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Aujourd’hui, l’histoire religieuse de l’émigration russe au XXe siècle est relativement bien connue. De nombreuses études, articles et livres ont, en effet, analysé ce sujet, parfois de manière très détaillée. Une page de cette histoire semble cependant encore peu étudiée, que ce soit « par ignorance ou par oubli », selon la formule de la Liturgie de Saint Basile. celle des communautés orthodoxes « occidentales », fondées dans différents pays d’Europe par des « convertis » à l’orthodoxie, célébrant dans les langues européennes locales (anglais, français, etc.) et fonctionnant dans un « style » quelque peu distinct de la manière orthodoxe traditionnelle.

Qui étaient ces Occidentaux « de souche » devenus orthodoxes et quelles étaient leurs motivations ? Comment ont-ils concilié leurs racines nationales et culturelles avec l’éthos orthodoxe ? Comment la vie de ces communautés s’est-elle organisée ? Quelles étaient leurs relations avec les Églises-mères et les communautés orthodoxes locales « nationales » ? Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Toutes ces questions peuvent se poser pour chacune des expériences menées un peu partout en Occident ; nous tenterons, ici, de les aborder à travers l’exemple de la « Mission orthodoxe belge », qui exista (au sein de l’Église orthodoxe russe [patriarcat de Moscou]) dans ce petit pays au cœur de l’Europe, entre 1963 et 1987. Pour ce faire, nous nous baserons sur les archives de l’archevêque de Bruxelles et de Belgique Basile Krivochéine (1), les pages du Messager de l’exarchat du patriarcat de Moscou en Europe occidentale, les souvenirs des derniers survivants ou les témoignages de ceux qui ont connu les fondateurs de la Mission.

I. ORIGINES DE LA MISSION ORTHODOXE BELGE

Dans la plupart des pays d’Europe, la création de communautés orthodoxes occidentales est issue de la rencontre entre des émigrés orthodoxes (ou leurs descendants) et des Occidentaux en recherche de l’Église indivise des premiers siècles du christianisme. En fait, jusqu’à la Seconde guerre mondiale à peu près (2), la plupart des fidèles de l’Église orthodoxe en Occident étaient des émigrés russes ayant quitté leur pays à la suite de la révolution et de la guerre civile ou des Grecs (ou autres Orientaux) ayant émigré pour des raisons politiques ou économiques ; tous privilégiaient la préservation de leur identité linguistique et culturelle à l’ouverture aux pays où ils résidaient désormais. Après-guerre, cependant, pour les Russes de la deuxième puis de la troisième génération, et pour les enfants de couples mixtes ou les Occidentaux attirés par l’orthodoxie, il devint de plus en plus nécessaire de témoigner également de la foi orthodoxe dans les langues locales de ces pays (3).

En Belgique, tout commence au début des années soixante, quand un groupe d’Occidentaux (Belges, Hollandais), anciens Catholiques Romains ayant rompu avec leur Église pour diverses raisons (4), demandent à être reçus dans l’Église orthodoxe, qu’ils avaient découverte après bien des recherches. Comme l’écrira Mgr Basile en 1964 au métropolite Nikodim de Leningrad, président du Département des relations extérieures du patriarcat de Moscou, la création de cette communauté

rappelle quelque peu l’apparition de la paroisse française à la rue d’Alleray à Paris, qui est actuellement dirigée par le père Denis Chambault. Ici à Bruxelles, existait également un groupe de Belges […], séparés de l’Église romaine et cherchant à retrouver l’Église authentique et la plénitude de la foi. Néanmoins, ils n’ont pas immédiatement trouvé le chemin vers l’orthodoxie avec sa vérité dogmatique et canonique (5).

Après un passage par une « Église » parallèle (6), ce groupe s’était adressé à Mgr Jean (Maximovitch), qui portait alors le titre d’archevêque de Belgique et d’Europe occidentale pour l’Église russe hors-frontières et qui, comme on le sait, s’intéressait à la mission orthodoxe en Occident. L’archevêque Jean reçut ce groupe dans l’orthodoxie et, le 14 septembre 1962, en son église-mémorial en l’honneur de l’empereur Nicolas II à Bruxelles, ordonna prêtre le belgo-hollandais Joseph Lamine. Le père Joseph créa alors une « Mission orthodoxe belge » (rattachée à la « Mission orthodoxe hollandaise » du père Jacques [Akkersdijk] à La Haye), et ouvrit à Bruxelles (chaussée d’Anvers, dans la commune de Schaerbeek) une chapelle orthodoxe francophone et néerlandophone en l’honneur de la Protection de la Mère de Dieu. Cette chapelle fut consacrée le 7 octobre 1962 par l’archevêque Jean, mais la nomination de ce dernier au siège de San Francisco et son départ en novembre de la même année pour les États-Unis entravèrent le développement de l’entreprise.

Après le départ de Mgr Jean, les orthodoxes belges prirent conscience du fait que leur « appartenance à l’Église hors-frontières [les] privait d’une inter-communion totale avec les autres Églises orthodoxes », comme l’écrira le père Joseph à Mgr Basile Krivochéine (7), avec lequel il avait, dès mars 1963, entamé des négociations en vue du passage de la communauté au patriarcat de Moscou.

Ces entretiens, — menés par l’intermédiaire du Belge Géry Lemaire, lui-même converti par Mgr Basile auparavant, — durèrent quelque temps (8), chaque partie désirant exposer clairement son point de vue et déterminer précisément les bases de l’avenir commun. Ainsi, si les demandeurs s’engageaient à « garder scrupuleusement intact le dépôt de la Foi orthodoxe » et promettaient « fidélité et obéissance à Sa Sainteté le patriarche et à ses représentants canoniques », ils soulignaient que cela

n’impliquait et ne pouvait impliquer en aucune façon la Mission orthodoxe belge dans des affaires ayant trait à la politique et dans lesquelles [ils] s’abstenaient complètement (9).

En réponse, Mgr Basile assurait ses futures ouailles que :

Votre qualité de Belges et d’Occidentaux sera toujours scrupuleusement respectée dans le cadre de la foi et de la tradition orthodoxe. […] Vous pouvez être absolument sûrs que votre reconnaissance du pouvoir canonique de Sa Sainteté le patriarche de Moscou et de toute la Russie ne vous impliquera d’aucune façon dans des affaires politiques. Abstention complète de toute politique et loyauté envers les pays où nous vivons constituent d’ailleurs les bases mêmes de l’existence de notre Exarchat en Europe occidentale (10).

Ces précisions n’étaient peut-être pas superflues, les Belges ou autres Occidentaux qui adhéraient à l’orthodoxie craignant par-dessus tout les accusations de « pro-soviétisme » qui pouvaient s’avérer dangereuses, ou du moins gênantes, dans le contexte de la guerre froide (11). À cet égard, l’appellation de Mission (ou Église) orthodoxe belge semblait plus rassurante à d’aucuns que celle d’archevêché orthodoxe russe, et dans l’un ou l’autre document, cette dernière mention sera simplement omise (12). Parmi les autres points d’accord, l’on notera l’utilisation du rite byzantin (et non d’un rite « occidental », comme ce fut parfois le cas ailleurs (13)), la célébration en langues locales et l’usage du nouveau calendrier (à l’exception de la pascalie) (14). Enfin, sans que cela soit formellement précisé, la Mission orthodoxe belge manifestera, — tout naturellement, — une vénération particulière envers les saints « locaux » du premier millénaire.

Ceci convenu, l’archevêque Basile put officiellement recevoir la communauté (composée, au départ, de quelques personnes) dans l’Église orthodoxe russe, le samedi 18 mai 1963. Le lendemain, dimanche 19 mai, l’archevêque présida la Divine Liturgie en l’église de la Protection de la Mère de Dieu, à laquelle il remit un nouvel antimension (à la place de celui de l’archevêque Jean) en signe de son appartenance canonique à l’archevêché de Bruxelles et de Belgique du patriarcat de Moscou (15). Fin mai-début juin 1963, l’archevêque procéda, en outre, aux ordinations sacerdotales des belges Julien Van der Elst et Jean François.

Quels étaient les motifs de Mgr Basile d’accepter sous son omophore la Mission orthodoxe belge et d’ordonner aussi rapidement plusieurs membres de son clergé, alors qu’il reconnaissait par ailleurs lui-même que ces gens « connaissent à peine [l’orthodoxie] et ont eux-mêmes un grand besoin d’éducation et de direction » (16) ? Et il est vrai que les clercs et les responsables de la Mission n’avaient, pour la plupart, pas de formation théologique orthodoxe, ne connaissaient guère le rite byzantin, que nombre d’entre-eux devaient travailler dans le civil pour vivre et ne pouvaient consacrer à l’Église que leurs loisirs (17), etc. Mais l’archevêque de Belgique était conscient de certaines réalités de l’époque, à savoir la diminution progressive, — qui semblait alors inéluctable, — du nombre d’orthodoxes russophones en Occident et la raréfaction des vocations religieuses parmi ceux-ci. En mars 1962 déjà (soit avant la création de la Mission), il avait écrit au métropolite Nikodim :

Actuellement à Bruxelles la question la plus importante en matière ecclésiale concerne l’organisation d’une paroisse belge séparée avec la célébration en langue française […] Dès à présent, il y a des orthodoxes belges (par la nationalité et la langue), qui souhaitent avoir une paroisse […]. Outre les Belges qui « s’intéressent à l’orthodoxie », dans toutes les trois « juridictions », il y a des jeunes, russes d’origine, mais qui ont oublié la langue russe. Ils iront dans une telle église de langue française, d’autant plus si l’on célèbre selon le nouveau calendrier (plus pratique pour ceux qui étudient ou travaillent) (18).

Cet argument, Mgr Basile le répétera régulièrement. « Il nous faut un prêtre de nationalité belge » écrira-t-il en 1963 à un orthodoxe belge (19). Ou encore, dans une lettre à un chanoine catholique en 1975

Les prêtres occidentaux sont un signe de l’occidentalisation rapide de l’orthodoxie en Europe occidentale, processus irréversible et même désirable, car c’est une condition de la survie de l’orthodoxie en Occident (20).

