bien qu’à notre avis, plutôt complémentaires que contradictoires. Ainsi, la simplicité est comprise comme opposée à la complexité, à quelque chose qui est composé de parties dont l’ensemble fait un tout et qui, en raison de sa nature composée, est sujet à la dissolution. Par contre, la nature divine est simple, il n’y a pas de parties en elle ; elle est donc indissoluble et ne peut subir de décomposition. Ensuite elle est simple, car elle n’a aucune forme, aucune figure qui l’exprimerait et la limiterait en même temps. Le simple est compris ici comme l’illimité. Nous voyons que Grégoire identifie souvent la simplicité de la nature divine avec son infinité, avec l’absence de toute limitation quant à l’espace ou au temps, avec son éternité. C’est ce qui distingue radicalement la nature divine de tout ordre créé. Ailleurs, Grégoire entend la simplicité de la nature divine comme son unité, c’est-à-dire le fait que cette nature ne peut contenir de contradictions internes qui briseraient son unité, et donc sa simplicité. On ne peut pas donc attribuer à la nature divine des qualités contradictoires, et Grégoire fait beaucoup d’efforts pour démontrer que ce que nous discernons en Dieu n’est pas contradictoire, mais complémentaire. Simplicité veut dire aussi qu’il n’y a pas en Dieu de qualités acquises, mais qu’il est ce qu’il possède comme qualités. Ajoutons encore qu’on ne trouve pas, dans les écrits de Grégoire, de notion de la simplicité divine en tant qu’absence de toute distinction ontologique. Cette idée, familière à la scolastique médiévale latine, paraît être étrangère à saint Grégoire de Nysse.

Quant à ce que Grégoire distingue en Dieu — qu’il s’agisse des distinctions trinitaires entre les hypostases, des distinctions entre celles-ci et la nature divine ou, surtout, entre la nature divine d’une part et ce qui est « autour de la nature divine » (énergies, noms, lumière, gloire, grâce) de l’autre — il n’y a pas d’indications nettes, dans ses écrits, sur leur caractère, et il serait anachronique de lui poser directement de pareilles questions. Néanmoins, il ressort suffisamment clairement de ses écrits que, pour lui, ces distinctions, bien que perçues par un procédé intellectuel qu’il nomme « intellection » (ἐπίνοια), ne sont pas subjectives, mais correspondent à une réalité en Dieu. On peut même dire que chaque « nom » que nous appliquons à Dieu désigne en lui quelque chose de particulier qui correspond à une des manifestations spécifiques de son énergie. Ces noms ne désignent cependant pas sa nature, qui reste incognoscible et inaccessible. Cette distinction entre la nature, ou l’essence, incognoscible de Dieu et les énergies par lesquelles nous est accordée une certaine connaissance et participation à Dieu, constitue un trait fondamental de la théologie de Grégoire de Nysse. Il insiste cependant sur le fait que notre esprit humain soit incapable de saisir Dieu tel qu’il est, de le contempler comme une unité, et soit enclin à le diviser. En réalité, cependant, ces distinctions entre la nature et les énergies ne rompent pas la simplicité de la nature divine, comprise comme absence de formes et de limites et comme absence de contradictions. En outre, les énergies ne sont pas contradictoires entre elles et n’introduisent pas de complexité dans la nature divine, d’autant qu’elles ne sont pas cette nature, mais ce qui est autour de celle-ci. La nature divine reste donc simple. La distinction entre la nature divine et ses manifestations est exprimée par Grégoire de Nysse encore plus nettement sur le plan de l’expérience mystique. C’est la main qui est autre que l’Époux, la grâce qui descend sur nous, la lumière, la gloire, les puissances divines par lesquelles l’homme est déifié. En Dieu, comme le souligne saint Grégoire de Nysse, il n’y a rien de créé, autrement il serait composé. Voilà pourquoi la déification de l’homme par la grâce divine est authentique et, en même temps, constitue un processus dynamique infini qui n’aboutit pas à une confusion de natures, car les énergies divines ne s’identifient pas avec la nature divine inaccessible.


* Exposé présenté à la VIe Conférence patristique internationale (Oxford, 1975) et publié dans le Messager de l’exarchat du patriarche russe en Europe occidentale, n° 91-92, 1975, p. 133-158. Pour une étude récente de ces questions, voir B. POTTIER, Dieu et le Christ selon Grégoire de Nysse. Étude systématique du Contre Eunome avec traduction inédite des extraits d’Eunome, Namur, Éd. Culture et Vérité, 1994.

  1. Le contraire pourrait être dit de saint Basile, il préfère le terme « essence » à celui de « nature ».
  2. Contre Eunome [Eun.], I, 364, dans Gregorii Nysseni Opera [GNO], éd. W. Jaeger, Éd. Brill, Leiden, 1960, vol. I, p. 134, 22-26.