Du côté du patriarcat de Moscou, l’on ne semblait pas mécontent de la création de cette Mission. à côté de la joie naturelle qu’elle avait suscité (« Il nous plait de remarquer votre action apostolique visant à renforcer la sainte orthodoxie en Occident », écrira le métropolite Nikodim à Mgr Basile en 1964 (21)), l’avantage de compter des Occidentaux au sein de l’Église russe n’avait sans doute pas échappé à ses responsables, dans une époque pour le moins difficile pour celle-ci.

Quant aux membres de la Mission, rappelant qu’"il est tout à fait erroné de penser que l’orthodoxie se limite aux pays orientaux. L’Église orthodoxe est universelle et s’adresse au monde entier en confessant la vraie foi, définie par les Sept Conciles œcuméniques de l’Église indivise" (22), ils se destinaient à « desservir les besoins spirituels des orthodoxes de nationalité belge, à témoigner de la foi orthodoxe en Belgique et à faire connaître l’orthodoxie en Occident » (23).

Peut-on aller plus loin, et estimer que, dans son zèle missionnaire, Mgr Basile envisageait sérieusement la transformation de l’Église orthodoxe russe en Église locale, en Belgique ou en Europe, qu’il évoquera à l’occasion (24) ? Une telle hypothèse nous semble tout de même exagérée. même s’il connaissait bien l’Occident, l’archevêque Basile n’abandonnait pas son attachement premier à la Russie et à l’Église orthodoxe russe, et se consacrait essentiellement à ses écrits théologiques ainsi que, — lorsque cela s’avérait nécessaire, — à la défense des droits des croyants en Union soviétique. Si l’on ajoute qu’il n’avertira officiellement le patriarcat que plus d’un an après la création de la Mission (25), qu’il ne fera pas particulièrement état de celle-ci dans ses autres lettres ou conversations et que, bien que bénissant généralement ce que lui proposent les responsables de la Mission, il n’interviendra guère dans la vie interne de celle-ci (26), on peut en déduire que, malgré ses affirmations précitées, l’archevêque russe ne semblait pas attribuer à la Mission orthodoxe belge une importance primordiale.

II. LES PAROISSES DE LA MISSION ORTHODOXE BELGE ET LEURS RESPONSABLES

La première paroisse créée au sein de la Mission orthodoxe belge fut, nous l’avons vu, celle en l’honneur de la Protection de la Mère de Dieu, installée dans un local loué chaussée d’Anvers (non loin de la gare du Nord) et consacré par l’archevêque Basile le 19 mai 1963. En 1977, l’église déménagera à l’avenue de la Reine (quelques rues plus loin), pour revenir en 1994 (dans un autre local) à la chaussée d’Anvers. Mgr Basile décrit ainsi cette communauté :

Matériellement, la paroisse belge est dans un grand besoin. Dans leur église, il y a peu d’icônes, on manque d’ornements, de matériel ecclésiastique, etc. […] Il n’y a pas beaucoup de fidèles. quelques dizaines, mais on peut espérer qu’avec l’aide de Dieu, leur nombre augmentera. […] Aux célébrations de la paroisse belge se rendent aussi de nombreux hétérodoxes belges catholiques et protestants, de sorte que la paroisse belge participe de la découverte de l’orthodoxie par les Occidentaux (27).

Dans une autre lettre au bourgmestre de la ville de Bruxelles, — écrite, il est vrai, pour tenter d’obtenir un nouveau local pour la Mission, — l’archevêque indique que

le fonctionnement et le développement de cette paroisse sont toutefois gênés par le local lui-même. Celui-ci, en effet, ouvert à titre provisoire et en fonction de moyens financiers très limités, n’est pas adapté à sa destination nouvelle et ne possède pas le caractère de dignité nécessaire à un lieu consacré au culte. De plus, la chapelle est située loin du centre de la ville, dans un quartier assez mal desservi en communications aisées ; les chrétiens orthodoxes bruxellois qui dépendent de cette chapelle habitent un peu partout dans l’agglomération bruxelloise et ne peuvent y parvenir que difficilement (28).

Malgré cela, la Mission allait se développer progressivement. Parmi ses responsables, il faut en premier lieu mentionner son fondateur et premier recteur, le père Joseph (Lamine). Né aux Pays-Bas mais installé à Bruxelles, il avait découvert la foi orthodoxe par l’intermédiaire de l’archevêque Jean (Maximovitch) et du futur évêque Jacques (Akkersdijk), auprès duquel il avait prononcé ses vœux monastiques. Personnalité sociable et compatissante, bien que parfois autoritaire, il se préoccupait essentiellement d’aider les personnes en difficulté. Comme l’écrira, après son décès, un autre orthodoxe belge,

[sa] vie toute entière [fut] vouée au service des plus pauvres. Il s’était installé en effet dans un quartier où résident essentiellement des émigrés. Il y habitait. Il y avait aussi aménagé une chapelle et fondé une petite paroisse, pauvre et discrète, qui accueillit […] beaucoup de Grecs. Il avait également établi un centre d’aide sociale où, après les obligations d’un métier profane qui lui permettait de subvenir à ses besoins, il s’efforçait de venir en aide aux plus pauvres (29).

Et en effet, dans une pièce attenante à l’église orthodoxe, le père Joseph avait créé un centre social (dénommé au départ « centre orthodoxe ») ouvert aux défavorisés du quartier (sans distinction de race, de culture ou de religion). En 1983, ce centre fusionnera avec le centre social catholique et, avec la collaboration des « maisons de quartier » et de l’église protestante locale, deviendra le centre social du quartier nord, dont le père Joseph sera le premier président. La présence d’une importante communauté grecque (dès 1963-64, des travailleurs grecs étaient arrivés en nombre à Bruxelles, où il n’existait à l’époque qu’une seule paroisse grecque) l’amènera à s’occuper plus particulièrement des émigrés d’origine hellénique, qui se mirent à fréquenter en nombre l’église, où les offices furent alors partiellement chantés en grec. À Pâques, il y avait tellement de monde, — plusieurs centaines de personnes, — que les offices devaient être célébrés dans la grande église catholique voisine de saint Roch, prêtée pour l’occasion. Le réaménagement du quartier nord de Bruxelles à partir de 1965 (qui entraîna le départ de nombreux habitants) et la création d’une paroisse orthodoxe grecque dans les environs en 1972 réduisirent cependant considérablement le nombre de paroissiens.

Portée très tôt vers l’œcuménisme, la paroisse orthodoxe belge entretenait de bonnes relations avec les Églises catholiques et protestantes voisines, ainsi qu’avec d’autres communautés chrétiennes. Des petites conférences sur des sujets catéchétiques (les icônes, les sacrements, la prière, les saints orthodoxes) y étaient organisées de temps à autre et le clergé s’occupait aussi, — à l’occasion, — de l’aumônerie des orthodoxes dans les casernes, les hôpitaux et les prisons.

Autour du père Joseph, plusieurs autres personnalités faisaient partie de la Mission orthodoxe belge. les pères Julien Van der Elst et Jean François, Jacques Baurin (ordonné diacre en 1964 et prêtre en 1968) et Nestor Frippiat (ordonné prêtre en 1966), et plus tard Athanase Cabirou (ordonné diacre en 1980 et prêtre en 1988). En reconnaissance de son travail zélé au sein de la Mission orthodoxe belge, le père Joseph reçut le titre d’higoumène en 1967 et celui d’archimandrite en 1968. Les pères Jean et Julien furent, eux, promus archiprêtres en 1967, et le père Nestor en 1968. D’autres marques de confiance de Mgr Basile envers le père Joseph peuvent être perçues dans le fait que l’archevêque avait introduit celui-ci dans son conseil diocésain dès 1963 (30) et l’avait pris avec lui à Londres lors de la visite du patriarche Alexis 1er en 1964 (31). En outre, Mgr Basile incitera les membres de la Mission, — clercs et laïcs, — à visiter régulièrement la Russie dans le cadre de voyages-pélerinages organisés par le patriarcat de Moscou. Enfin, à la demande de l’archevêque, le clergé de la Mission aidera occasionnellement d’autres paroisses. le père Joseph célébrera ainsi de temps à autre dans la paroisse orthodoxe d’Amsterdam (Pays-Bas), tandis que les pères Jean François et Julien Van der Elst se rendront à Paris pour desservir la paroisse occidentale de la rue d’Alleray au décès du père Denis Chambault en 1965 (jusque 1968).

Au début des années Soixante-dix, l’extension de la communauté orthodoxe occidentale, ainsi que le nombre croissant des membres de son clergé (32), amena à la fondation d’une autre paroisse de langues française et néerlandaise à Bruxelles, plus exactement dans le parc royal de Laeken.

Il se fait qu’il existait, dans le parc royal de Laeken, une véritable petite église (catholique), aux murs blancs et au toit d’ardoises, fondée aux XVe-XVIe siècles comme lieu de pèlerinage en l’honneur de sainte Anne, et voisine de la source, — considérée comme miraculeuse, — du même nom (33). Désaffectée depuis de nombreuses années, elle fut, en 1973, mise à la disposition des pères Julien Vander Elst et Jean François par la communauté catholique de Laeken.

Restaurée et aménagée en lieu de culte orthodoxe, la chapelle de Sainte Anne fut consacrée par l’archevêque Basile en 1974 (34) en présence d’une assistance nombreuse. Des journalistes, attirés par cet événement « œcuménique », feront paraître des articles dans les journaux du lendemain (35).

III. TENTATIVES INFRUCTUEUSES DANS LE CADRE DE LA MISSION

Outre ces deux paroisses qui subsistent jusqu’à nos jours, d’autres tentatives de créer des communautés occidentales dans le cadre de la Mission orthodoxe belge furent faites dès la fin des années 1960 « en vue d’une meilleure organisation du travail pastoral et missionnaire », — comme l’écrivait le Messager de l’exarchat (36), — mais se révélèrent infructueuses.

À Molenbeek, commune populaire du nord-ouest de Bruxelles, où vivaient un certain nombre de familles orthodoxes, — essentiellement grecques, — le père Joseph créa en 1969 une paroisse en l’honneur du saint apôtre André le Premier Appelé, qu’il installa dans un local loué (rue Mommaerts). En effet, « faute d’une église orthodoxe située à proximité de leur domicile », les orthodoxes (grecs) de cette commune étaient « privés de toute possibilité d’une vie religieuse normale », comme l’écrira le père Joseph à l’archevêque Basile (37). La paroisse de saint André fut donc particulièrement orientée vers les Grecs, et les célébrations s’y déroulèrent en langues grecque et française (tout comme, à l’époque, à la paroisse de la Protection de la Mère de Dieu). Dès 1972, cependant, le père Joseph délaissa cette paroisse pour revenir à celle de la Protection de la Mère de Dieu, mais aussi se consacrer à celle qu’il avait fondée à Anvers (voir plus loin), et la paroisse de saint André fut desservie par les pères Nestor Frippiat et Géry Lemaire (38). Le départ des Grecs (une paroisse grecque avait été fondée dans la commune en 1972), des difficultés matérielles et divers conflits au sein de la communauté entraînèrent cependant la fermeture de la paroisse en 1975; le père Nestor revint à la paroisse de la Protection de la Mère de Dieu et le père Géry fonda sa propre chapelle à Bruxelles (voir plus loin).

Fin 1969, une chapelle orthodoxe francophone fut également ouverte à Ixelles, commune résidentielle de la capitale belge, en l’honneur de saint Jean le Théologien (39). Malheureusement, le prêtre Jacques Baurin qui l’avait fondée, était une personnalité instable, changeant régulièrement de juridiction (du patriarcat de Moscou à celui de Constantinople et retour, puis à la dénommée « Église catholique orthodoxe de France » d’Eugraph Kovalevsky (40) avant de revenir à nouveau, etc.). Fin 1971, la chapelle, qui ne fonctionnait déjà plus, fut fermée (41). Quant au prêtre Baurin, il sera réduit à l’état laïc par Mgr Basile en 1979 (42).

À Anvers, deuxième ville de Belgique et important centre portuaire européen, où il y avait déjà une paroisse orthodoxe grecque et où une paroisse russe avait existé (sous la direction du futur Mgr Paul Golychev) durant l’entre-deux-guerres (43), le père Joseph ouvrit en 1971 une paroisse néerlandophone en l’honneur de l’Exaltation de la sainte Croix (44), dans un local mis à disposition par les catholiques (45). Le Belge David De Bruyn fut ordonné diacre pour cette paroisse en 1973 et prêtre en 1976, mais quitta en 1977 l’Église russe pour la juridiction de Constantinople, et la paroisse cessa d’exister (46).

L’on peut, certes, s’étonner de l’instabilité de ces communautés, mais les conditions de leur création n’étaient sans doute pas les meilleures pour assurer leur pérennité. des lieux de culte installés dans des locaux exigus souvent loués à des particuliers, des moyens matériels limités, les fidèles peu nombreux et peu attachés à leur Église, des chantres ou lecteurs amateurs, des clercs autodidactes et inconstants. En outre, la possibilité, pour les Occidentaux, de « choisir » la juridiction orthodoxe à laquelle ils adhéraient, voire d’en « changer » s’ils le jugeaient utile, ne renforçait guère leur fidélité ecclésiale (pourquoi un Belge, Français ou Hollandais devrait-il se sentir plus lié à l’Église russe que, disons, à l’Église grecque ou roumaine ? (47)). Évidemment, Mgr Basile s’efforçait de retenir ses clercs ou fidèles, écrivant par exemple à un orthodoxe belge :

Je ne partage pas votre opinion selon laquelle l’orthodoxie occidentale pourrait mieux s’organiser autour du Patriarcat œcuménique, « puisque celui-ci n’est lié à aucun État ». Malheureusement, la réalité est toute différente. Le Patriarcat de Constantinople est entravé dans ses actions pan-orthodoxes et interorthodoxes par le gouvernement turc qui a pris envers lui, ces derniers temps, une attitude extrêmement hostile. Il tolère encore le Patriarche de Constantinople comme chef religieux de la minorité grecque en Turquie, mais veut que son action se limite à ce pays. C’est ainsi que le gouvernement turc a formellement interdit au Patriarcat œcuménique de poursuivre le développement de la Conférence pan-orthodoxe de Rhodes et de préparer le Pré-Concile. Les belles promesses du Patriarcat de Constantinople à cet égard son restées, hélas, sans aucune suite. En outre, le gouvernement turc crée des obstacles aux voyages des évêques du Patriarcat à l’étranger. C’est avec les plus grandes difficultés que le Patriarche a pu obtenir la permission d’aller au Mont Athos pour les fêtes de son millénaire, tandis que pour certains autres évêques, le visa de sortie a été refusé. D’un autre côté, [le Patriarcat] se trouve sous une dépendance politique et financière très stricte par rapport au gouvernement grec. Or, celui-ci insiste pour que l’action du Patriarcat en Occident se limite aux seuls Grecs et pour que son but principal consiste en le maintien de la langue grecque, dans la Liturgie en premier lieu. Il est certain que, malgré quelques exceptions, le clergé du patriarcat de Constantinople en Europe occidentale et en Amérique ne s’intéresse pas aux problèmes de l’orthodoxie occidentale. Je ne crois donc pas qu’il soit dans l’intérêt des Occidentaux orthodoxes de se mettre sous la juridiction de Constantinople.

Évidemment l’Église en Russie n’est pas non plus libre dans ses actions ; elle est persécutée et sa position intérieure est encore plus difficile que celle des orthodoxes en Turquie. Mais hors de l’Union soviétique, notre Exarchat a su conserver une entière liberté ecclésiastique basée sur une abstention complète de toute action politique et la loyauté envers les pays où nous vivons. […] pour le moment, c’est tout de même dans l’Exarchat du Patriarcat de Moscou que le travail pour l’orthodoxie occidentale rencontre les conditions les plus favorables (48).

Malgré de tels arguments, la coexistence sur le même territoire de structures orthodoxes parallèles et une certaine « concurrence » entre elles ne pouvait pas ne pas influencer les personnes qui avaient une faible conscience canonique ou qui privilégiaient leurs intérêts propres par rapport à ceux de l’Église.

Il ne faut cependant pas jeter la pierre aux tentatives de création de nouvelles paroisses ou chapelles au sein de la Mission orthodoxe belge, qui ont eu le mérite d’exister, fut-ce pour montrer les erreurs à ne pas commettre dans le travail missionnaire. Par ailleurs, même éphémères, ces lieux de culte ont rassemblé des personnes pour des célébrations et des sacrements. Et comme le dit le Seigneur, « là où deux ou trois sont réunis en mon Nom, Je suis au milieu d’eux » (Mt 18, 20).

IV. COMMUNAUTES ORTHODOXES OCCIDENTALES EN-DEHORS DE LA MISSION

Dans les années 1970-1980, d’autres communautés orthodoxes occidentales furent créées au sein du diocèse de Bruxelles et de Belgique, mais sans plus avoir de lien avec la Mission orthodoxe belge.

En 1975, le père Géry Lemaire, ancien clerc de la Mission, fondait sa propre chapelle, sous le patronage de Saint Jean l’Évangéliste, dans un local mis à disposition par les moines Dominicains (49) à Etterbeek (autre commune de Bruxelles), qui sera consacré par l’archevêque Basile le 29 novembre de la même année. Le nouveau lieu de culte n’avait pas le statut de paroisse mais de chapelle francophone annexe à la cathédrale Saint Nicolas et présentait quelques particularités par rapport aux autres communautés. un cadre extérieur fort simple, une vie liturgique focalisée sur la Divine Liturgie célébrée sur base de nouvelles traductions françaises du père Géry lui-même, des adaptations musicales propres (le père Géry étant musicien de formation) (50), de même qu’une ouverture (y compris eucharistique) aux chrétiens de toutes confessions (51). En décembre 1981, l’église déménagea dans un autre local à Ixelles, loué à la congrégation catholique des Pères du Saint-Sacrement et en 1990, la chapelle dut encore déménager, pour s’installer dans une maison privée appartenant à l’un des membres de la communauté. Le nouveau lieu de culte sera béni par l’archevêque Simon (Ichounine) (52). En 2003, enfin, la communauté a été privée de ce dernier local, et s’est dispersée. Elle fut officiellement dissoute en 2008.

Fin 1976, une première communauté monastique orthodoxe naquit sur le territoire belge, lorsqu’un premier moine orthodoxe s’installa dans la province de Flandre occidentale. Belge d’origine, le père Thomas (Jacobs) était devenu orthodoxe, avait prononcé ses vœux monastiques et avait été ordonné diacre en 1973 chez l’évêque Jacques (Akkersdijk) de La Haye et des Pays-Bas. De retour dans son pays, le hiérodiacre Thomas avait été autorisé par l’archevêque Basile à créer une fondation monastique. Ayant acquis un petit terrain dans le village de Pervijze (près de Diksmuide, à la côte belge), le père Thomas y installa une chapelle, où le premier office fut célébré à Noël 1976. Peu à peu, des orthodoxes de la région se mirent à fréquenter la chapelle, et en 1978, il devint nécessaire d’ordonner prêtre le père Thomas. En 1981, un deuxième moine vint le rejoindre. le frère Johan (Remmery), et le fondateur du monastère fut nommé higoumène. D’autres moines vinrent ensuite rejoindre la communauté, qui avait été consacrée à la Mère de Dieu, « consolatrice des affligés ». les frères Eleutherios (Hoeree), Moïse (Donné) et Nektaire (Papaioannis). Le monastère étant, pendant longtemps, le seul lieu de culte orthodoxe de la région et, — jusqu’il y a peu, — la seule communauté monastique orthodoxe en Belgique, nombre de fidèles (non seulement belges, néerlandais ou français mais aussi russes, grecs ou roumains) s’y rendent pour les offices, célébrés en néerlandais et partiellement en français. En 1988, la chapelle du monastère étant devenue trop petite pour le nombre de fidèles, une nouvelle église fut, — à l’occasion des festivités du millénaire du baptême de la Russie, — construite avec une petite coupole, et entièrement décorée de fresques (53). Elle sera consacrée par l’archevêque Simon (Ichounine) à la fin de l’année 1988 (54). L’ensemble des offices monastiques orthodoxes y sont célébrés, toutefois selon le calendrier grégorien (y compris pour la pascalie (55)). Le monastère édite aussi des livres et brochures orthodoxes en néerlandais, et organise des pèlerinages aux saints locaux.