  3. Eun., I, 373, dans GNO, vol. I, p. 137, 3-6.
  4. Ou « substance ». Si, généralement, B. Krivochéine suit les traductions françaises existantes, il s’en écarte quelquefois, quand il les estime erronées ou non conformes à un vocabulaire théologique établi. Dans ces cas-là, nous respectons ses choix (NdR).
  5. Eun., II, 67, dans GNO, vol. I, p. 245, 19-24.
  6. Eun., II, 89, dans GNO, vol. I, p. 253, 1-10.
  7. Eun., II, 89, dans GNO, vol. I, p. 253, 10-17.
  8. Eun., II, 91, dans GNO, vol. I, p. 253, 25-28.
  9. Eun., II, 91, dans GNO, vol. I, p. 254, 1-2.
  10. Eun., II, 102, dans GNO, vol. I, p. 256, 22.
  11. Eun., II, 100, dans GNO, vol. I, p. 256, 4-7.
  12. Eun., II, 138-139, dans GNO, vol. I, p. 265, 26-266, 6.
  13. Les Béatitudes [Beat.], III, 5, trad. fr.. J.-Y. Guillemin, J. Parent, Éd. Migne, coll. « Les Pères dans la foi », 1997, p. 52.
  14. Beat., III, 5, ibid..
  15. Beat., III, 4, ibid.
  16. Beat., VI, 3, p. 84.
  17. Beat., VI, ibid.
  18. Eun., III, 1, 76, dans GNO, vol. II, p. 30, 25-31, 3.
  19. Eun., III, 1, 16, dans GNO, vol. II, p. 9, 14-18.
  20. Le Cantique des cantiques, XV, Paris, Éd. Migne, coll. « Les Pères dans la foi », 1992, p. 295.
  21. Ibid., p. 90, 19-91, 14.
  22. Eunome, évêque de Cyzique (355 — ca 395), théologien néo-arien, enseignait la transcendence absolue de Dieu et la non-consubstancialité du Fils au Père. Auteur d’une Apologie dénoncée par saint Basile de Césarée dans le Contre Eunome, et d’une réponse (Apologie de l’Apologie) réfutée par saint Grégoire de Nysse dans son Contre Eunome (NdR).
  23. Partisans de Macédonius, patriarche de Constantinople († ca. 370), arien, qui enseignait que l’Esprit était différent du Père par essence (NdR).
  24. Eun., I, 231, dans GNO, vol. I, p. 94, 17-22.
  25. Eun., I, dans GNO, vol. I, p. 5, titre du chapitre 19. Ce n’est probablement pas Grégoire lui-même qui est l’auteur de ce titre, mais il exprime bien sa pensée.
  26. Eun., I, 682, dans GNO, vol. I, p. 222, 12-14.
  27. Refutatio confessionis Eunomii [Ref.], 5, dans GNO, vol. II, p. 314, 24-26.
  28. Ref., 6, dans GNO, vol. II, p. 314, 26-315, 3.
  29. Ref., 12, dans GNO, vol. II, p. 317, 17-318, 2.
  30. Ref., 15, dans GNO, vol. II, p. 318, 15-18.
  31. Ref., 16-17, dans GNO, vol. II, p. 319, 1-7.
  32. Eun., III, 2, 85, dans GNO, vol. II, p. 81, 3-4.
  33. Eun., III, 2, 34, dans GNO, vol. II, p. 63, 5-7.
  34. Eun., III, 8, 4, dans GNO, vol. II, p. 239, 24-27.
  35. Eun., II, 69-70, dans GNO, vol. I, p. 246, 14-29.
  36. Ou « activités », voir la n. 5.
  37. Eun., II, 12-13, dans GNO, vol. I, p. 230, 24-30.
  38. Eun., III, 10, 33, dans GNO, vol. II, p. 302, 14-15.
  39. Ad Ablabium. Quod non sint tres Dii [Tres dii.], dans GNO, vol. III/1, éd. F. Müller, Éd. Brill, Leiden, 1958, p. 47, 24-48, 2.
  40. Tres dii, dans GNO, vol. III/1, p. 48, 16-19.
  41. Tres dii, dans GNO, vol. III/1, p. 48, 22-49, 1; ibid., p. 50, 20-51, 16.
  42. Eun., II, 228, dans GNO, vol. I, p. 292, 17-19.
  43. Voir, sur les sources philosophiques et « magiques » de la « théologie des noms » d’Eunome, l’intéressante étude du cardinal Daniélou. Platonisme et théologie mystique. Essai sur la doctrine spirituelle de saint Grégoire de Nysse, Paris, Aubier, 1944.