Un autre lieu de culte orthodoxe néerlandophone fut créé en 1977 dans la ville d’Hasselt (province du Limbourg) (56) par le père Jan Haveman, prêtre orthodoxe hollandais (ancien recteur des paroisses de Groningen et Maastricht) et ancien professeur d’université aux Pays-Bas, installé en Belgique avec sa famille (57). Mais en raison de l’âge et de la maladie du prêtre (58), la chapelle de Hasselt ne fonctionna que peu de temps.

Une dernière chapelle orthodoxe francophone, ou plus exactement franco-russe, allait naître dans le Brabant wallon en 1984. En 1983, un belge, Paul Pellemans, professeur à l’université de Louvain, avait été ordonné prêtre par l’évêque Seraphim (Rodionov) de Zurich, au cours d’un séjour prolongé dans cette ville. De retour en Belgique, le père Paul avait été reçu au sein du diocèse par l’archevêque Basile et, avec la bénédiction de celui-ci, avait fondé une chapelle annexe à la cathédrale Saint-Nicolas à Lasne (Brabant wallon) fin 1984. Cette chapelle sera consacrée en 1986 par le métropolite Vladimir (Sabodan) de Rostov et Novotcherkassk, alors exarque patriarcal russe pour l’Europe occidentale, en l’honneur de Tous les Saints de la Terre russe. La chapelle déménagera en l’an 2000 à Ottignies, non loin de l’Université de Louvain, qu’elle dessert en tant que chapelle universitaire orthodoxe (59). La chapelle édite également des brochures orthodoxes en français. Ajoutons que c’est l’un de ses fidèles qui est l’auteur d’un livre remarqué sur les saints orthodoxes « belges » du premier millénaire (60).

V. LA FIN DE LA MISSION

Vers le milieu des années 1980, la Mission orthodoxe belge avait quelque peu perdu de son importance. La création des communautés occidentales précitées hors de son sein avait déjà affaibli son autorité, mais la mort de ses principaux acteurs allait lui porter un coup décisif.

Ce fut d’abord, le 22 septembre 1985 le décès à Saint-Pétersbourg (à l’époque Leningrad), de l’archevêque Basile Krivochéine, sous la protection duquel la Mission s’était développée, qui l’affecta considérablement. Le 29 septembre 1985, la mémoire de l’archevêque défunt, — enterré dans sa ville natale, — fut marquée par une pannychide solennelle à Bruxelles, au cours de laquelle le père Joseph (Lamine) prononça l’homélie d’adieu. Nul ne pouvait alors imaginer qu’un an après, ce serait le père Joseph lui-même qui quitterait la vie, et de manière violente.

En effet, le 12 septembre 1986, l’archimandrite Joseph était retrouvé assassiné à son domicile. Il avait 62 ans. Il se fait que le père Joseph avait pris l’habitude de recevoir, non seulement au centre social mais aussi chez lui à la maison, des gens en détresse, des réfugiés, des jeunes plus ou moins « en perdition » (drogués, etc.), pour tenter de les aider. Ce soir-là, il avait ouvert sa porte, prêt à rendre service comme toujours, à son futur assassin.

L’assassinat du prêtre, — un choc pour beaucoup, — fut évoqué dans les journaux belges (61). Les funérailles du père Joseph furent célébrées le 20 septembre 1986 en l’église catholique de Saint-Roch par le père Nestor Frippiat, assisté du clergé de l’archevêché, de prêtres d’autres juridictions orthodoxes, en présence de prêtres catholiques et d’une foule nombreuse de fidèles et amis. Le bourgmestre de Bruxelles avait rendu hommage au défunt et l’avait fait accompagner jusqu’à l’église par une escorte de policiers à moto. Le père Joseph fut enterré au nouveau cimetière de Bruxelles à Jette, et le père Nestor fut nommé recteur de la paroisse de la Protection de la Mère de Dieu (62).

La paroisse de Sainte-Anne connaissait également, à cette époque, des difficultés. en 1982, l’archiprêtre Julien Vander Elst avait de graves ennuis de santé et devait cesser toute activité, laissant l’archiprêtre Jean François seul dans la paroisse. Le père Julien Vander Elst décéda le 25 décembre 1989 (à l’âge de 78 ans), et fut enterré le 29 décembre 1989 au cimetière de Laeken, après des funérailles célébrées par le père Jean François en présence de Mgr Simon (Ichounine) et du clergé de l’archevêché.

Ces décès, de même que le changement de contexte extérieur (d’une part, on n’était plus dans les années 1960, qui avaient vu un certain nombre de conversions d’Occidentaux à l’orthodoxie dans le sillage du concile Vatican II, et d’autre part, le début de la perestroïka gorbatchévienne commençait à desserrer l’étau autour de l’Église orthodoxe en Russie, laquelle ressentit peut-être moins le besoin de soutenir de telles structures à l’extérieur), amenèrent à la fin de ces activités missionnaires, telles qu’elles étaient conçues à l’époque. En 1987, le métropolite Vladimir (Sabodan), alors exarque patriarcal russe pour l’Europe occidentale et locum tenens du diocèse belge, abrogeait de jure la Mission. toutes les communautés occidentales du diocèse faisaient désormais partie, sans intermédiaire, de l’archevêché orthodoxe russe de Bruxelles et de Belgique.

VI. LES LEÇONS DE L’HISTOIRE

La Mission orthodoxe belge appartient désormais à l’histoire, et il reviendra à d’autres d’écrire la chronique ultérieure des communautés orthodoxes occidentales, en Belgique ou en Europe. Néanmoins, il nous semble qu’on peut essayer de tirer quelques leçons de cette expérience de communauté orthodoxe missionnaire en Occident.

Une première leçon serait de cesser de se faire des illusions au sujet d’une possible conversion « en nombre » d’Occidentaux à l’orthodoxie. Même durant les vingt-cinq ans d’existence de la Mission orthodoxe belge, et à l’époque d’une crise profonde dans l’Église catholique au sortir du concile Vatican II, le nombre de « convertis » en Belgique ne s’éleva pas à plus de quelques dizaines (au mieux, centaines) de personnes ; aujourd’hui, le nombre de Belges « de souche » devenus orthodoxes avoisine peut-être le millier (toutes générations et juridictions confondues). Pourquoi un si faible « résultat », — pourrait-on se demander, — malgré tant d’efforts entrepris ? Ne serait-ce pas en raison des erreurs commises ou de l’inadéquation de certaines personnalités ? En réalité, les chiffres des pays voisins sont tout à fait comparables (France. trois mille « convertis » environ, Grande-Bretagne. deux à trois mille, soit, à chaque fois, environ 1% des orthodoxes des pays concernés [ce qui renvoie d’ailleurs les projets de création d’Églises orthodoxes « locales » en Europe occidentale au rang d’hypothèses largement irréalistes ou à un futur indéfini]). En réalité, les Occidentaux devenus orthodoxes cherchaient avant tout dans cette Église une « gardienne de la tradition indivise des premiers siècles », et estimaient que la présence du Christ se retrouvait « à un degré plus pur » dans ce « catholicisme traditionnel qu’est l’orthodoxie ». Aujourd’hui, rares sont ceux qui, en Occident, recherchent le christianisme même le plus authentique, et l’écrasante majorité des personnes qui quittent le catholicisme, par exemple, se tournent vers l’islam ou les religions orientales, voire abandonnent simplement toute pratique religieuse, dans le contexte du processus accéléré de laïcisation de la société.

Une deuxième leçon à tirer concerne la création de paroisses, qui doit obéir à de réelles nécessités pastorales. comme l’indiqua Mgr Basile lors d’une réunion du Conseil diocésain. « avoir un prêtre et un local n’est pas suffisant, il faut au minimum 20-25 paroissiens stables, se confessant et communiant régulièrement » pour créer une nouvelle communauté. Est-il besoin, par ailleurs, de rappeler que l’étymologie grecque du terme Liturgie signifie « service du peuple », « service commune » et que la présence de l’assemblée est un élément constitutif essentiel de la célébration orthodoxe ? Il convient donc impérativement d’éviter la création de communautés « fantômes », du style de celle proposée par J. Baurin. « former une communauté à Bruxelles de façon à envisager les moyens d’expansion possible » (63).

Une troisième leçon serait la suivante. tout en évitant la création artificielle de formes nouvelles soi-disant « propres à l’Occident » et en préservant les traditions éternelles de l’Église orthodoxe, il s’impose de respecter certaines particularités des Occidentaux qui deviennent orthodoxes. Dès 1975, l’archevêque Basile avait écrit que :

l’orthodoxie en Occident perd assez rapidement son caractère national oriental, russe, pour s’occidentaliser, prendre dans la liturgie les langues vivantes occidentales, s’adapter au milieu occidental. Évidemment, nous voulons garder nos dogmes orthodoxes, notre structure ecclésiale canonique, notre chant et nos icônes même. Mais rien de plus, surtout pour les orthodoxes occidentaux (64).

De même, les Fondements de la Doctrine sociale de l’Église orthodoxe russe soulignent que :

le caractère universel de l’Église ne signifie pas néanmoins que le chrétien n’ait pas droit à une originalité nationale, à une expression nationale. […] Les différences culturelles entre chaque peuple trouvent leur expression dans la liturgie et dans les autres formes d’art religieux, en particulier dans les particularités de l’organisation de la vie chrétienne (65).

Et dans une interview à un journal français à la veille de sa visite dans ce pays l’an dernier, Sa Sainteté le patriarche Alexis avait confirmé que « l’unité canonique ne présuppose pas l’uniformisation de toutes les pratiques de la vie religieuse » (66).

Finalement, on peut se demander si une telle forme de « mission » est acceptable sur ce qui reste, malgré tout, de vieilles terres chrétiennes. Les réponses à cette question pourront être différentes, selon le point de vue ecclésiologique qu’on adopte, mais il y a une chose que nous ne pouvons oublier. si nous considérons que la foi orthodoxe est un trésor sacré, d’après l’Évangile, le serviteur qui avait caché les talents de son maître au lieu de les faire fructifier fut puni par celui-ci (Mt 25, 14-30).


Summary of MODEL, « A Little-known page in the History of Orthodoxy in the West: The Belgian Orthodox Mission (1963-1987) ». From the early 1960’s, small numbers of Belgian and Dutch Christians were received into the Russian Orthodox Church. As the « Belgian Orthodox Mission » under Archbishop Basil Krivochéine, they were granted a special status: they bore no allegiance to the Soviet state; they were allowed to use French and Dutch in the liturgy, and were even permitted to follow the Gregorian calendar for feasts independent of the Paschal cycle. In creating the Belgian Orthodox Mission, Archbishop Basil’s motivation seems initially to have been to assure a future for the Russian Orthodox Church in Belgium at a time when the first generation of Russian-speaking émigrés was dying out, and the number of priests was decreasing. But there is no indication that he envisaged transforming his diocese from a Russian-speaking entity to a primarily Belgian one.

The earliest parish belonging to the Mission was located near the Gare du Nord; its social and charitable centre would eventually merge with Catholic and Protestant initiatives to form a neighbourhood ecumenical centre. Other communities were formed in the Brussels area and at Antwerp and elsewhere, but not all of them proved to be durable. With time, other Belgian Orthodox parishes came into being, some of them belonging to other Orthodox jurisdictions.

By the time of Archbishop Basil’s death in 1985, the special status of the Belgian Orthodox Mission as such had become less crucial to the life of the Russian Orthodox Church in Belgium, and in 1987, all of the communities of the Mission were integrated directly into the Russian Orthodox Archdiocese of Brussels and Belgium.

On balance, the experience of the Belgian Orthodox Mission demonstrates that while Orthodoxy can indeed be adapted the better to fit into a Western context, such adaptation is not likely to lead to mass conversions, particularly under the circumstances presently reigning in Western Europe.

« La vérité. Rien que la vérité. Toute la vérité qui me soit connue. » Ce sont là les principes — qu’il énonce lui-même — qui guideront Mgr Basile (Krivochéine), étudiant russe et patriote, devenu moine au Mont Athos puis archevêque orthodoxe en Belgique et éminent théologien (1), tout au long de la rédaction de ses mémoires, dont nous présentons ici, pour la première fois, la traduction française intégrale (2). Et il s’y tiendra ; tous les documents qu’il cite, et auxquels nous avons eu accès, sont ainsi reproduits presque mot à mot !

La première partie de ces mémoires porte sur les « années de jeunesse » de celui qui est alors Vsévolod Krivochéine, l’un des cinq fils d’un ministre du tsar, étudiant à l’université de se ville natale, Saint-Pétersbourg (puis de Moscou), qui assiste à des événements historiques qui le dépassent largement (la révolution de 1917 et la guerre civile). Mais, déjà, son sens de l’observation fait merveille. devant nos yeux s’ébranlent les premières manifestations, les orateurs haranguent la foule, les policiers et les cosaques chargent, les soldats se mutinent, les étudiants ou les ministres discutent dans le désarroi, sans oublier les premières arrestations arbitraires et les premiers morts de ces fameux « cinq jours » d’insurrection, en février (mars) 1917 à Petrograd, qui amèneront à la chute du régime impérial. Ce n’est pas sans raison que le premier chapitre, qui relate ces événements, fut repris presque sans changements par le grand écrivain Soljenitsyne, dans son évocation magistrale de la révolution russe. La roue rouge (3).

Si, compte tenu de son jeune âge, il assiste plutôt en spectateur aux débuts de la révolution, c’est en connaissance de cause que Vsévolod Krivochéine, que tout dans le nouveau régime rebute, s’engage (ou plutôt, tente de s’engager) dans les Armées blanches du général Denikine en 1919. Le second chapitre de cette première partie, qui forme pratiquement un livre en soi, détaille les péripéties que doit vivre notre volontaire sur le chemin du Sud vers le front. Mais ce chemin est semé de telles embûches que, pour le résumer, vient à l’esprit l’énumération de la deuxième Épître de saint Paul aux Corinthiens. « dans les fatigues […], dans les prisons […], sous les coups […], dans les dangers de la mort […]. Voyages à pieds, souvent, dangers des fleuves, dangers des brigands, danger de mes frères de race, dangers des païens, dangers dans la ville, danger dans le désert […], dangers des faux frères ! Fatigues et peine, veilles souvent ; faim et soif, jeûne souvent ; froid et dénuement. » (4) À plusieurs reprises, notre héros manque de perdre la vie, et ne doit son salut qu’à ce qu’il considérera comme une intervention divine. Peut-être, les dangers encourus et la certitude de l’aide de Dieu face à ceux-ci seront-ils à la base, au moins en partie, de son choix de vie ultérieur (5)…

Ces observations prises sur le vif égratignent en passant certains « mythes » qui entourent encore la guerre civile russe de 1918-1920, tant du côté « blanc » que « rouge » (notamment sur le caractère « désintéressé » de certains engagements, les changements d’allégeance, l’arbitraire de la « légalité révolutionnaire », la bureaucratie soviétique naissante, etc.). Le tout est accompagné de commentaires de l’auteur, relatant, « pour faciliter la compréhension du récit » (6), le contexte politique et les mouvements des armées dans les zones de front évoquées. En filigrane de nombreux « petits faits », transparaît alors la « grande Histoire », et le témoignage soucieux d’exactitude devient une véritable source d’information sur le passé. Quiconque s’intéresse à la guerre civile russe trouvera, dans ces pages, un tableau peut-être plus véridique que celui présenté dans bien des livres d’historiens.

La deuxième partie du livre est consacrée aux « mémoires d’Église » de Monseigneur Basile, désormais au sommet de sa vie (7). Elle comporte trois chapitres, dont les deux premiers sont dédiés respectivement au métropolite Nicolas (Iarouchevitch, 1892-1961) de Kroutitsy et au métropolite Nicodème (Rotov, 1929-1978) de Leningrad, présidents successifs du Département des relations extérieures du patriarcat de Moscou et figures majeures de l’Église orthodoxe russe (et du mouvement œcuménique) des années 1950-1970. Mgr Basile s’y montre un observateur attentif des relations complexes entre l’État athée soviétique et une Église qui, par le nombre de ses fidèles (8), la place qu’elle occupait dans l’histoire et la culture du pays ainsi que la reconnaissance dont elle bénéficiait de la part des instances religieuses et culturelles mondiales, faisait encore, en quelque sorte, figure d’ « Église d’État » (9).

C’est, en effet, sous le signe du paradoxe que s’étaient établies les relations entre l’Église orthodoxe et l’État à l’époque soviétique (10). si, jusqu’à la Seconde guerre mondiale, les principes idéologiques du gouvernement bolchevik le conduisaient à vouloir supprimer — par la répression — toute trace de religion dans le pays, après-guerre, l’État accepta de « tolérer » en son sein une Église qu’il soumit, cependant, à des conditions drastiques de fonctionnement, la forçant à montrer son « loyalisme » et à apporter son soutien au régime. Dans ces conditions, tenter de préserver l’existence de l’Église au prix de compromis hasardeux, comme le faisaient (chacun à sa manière) les plus hauts responsables du patriarcat de Moscou, relevait d’une sorte de jeu d’échecs avec le diable. Comme l’écrira, plus tard, l’un de ces responsables, le Père Vital Borovoï, « la formule qui dépeint le mieux le caractère tragique et complexe de la vie de notre Église à l’époque du métropolite Nicodème et qui permet de comprendre les divergences d’opinions dans l’appréciation de sa personnalité, est celle de la parole de l’Apocalypse, adressée à l’Église de Pergame. « Je sais où tu demeures ; c’est là qu’est le trône de Satan. » (11) Quant à Mgr Basile lui-même, il s’efforçait d’allier une fidélité à l’autorité ecclésiale à une opposition aux pressions du pouvoir soviétique, et n’hésitait pas à s’exprimer ouvertement au nom d’une Église alors pratiquement condamnée au silence.

Ici, une précision s’impose. résidant à l’étranger, Mgr Basile aurait pu choisir une autre obédience que celle du patriarcat de Moscou, à l’époque largement contrôlé par le pouvoir soviétique. Dans l’émigration, l’Eglise orthodoxe russe s’était, en effet, scindée en trois groupes (« juridictions ») indépendants voire antagonistes les uns par rapport aux autres. Le « Synode hors-frontières », traditionnellement attaché à l’héritage politique, culturel et spirituel de l’ancien régime (et foncièrement hostile au patriarcat jusqu’à la disparition de l’URSS (12)), aurait pu lui sembler proche par certains côtés. Quant à l’ « Archevêché d’Europe occidentale », qui avait intégré dès 1931 l’obédience du patriarcat de Constantinople (13), il pouvait l’attirer par sa neutralité politique et surtout sa fécondité théologique. C’est néanmoins au patriarcat de Moscou que s’était rattaché Mgr Basile après le Mont Athos (14), par désir de communion avec l’Église-mère et de lien direct avec la Russie et son peuple. Ce chemin particulier, fruit d’un choix réfléchi, n’était pas compris par tous, et valut à l’archevêque le qualificatif d’ « antisoviétique rouge » (15).