  44. Eun., II, 178, dans GNO, vol. I, p. 276, 14-16.
  45. Eun., II, 168, dans GNO, vol. I, p. 273, 28-274, 5.
  46. Eun., II, 246, dans GNO, vol. I, p. 298, 11-17.
  47. Eun., II, 271, dans GNO, vol. I, p. 306, 10-11.
  48. Eun., II, 587, dans GNO, vol. I, p. 396, 26-28.
  49. Ou « activités », voir la n. 5.
  50. Eun., II, 298-299, dans GNO, vol. I, p. 314, 8-19.
  51. Eun., II, 302-304, dans GNO, vol. I, p. 315, 10-13, 19-26.
  52. Eun., II, 474, dans GNO, vol. I, p. 364, 26-31.
  53. Eun., II, 480, dans GNO, vol. I, p. 366, 15-16.
  54. Eun., II, 507, dans GNO, vol. I, p. 374, 16-18.
  55. Eun., II, 512, dans GNO, vol. I, p. 376, 6-8.
  56. Eun., II, 513, dans GNO, vol. I, p. 376, 8-12, 16-20.
  57. Ou « susbtrat », voir la n. 5.
  58. Eun., II, 577, dans GNO, vol. I, p. 394, 27-395, 3.
  59. Eun., II, 589, dans GNO, vol. I, p. 398, 16-19.
  60. Ou « activité », voir la n. 5.
  61. Eun., II, 585-586, dans GNO, vol. I, p. 397, 8-9, 19-21.
  62. Eun., II, 182, dans GNO, vol. I, p. 277, 20-26.
  63. Eun., II, 183, dans GNO, vol. I, p. 277, 32-278, 4.
  64. Eun., II, 186, dans GNO, vol. I, p. 278, 20-26.
  65. Eun., II, 194-195, dans GNO, vol. I, p. 281,13-21.
  66. Ou « activité », voir la n. 5.
  67. Eun., II, 334, dans GNO, vol. I, p. 323, 9.
  68. Eun., II, 304, dans GNO, vol. I, p. 315, 26-29; ibid., 356, p. 330, 7-13.
  69. Beat., VI, 4, op. cit., p. 87.
  70. Voir la n. 40.
  71. Notons qu’il faut distinguer chez Grégoire quand il emploie ces mots « nature divine » à l’accusatif et quand il les emploie au génétif (περὶ τῆς θείας φύσεως). C’est seulement dans le premier cas qu’on peut traduire l’expression par « autour de la nature divine » et qu’elle aurait une signification théologique particulière. Au génitif, elle veut dire simplement « de la nature divine ».