Cette liberté de choix de Mgr Basile apparaît plus encore — si c’est possible — dans le troisième chapitre de cette partie, consacré au concile de Moscou de 1971 qui, en pleine période de « stagnation » brejnévienne, élut à la tête de l’Église russe le patriarche Pimène (Izvekov, 1930-1990). Ici, Mgr Basile va, en quelque sorte, passer du statut d’observateur à celui d’acteur à part entière. Membre ex officio du concile, il sera l’un des rares à s’opposer publiquement à la candidature unique et au vote à main levée et exiger une élection du patriarche à bulletins secrets. Il va également refuser de cautionner le « statut des paroisses » de 1961, qui avait dépossédé le prêtre de la direction de la communauté au profit d’un organe administratif nommé par le pouvoir. Comme le lui dira le métropolite Joseph (Tchernov, 1893-1975) d’Alma-Ata, un des hiérarques les plus anciens et les plus respectés de l’Église russe, ancien prisonnier du goulag et « confesseur de la foi ». « Nous sommes acculés. Nous ne pouvons pas parler, mais vous avez parlé au nom de tous. Soyez-en remercié ! » (16)

À côté de ces questions internes à l’Église russe, les relations inter-orthodoxes ou œcuméniques ne sont pas oubliées de l’archevêque Basile. Les coulisses des conférences panorthodoxes de Rhodes des années soixante (dans le cadre du processus préconciliaire orthodoxe, récemment relancé) sont ainsi dévoilées, de même que les négociations secrètes qui ont permis l’envoi d’observateurs orthodoxes russes au concile Vatican II. De nombreuses personnalités marquantes sont évoquées. catholiques, comme les cardinaux Tisserant, Suenens ou Willebrands, ainsi qu’orthodoxes, comme le métropolite Antoine (Bloom) de Souroge ou l’archevêque Cyrille de Smolensk (actuel patriarche de Moscou et de toutes les Russies).

Dans un petit livre fort intéressant, le slavisant Georges Nivat déplore que l’on s’intéresse si peu à la Russie. « Peu nous chaut, me dira-t-on, que nous voyions juste ou moins juste ce qui se passe en votre Russie. Après tout, son heure est passée. C’est la Chine qu’on étudie maintenant dans les universités branchées aux États-Unis, me dit un célèbre collègue, c’est l’Islam qui a le vent de l’histoire en poupe, dira un autre, c’est la civilisation Pacifique pour un troisième ! « Chacun court ailleurs et à l’avenir », comme dit Montaigne, et cet ailleurs et cet avenir sont ailleurs que dans votre Russie. […] Je crois que l’Europe au moins se doit de connaître la Russie, et que mieux vaut bien connaître que mal gloser […] » (17) Or, comme l’écrit Hélène Carrère d’Encausse, « l’Église de Russie, l’Église orthodoxe reste celle qui, par tradition, est la famille spirituelle de la majorité de la population russe. Elle a [… ] été le ciment de ce pays [auquel elle] a servi de lien et de critère communautaires. » (18)

En un mot comme en cent, ces mémoires de Mgr Basile (Krivochéine), qui portent sur des périodes peu ou mal connues de l’histoire de la Russie et de son Église, nous paraissent — tant dans leur partie « civile » que « religieuse » — précieux pour comprendre celle-ci. Et finalement, n’est-ce pas au cardinal Mercier, primat catholique de cette Belgique dont Mgr Basile sera l’évêque orthodoxe russe durant vingt-cinq ans, que l’on attribue la formule. « Pour s’aimer, il faut se connaître ; pour se connaître, il faut se rencontrer » ?


  1. Pour un aperçu des différentes facettes de la personnalité de Mgr Basile, voir « Un évêque-théologien, Mgr Basile Krivochéine », Messager de l’Église orthodoxe russe, n°15 (2009), p. 6-32.
  2. Outre ses mémoires et ses œuvres théologiques, Mgr Basile a laissé des comptes-rendus de rencontres théologiques ou œcuméniques, des recensions de livres et des nécrologies de personnalités ecclésiastiques, qui ne sont pas publiées ici.
  3. A. SOLJENITSYNE, La Roue rouge, 3e nœud. Mars Dix-sept, Paris, Fayard, 1986, chapitres 47 et 85.
  4. II Co. 11, 23-28.
  5. Ayant eu, au cours de la retraite d’octobre-novembre 1919, un pied et plusieurs doigts des mains congelés, Vsévolod Krivochéine hésitera d’ailleurs longtemps à accepter le sacerdoce.
  6. Voir « Première partie. dans la Révolution et la guerre civile. Avant-propos de l’Auteur », p. 11.
  7. Mgr Basile n’a, en effet, pas laissé de souvenirs sur la période « médiane » de sa vie, depuis son évacuation vers la France en 1920 jusqu’à son retour en Occident au début des années cinquante, après vingt-deux ans de séjour au Mont Athos.
  8. Lorsqu’en 1937, le recensement général de la population avait demandé à chaque soviétique s’il était croyant, le nombre de réponses positives atteignit les 70%. Les résultats ne furent pas publiés et l’on n’osa plus jamais poser cette question.
  9. Voir A. LÉVITINE-KRASNOV, « Une Église d’État dans un État antireligieux », L’Alternative, n°9 (1981).
  10. Pour une vue d’ensemble de ces relations, voir Nikita STRUVE, Les chrétiens en Urss, Paris, Éd. du Seuil, 1963.
  11. Ap. 2, 13. Cité dans ARCHIMANDRITE AUGUSTIN (NIKITINE), Tserkov’ pleneniya. Mitropolit Nikodim i ego vremja [L’Église captive. Le métropolite Nicodème et son temps], Saint-Pétersbourg, Éd. de l’Université de Saint-Pétersbourg, 2008, p. 106-107.
  12. Après un rapprochement progressif, la réconciliation entre ces deux « branches » de l’orthodoxie russe est intervenue en 2007, quatre-vingt ans exactement après leur séparation.
  13. Sauf une tentative de retour à l’Église russe en 1945-46, cet archevêché maintient cette position jusqu’à nos jours.
  14. L’ensemble des membres de la communauté athonite relèvent d’office de la juridiction du patriarche de Constantinople.
  15. Voir Père Georges TCHISTIAKOV, « « Krasniy » antisovietchik. K stoletiu so dniya rozhdeniya arkhiepiskopa Vassilia (Krivocheina) » [Un antisoviétique « rouge ». À l’occasion du centenaire de la naissance de l’archevêque Basile (Krivochéine)], La Pensée russe, n°4323 (2000).
  16. Voir ARCHEVEQUE BASILE (KRIVOCHEINE), « En mémoire d’un évêque-confesseur. Le métropolite Joseph (Tchernov) d’Alma-Ata et du Kazakhstan », in ARCHEVEQUE BASILE (KRIVOCHEINE), Le concile local de l’Église orthodoxe russe et l’élection du patriarche Pimène, Saint-Pétersbourg, Éd. Satis, 2004, p. 174.
  17. G. NIVAT, Regards sur la Russie de l’an VI, Éd. de Fallois/L’Âge d’Homme, 1998, p. 22.
  18. H. CARRERE D’ENCAUSSE, Victorieuse Russie, Paris, Fayard, 1992, p. 378.

Parmi les théologiens orthodoxes du XXe siècle, l’archevêque Basile (Krivochéine) occupe une place quelque peu particulière.

Par son parcours singulier (1), tout d’abord. noble russe, fils d’un ministre du tsar, étudiant en lettres, engagé dans les armées « blanches » durant la guerre civile dans son pays, émigré en France puis moine au Mont Athos durant vingt-deux ans, enfin évêque du diocèse du patriarcat de Moscou en Belgique durant vingt-cinq ans, il s’efforça aussi — à une époque difficile pour l’Église russe — de défendre celle-ci face aux pressions du pouvoir soviétique (2).

Mais c’est surtout comme théologien et patrologue que Mgr Basile acquit une renommée internationale, puisqu’il permit de (re)découvrir des Pères de l’Église tels que saint Grégoire Palamas, saint Syméon le Nouveau Théologien et d’autres, réalisant un vrai travail de « pionnier » sur les écrits de ces auteurs (à l’époque oubliés du public, même orthodoxe). Sa contribution majeure — remarquable quoique parfois méconnue — à la théologie ne consistera donc pas tant en l’élaboration de son propre système qu’en une humble mise à l’écoute des Pères qui, pour lui, expriment, commentent et formulent notre foi. « C’est Marie qui a choisi la meilleure part ; elle ne lui sera pas enlevée », dit le Seigneur (Lc 10, 42).

Le mystère du salut, enraciné dans l’ascèse de la recherche de Dieu, et son expression ecclésiologique, constituent les principaux centres d’intérêt théologiques de l’archevêque Basile. Autrement dit, Dieu, l’homme et l’Église (ainsi que la relation entre-eux). D’une part, la question de la destinée humaine « dans la lumière du Christ » — comme Mgr Basile intitulera sa magistrale biographie de saint Syméon le Nouveau Théologien (3) — et d’autre part, celle du dialogue, au sein de l’Église et à l’extérieur de celle-ci. Et les réponses qu’il apporte sont toujours fondées sur les Pères, qui ne sont pas pour lui une autorité sans appel mais des témoins privilégiés de la tradition chrétienne. Car ce qui est ancien n’est pas toujours forcément synonyme de saint et de vrai. l’Esprit de Dieu œuvre dans l’Église « tous les jours jusqu’à la fin du monde » (Mt 28, 20).

« Après l’Église et les affaires ecclésiastiques, mon intérêt principal est la science théologique, avant tout la patrologie », explique Basile Krivochéine dans une lettre à son frère Igor en 1956. « Évidemment, ce sont en premier lieu les Pères grecs et byzantins qui m’intéressent, et, parmi eux, les auteurs ascétiques et mystiques. La « mystique byzantine », voilà ma spécialité scientifique. Pour être plus précis. saint Syméon le Nouveau Théologien, le mystique byzantin le plus important, et auteur remarquable d’un point de vue littéraire […] depuis cinq ans, je travaille à l’édition de son œuvre, dont le texte original en grec reste inédit jusqu’aujourd’hui. Je dois travailler sur des manuscrits (du XIe au XIIIe siècle) qui sont dispersés dans les bibliothèques de plusieurs pays […] mais je travaille principalement sur microfilms. […] L’édition critique d’un texte grec est un travail très minutieux qui m’a pris beaucoup de temps, car il soulève beaucoup de problèmes scientifiques concernant le texte, etc. […] Cependant, bien que […] Syméon reste mon intérêt principal, tout ce qui concerne la patristique m’intéresse vivement (actuellement, par exemple, je travaille beaucoup sur Origène qui m’intéresse en tant qu’exégète de l’Écriture sainte et l’un des fondateurs de la doctrine spirituelle de l’Église d’Orient. Et je m’intéresse encore plus à saint Grégoire de Nysse, un des plus grands mystiques de la période antique) (4). »

En réalité, l’archevêque Basile étudiera essentiellement les auteurs suivants. Grégoire Palamas, Syméon le Nouveau Théologien, Maxime le Confesseur, Basile le Grand et Grégoire de Nysse, qu’il approchera selon une méthode rétrospective. des plus récents aux plus anciens, des Pères du XIVe siècle à ceux du IVe, en s’appuyant, comme sur un marchepied, sur ce qu’il avait trouvé pour une progression vers ce qu’il ignorait encore (5).

Comme l’écrira un moine de Chevetogne, spécialiste de l’Église orthodoxe russe, à propos de Mgr Basile. « Son regard est d’abord un regard de foi, une foi enracinée dans celle des Pères de l’Église ancienne, la foi des Pères grecs, les Cappadociens surtout, la foi aussi des « mystiques » byzantins, Syméon le Nouveau Théologien et Grégoire Palamas, son premier amour. On pourrait dire que sa vraie patrie ici sur terre était la foi des Pères. À partir de cette foi, il juge l’Église. (6) » Et un autre théologien orthodoxe contemporain, le père Alexandre Schmemann, soulignera. « il apparaît presque comme l’évêque cultivé idéal (7). »

Les études présentées dans ce volume ne constituent pas tout l’œuvre de Mgr Basile, qui, outre son édition des Catéchèses de saint Syméon le Nouveau Théologien dans la collection des « Sources chrétiennes » (8), sa biographie spirituelle du même saint Syméon et sa collaboration au Patristic Greek Lexicon du professeur Lampe (9), a publié dans des revues russes, françaises, belges, britanniques, américaines, allemandes, italiennes ou grecques, de très nombreux articles de patristique, byzantinologie et théologie dogmatique, des comptes-rendus de conférences ou colloques, des souvenirs, des recensions de livres ou des notices nécrologiques. La seule liste de ses publications comprend plus de soixante-dix titres !

Les choix — inévitables — qui ont donc été opérés ici ne sont cependant pas dus au hasard, mais reflètent les principaux thèmes théologiques auxquels se consacra l’archevêque Basile Krivochéine durant sa vie. Cette sélection est présentée dans l’ordre chronologique, depuis ses premiers écrits, jusqu’aux études de la fin de sa vie.

La première œuvre de Basile Krivochéine sera son étude — à vrai dire, un livre entier — sur la doctrine ascétique et théologique de saint Grégoire Palamas, qu’il publia en 1936 en russe à Prague. Ce premier ouvrage contient déjà l’essentiel de la pensée de Palamas, et l’auteur souligne l’aspect apophatique, inconnaissable, de la distinction entre essence et énergies en Dieu. Basile Krivochéine explique qu’il s’agit là d’une distinction réelle, mais qui transcende les catégories humaines, en se référant aux expressions utilisées par Palamas comme « inexprimable » ou « propre à Dieu seul ». Il est significatif que Mgr Basile ait commencé ses études des Pères de l’Église en tirant de l’oubli ce grand théologien byzantin et défenseur des hésychastes, dont le renouveau patristique dans l’Église orthodoxe va, plus tard, souligner l’importance de la théologie. Traduite en anglais et en allemand, l’étude fit forte impression sur le monde scientifique européen qui, aux dires du byzantiniste belge Voordeckers, sut « qu’on disposait au Mont Athos d’un spécialiste de la théologie mystique byzantine dont le niveau était comparable à celui d’un Vladimir Lossky ou d’un Irénée Hausherr, ou, plus tard, d’un Jean Gouillard. » Et il ajoute. « Quant à Grégoire Palamas, il devra attendre jusqu’à la fin des années cinquante, avant de trouver dans l’Introduction de Jean Meyendorff (10), un traitement aussi lucide et compétent. (11) »

Après Grégoire Palamas, c’est à la théologie et à la mystique de saint Syméon le Nouveau Théologien — « plus facile à lire mais plus difficile à assimiler (12) » — que s’attachera Basile Krivochéine, pour le restant de ses jours pratiquement. Outre son édition critique des Catéchèses et sa biographie finale de saint Syméon, Mgr Basile consacrera au Nouveau Théologien de très nombreuses études, dont trois sont présentées ici. le thème de l’ivresse spirituelle dans la mystique de saint Syméon le Nouveau Théologien, essence créée et essence divine dans la théologie spirituelle de celui-ci et Syméon le Nouveau Théologien à travers les âges. Mgr Basile s’y fait en quelque sorte l’avocat du grand spirituel, qui aura toujours besoin d’être défendu face aux approches trop logiques ou trop terre-à-terre de la spiritualité. D’après lui, l’exaltation sensible de la poésie de Syméon n’est pas privée d’une logique intérieure, qui exige une utilisation adéquate du vocabulaire théologique, et les apparentes contradictions de ses écrits ne sont que le reflet, au-delà de la complexité et de la richesse de la personnalité de Syméon, de l’antinomie même du mystère chrétien. Si Dionysios Zagoraios et Théophane le Reclus ont, aux XVIIIe et XIXe siècles, ramené — partiellement — Syméon du « musée » littéraire byzantin à la réalité vivante de la spiritualité orthodoxe, Krivochéine fit de même, nous ayant rendu — cette fois sous sa forme authentique — Syméon durant la seconde moitié du XX e s.

Cette question fondamentale de la relation entre l’homme et Dieu traverse également les autres écrits de Mgr Basile publiés ici. Que ce soit son étude exhaustive sur la signification et le rôle des anges et démons dans la vie spirituelle, sa présentation exemplaire de la spiritualité orthodoxe, son bref texte sur autorité et Saint-Esprit, son analyse détaillée de l’œuvre salvatrice du Christ sur la croix et dans la résurrection ou son approche de la question de la nature divine selon saint Grégoire de Nysse, c’est toujours, en fin de compte, la perspective de la connaissance — à la fois possible et impossible — de Dieu par l’homme, qui est évoquée.

Un épisode à propos du texte sur Grégoire de Nysse montre que la science patristique n’est pas toujours de tout repos. ayant présenté au congrès patristique d’Oxford en 1975 l’étude précitée — où il conclut que Grégoire de Nysse percevait une distinction réelle entre l’essence et l’énergie divines (et donc, implicitement, que sa théologie rejoint celle de Grégoire Palamas) —, Mgr Basile fut critiqué par deux théologiens catholiques qui lui reprochèrent. « Vous voyez Grégoire de Nysse par les yeux de Palamas », ce à quoi il répondit. « Et vous le voyez par les yeux de Thomas d’Aquin. Mais au moins Palamas appartient à la même tradition spirituelle que Grégoire de Nysse, tandis que Thomas d’Aquin appartient à une tradition tout à fait différente. (13) »

À partir des années 1960, la question des relations œcuméniques ou interchrétiennes apparaît de plus en plus dans l’œuvre de Mgr Basile, qui s’efforce, à travers divers articles sur des thèmes ecclésiologiques, de répondre aux défis du dialogue théologique orthodoxe-anglican, des conférences préconciliaires panorthodoxes auxquelles il participe (14), ou tout simplement du milieu plutôt catholique-romain dans lequel il vit au quotidien (15). L’un de ses travaux dans ce domaine — devenu un « classique » dans les écoles de théologie en Russie — est ainsi consacré aux textes symboliques de l’Église orthodoxe, où il conclut que les vérités de foi sont formulées autant dans les célébrations liturgiques et les écrits des saints Pères que dans les documents officiels rédigées au cours de l’histoire. Dans l’ecclésiologie de saint Basile le Grand, l’archevêque Basile tente de systématiser la doctrine sur l’Église de son saint « patron », soulignant que, pour le cappadocien, une rupture de communion ecclésiastique ne se justifie qu’en cas de divergence sur des questions fondamentales. Bien qu’au départ, œuvre de circonstance liée au dialogue avec les anglicans, l’étude sur l’autorité et l’infaillibilité des conciles œcuméniques présente un tableau complet des caractéristiques de ces conciles en tant qu’expression de l’Église dans sa plénitude.

En général, et malgré une apparente complexité, les écrits de l’archevêque Basile s’efforcent de retrouver les fondamentaux de la pensée chrétienne et, nonobstant un appareil critique parfois conséquent, de rendre l’héritage patristique accessible à l’homme contemporain.