  72. Tres dii., dans GNO, vol. III/1, p. 42, 19-43, 2.
  73. Tres dii., dans GNO, vol. III/1, p. 43, 17-20.
  74. Tres dii., dans GNO, vol. III/1, p. 52, 15-53, 2.
  75. Tres dii., dans GNO, vol. III/1, p. 46, 6-8.
  76. Eun., III, 6, 4, dans GNO, vol. II, p. 187, 9-11.
  77. Eun., III, 6, 3, dans GNO, vol. II, p. 186, 12-15.
  78. Beat., I, 4, p. 32.
  79. Discours catéchétiques, V, Paris, Éd. du Cerf, coll. « Sources chrétiennes », n° 453, 2000, p. 163-165.
  80. Voir la n. 24.
  81. Eun., I, 683, dans GNO, vol. I, p. 222, 15-25.
  82. Eun., II, 503, dans GNO, vol. I, p. 373, 2-8.
  83. Eun., II, 475, dans GNO, vol. I, p. 364, 32-365, 8.
  84. Eun., I, 234, dans GNO, vol. I, p. 95, 12-20.
  85. Eun., III, 6, 17, dans GNO, vol. II, p. 192, 1-4.
  86. Eun., III, 1, 125, dans GNO, vol. II, p. 45, 27-46, 3.
  87. Eun., II, 377-378, dans GNO, vol. I, p. 23-29.
  88. Eun., II, 380, dans GNO, vol. I, p. 337, 11-13.
  89. Eun., II, 385, dans GNO, vol. I, p. 338, 26.
  90. Ou « substrat », voir la n. 5.
  91. Eun., I, 181, dans GNO, vol. I, p. 80, 4-7.
  92. Ou « substrat », voir la n. 5.
  93. Eun., I, 182, dans GNO, vol. I, p. 80, 10-11.
  94. Eun., I, 182, dans GNO, vol. I, p. 80, 9.
  95. Eun., II, 477, dans GNO, vol. I, p. 365, 18-22.
  96. Eun., II, 478, dans GNO, vol. I, p. 365, 22-25.
  97. Tres dii, dans GNO, vol. III/1, p. 55, 13-16.
  98. Eun., II, 489, dans GNO, vol. I, p. 369, 7-9.
  99. Eun., III, 8, 48, dans GNO, vol. II, p. 257, 6-10.
  100. Eun., II, 606, dans GNO, vol. I, p. 403, 15-16.
  101. Eun., III, 8, 49, dans GNO, vol. II, p. 257, 15-17.
  102. Eun., III, 7, 10, dans GNO, vol. II, p. 218, 19-21.
  103. Eun., III, 8, 50, dans GNO, vol. I, p. 258, 1-3.
  104. Eun., III, 8, 35, dans GNO, vol. I, p. 252, 6-7.
  105. Eun., III, 10, 47, dans GNO, vol. I, p. 308, 1-4.
  106. Eun., III, 10, 48, dans GNO, vol. II, p. 300, 14-20.
  107. Eun., III, 10, 49, dans GNO, vol. II, p. 300, 29-309, 6.
  108. BASILE DE CESAREE, Lettre CCXXXIV, 1, 23-25, dans Lettres, Y. Courtonne (éd.), Paris, Les Belles Lettres, 1966, t. III, p. 42.
  109. XIe Homélie dans Le Cantique des cantiques, loc. cit., p. 233.
  110. Beat. VII, 1, loc. cit., p. 94.
  111. Eun., III, 5, 58, dans GNO, vol. II, p. 181, 13-21.
  112. Eun., II, 338, dans GNO, vol. I, p. 325, 5-6.
  113. Eun., II, 353, dans GNO, vol. I, p. 329, 8-17.
  114. Eun., II, 354, dans GNO, vol. I, p. 329, 20-22. Ou « activités », voir la n. 5.
  115. Eun., II, 359, dans GNO, vol. I, p. 331, 12-16.
  116. Eun., I, 420, dans GNO, vol. I, p. 149, 3-5.
  117. Eun., II, 81, dans GNO, vol. I, p. 250, 19-26.
  118. Voir la n. 110.
  119. Eun., II, 417-418, dans GNO, vol. I, p. 348, 10-17.
  120. Eun., II, 419, dans GNO, vol. I, p. 348, 17-21.
  121. Eun., II, 419, dans GNO, vol. I, p. 348, 22-349, 1.
  122. Eun., II, 349, dans GNO, vol. I, p. 327, 24-29.
  123. Eun., III, 1, 64, dans GNO, vol. II, p. 26, 13-15.
  124. Eun., III, 1, 65, dans GNO, vol. II, p. 26, 20-23.
  125. Eun., III, 1, 48, dans GNO, vol. II, p. 20, 10-16.
  126. Eun., III, 1, 103-104, dans GNO, vol. II, p. 38, 21-26.
  127. Eun., III, 6, 66, dans GNO, vol. II, p. 209, 19-21.
  128. De Spiritu Sancto, contra Macedonianos [Maced.], dans GNO, vol. III/1, p. 104, 8-12.
  129. Eun., I, 375, dans GNO, vol. I, p. 137, 17-19.
  130. Maced., dans GNO, vol. III/1, p. 106, 3-8.
  131. Maced., dans GNO, vol. III/1, p. 106, 30-32.
  132. Maced., dans GNO, vol. III/1, p. 109, 7-13.
  133. Maced., dans GNO, vol. III/1, p. 114, 23-24.
  134. Maced., dans GNO, vol. III/1, p. 114, 29-115, 4.
  135. Maced., dans GNO, vol. III/1, p. 115, 23-26.
  136. Beat., VI, 3, loc. cit., p. 85.
  137. Beat., VI, 4, loc. cit., p. 87.
  138. Beat., VI, 5, loc. cit., p. 88.
  139. Beat., VII, 1, loc. cit., p. 95.
  140. Beat., V, 2, loc. cit., p. 70.
  141. Voir les n. 14 et 15.
  142. XIe Homélie dans Le Cantique des cantiques, loc. cit., p. 232.
  143. Ibid., p. 233.
  144. Voir la n. 110.
  145. XIe Homélie dans Le Cantique des cantiques, loc. cit., p. 233.
  146. Ibid.
  147. XIe Homélie dans Le Cantique des cantiques, loc. cit., p. 234.
  148. Voir la n. 6.
  149. XIe Homélie dans Le Cantique des cantiques, loc. cit., p. 234.
  150. Ibid.
  151. XIe Homélie dans Le Cantique des cantiques, loc. cit., p. 234.
  152. Ibid., p. 235.
  153. Ibid., p. 236.

Suite « Dieu, l’homme, l’Église » Lecture des Pères Par Basile Krivochéine Les Éditions du « CERF » Paru en. Décembre 2010, 302 pages