Quant à sa méthode théologique, l’un des meilleurs connaisseurs de son œuvre — qui va jusqu’à qualifier notre auteur de « Père de l’Eglise du XXe siècle » (16) — la présente ainsi. « Dans l’ensemble, sa théologie est positive, cataphatique. Il raconte en termes positifs ce qu’il observe lui-même dans la vie de l’Église et les œuvres des Pères. Mais ce n’est pas un refus ou une trahison de la tradition patristique apophatique. […] Le contenu de ses écrits théologiques, quant à l’esprit et à la méthode, est strictement conforme à l’Orient chrétien. […] Monseigneur [Basile] ne découvre pas des vérités. il les dévoile. Un récit réfléchi qui choisit avec délicatesse synonymes et analogies, qui évite une systématisation inutile et donne un minimum d’appréciation […] Sa théologie, c’est l’ekphrasis byzantine qui définit clairement pour le lecteur les formes de ce qui est décrit. (17) »

Un mot, enfin, sur la forme de ces textes qui, pour la plupart, ont paru dans le Messager de l’Exarchat du patriarche russe en Europe occidentale, revue orthodoxe bilingue (russe-français) éditée à Paris de 1950 à 1990 (18). Moyennant quelques corrections, nous reproduisons ici ces études telles que publiées à l’origine. L’édition critique d’œuvres des Pères s’étant cependant poursuivie depuis l’époque de Mgr Basile, nous nous sommes permis de mettre à jour les citations et références, comme le faisait d’ailleurs — dans un souci d’exigence scientifique — l’auteur lui-même (19).

Dans son maître-livre sur saint Syméon le Nouveau Théologien, Dans la lumière du Christ, l’archevêque Basile indique que son but étant de « faire connaître le Syméon authentique », il s’est efforcé de le « laisser parler lui-même le plus possible (20) ». À notre tour, maintenant, de laisser parler Mgr Basile…


  1. Sur la vie de Mgr Basile, voir Serge MODEL, « L’archevêque Basile (Krivochéine) de Bruxelles et de Belgique. esquisse biographique », Contacts, revue française de l’orthodoxie, n°215 (2006), p. 283-300 et le dossier « Un évêque théologien, Mgr Basile Krivochéine », Messager de l’Église orthodoxe russe, n°15 (2009), p. 6-32. Voir également les mémoires de Mgr Basile lui-même. ARCHEVEQUE BASILE (KRIVOCHEINE), Mémoires des deux mondes. De la Révolution à l’Église captive, Paris, Éd. du Cerf, 2010.
  2. Serge MODEL, ibid., p. 290.
  3. ARCHEVEQUE BASILE (KRIVOCHEINE), Dans la lumière du Christ. Saint Syméon le Nouveau Théologien, 949-1022. Vie, spiritualité, doctrine, Chevetogne, Éd. de Chevetogne, 1980.
  4. Cité par J. VAN ROSSUM, « Mgr Basile Krivochéine et la découverte en Occident de saint Syméon le Nouveau Théologien », Messager de l’Église orthodoxe russe, op. cit., p. 11-12.
  5. Selon l’expression de saint Grégoire de Nysse (Contre Eunome, II, 67), citée par Mgr Basile dans son étude sur celui-ci.
  6. Antoine LAMBRECHTS, « Mgr Basile Krivochéine, l’Église catholique et Chevetogne », Contacts, revue française de l’orthodoxie, op. cit., p. 313.
  7. Même si le père Schmemann avoue ensuite ne pas comprendre « le sens ultime des recherches minutieuses et savantes consacrées à l’expérience mystique de Maxime le Confesseur ou de Syméon le Nouveau Théologien » dans. A. SCHMEMANN, Journal (1973-1983), Paris, Éd. des Syrtes, 2009, p. 401.
  8. SYMEON LE NOUVEAU THEOLOGIEN, Catéchèses. Introduction, textes critiques et notes par Mgr Basile (Krivochéine), traduction par Joseph Paramelle, s. j. Tome I. Catéchèses 1-5 (Sources chrétiennes 96), Paris, 1963; Tome II. Catéchèses 6-22 {S. C. 104}, Paris, 1964; Tome III. Catéchèses 23-34 {S. C. 113}, Paris, 1965.
  9. A Patristic Greek lexicon. With addenda & Corrigenda. Edited by J. W. H. LAMPE, Oxford, 1961.
  10. J. MEYENDORFF, Introduction à l’étude de Grégoire Palamas, Paris, Éd. du Seuil, 1959.
  11. E. VOORDECKERS, « In memoriam Basile Krivochéine (1900-1985) », Byzantion, LVI (1986), p. 8.
  12. ARCHEVEQUE BASILE (KRIVOCHEINE), Dans la lumière du Christ, op. cit., p. 5.
  13. Cité par J. VAN ROSSUM, « Mgr Basile Krivochéine et la découverte en Occident de saint Syméon le Nouveau Théologien », op. cit., p. 14.
  14. Voir ARCHEVEQUE BASILE (KRIVOCHEINE), Mémoires des deux mondes, op. cit. ; IDEM, « La Conférence Panorthodoxe sur l’île de Rhodes » Messager de l’Exarchat du patriarche russe en Europe occidentale, n°40 (1961), p. 179-189; « La deuxième Conférence Panorthodoxe à l’Ile de Rhodes, 26-29 septembre 1963 », Messager de l’Exarchat du patriarche russe en Europe occidentale, n°45 (1964), p. 5-25; « La troisième Conférence Panorthodoxe de Rhodes, 1-15 novembre 1964 », Messager de l’Exarchat, n°51 (1965), p. 137-161; IDEM, « Conférence Panorthodoxe à Chambésy près de Genève, 8-15 juin 1968 », Messager de l’Exarchat, n°64 (1968), p. 183-216.
  15. Voir J. GROOTAERS, « Entretiens œcuméniques avec Mgr Basile. quelques souvenirs personnels », Contacts, revue française de l’orthodoxie, n°215 (2006), p. 325-342
  16. Alexandre MUSIN, « L’Église russe en Belgique et son évêque. La signification de l’œuvre de l’archevêque Basile Krivochéine (1900-1985) de Belgique pour le dialogue européen aujourd’hui », Irénikon, revue des moines de Chevetogne, n°2-3 (2003), p. 220.
  17. Alexandre MUSIN, ibid., p. 226-227.
  18. Voir Père Nicolas LOSSKY, « Mgr Basile et le Messager de l’Exarchat », Messager de l’Église orthodoxe russe, op. cit., p. 20-22.
  19. Voir ARCHEVEQUE BASILE (KRIVOCHEINE), Dans la lumière du Christ , op. cit., p. 9.
  20. ARCHEVÊQUE BASILE (KRIVOCHÉINE), ibid., p. 7.

KRIVOCHEINE, Vsévolod (en religion Basile), ecclésiastique orthodoxe russe, écrivain et théologien, figure du mouvement « œcuménique », évêque en Belgique, né à Saint-Pétersbourg le 30 juillet 1900, y décédé le 22 septembre 1985.

Reconnue par l’État belge comme culte officiel en 1985, l’Église orthodoxe est présente sur notre territoire depuis 1862, date de l’ouverture d’une première chapelle près l’ambassade de Russie à Bruxelles. Depuis lors, diverses personnalités ont marqué l’histoire de ce culte dans notre pays, au premier plan desquelles Mgr Basile Krivochéine.

Issu d’une famille éminente de la Russie impériale (son père fut ministre de Nicolas II puis Premier ministre du gouvernement « blanc » du général Wrangel en Crimée), Vsévolod Krivochéine entama des études de philologie et d’histoire aux facultés de sa ville natale puis de Moscou. La révolution d’octobre 1917 l’amena à s’engager en 1919 dans les armées « blanches » (il publiera plus tard ses souvenirs sur le sujet), avec lesquelles il fut évacué en 1920 vers la France, où il acheva une licence de lettres à la Sorbonne et s’inscrivit à l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge de Paris. En 1925, cependant, il décida de devenir moine au Mont Athos, « république monastique » du nord de la Grèce et haut-lieu de la spiritualité orthodoxe depuis un millénaire.

Ayant prononcé ses vœux — sous le nom de Basile — au monastère de Saint-Panteleïmon (le monastère russe du Mont Athos), il y demeurera 22 ans, dans l’ascèse, la prière et le travail, notamment administratif. il occupera ainsi les fonctions de secrétaire et de membre du conseil de son monastère, qu’il représentera également auprès du « gouvernement » du Mont Athos. Mais il se consacra surtout à la théologie orthodoxe, en particulier la patrologie. dès 1936, il publiera (à Prague) une étude sur La doctrine ascétique et théologique de saint Grégoire Palamas (moine byzantin du XIVe siècle) qui, traduite en plusieurs langues, impressionnera le monde scientifique européen. On lui devra également, dès cette époque, des recensions d’ouvrages, notamment pour la revue (belge) d’études byzantines Byzantion.

Après la Seconde Guerre mondiale cependant, le contexte politique de la guerre civile grecque obligea de nombreux moines russes à quitter le Mont Athos ; ce sera aussi le sort de Basile Krivochéine en 1947. Invité à participer au Dictionnaire de la langue grecque patristique, édité à Oxford par le professeur Lampe, il s’installa dans cette ville, où il fut ordonné prêtre (dans la juridiction du patriarcat de Moscou) le 22 mai 1951.

L’Église orthodoxe russe s’était en effet scindée, dans l’émigration, en trois groupes ou juridictions indépendantes voire antagonistes. le synode « hors-frontières » (ou « à l’étranger »), attaché à l’héritage de l’ancien régime, l’archevêché d’Europe occidentale, rapidement affilié au patriarcat de Constantinople, et les communautés du patriarcat de Moscou, alors sous contrôle du pouvoir soviétique. C’est à cette dernière obédience que s’était néanmoins rattaché le père Basile, par désir de communion avec l’Eglise-mère et de lien direct avec la Russie et son peuple.

A Oxford, le père Basile Krivochéine poursuivit ses travaux sur la spiritualité, la patrologie ou la liturgie orthodoxes, publiant dans des revues comme les Orientalia Christiana Periodica (Rome), le Messager de l’Exarchat du Patriarche russe en Europe occidentale (Paris), The Christian East (Londres), Grigorios Palamas (Thessalonique) ou les Ostkirchliche Studien (Würzburg), participant aux congrès internationaux de patrologie (Oxford 1951, 1955, 1959), de byzantinologie (Thessalonique 1953, Munich 1958) et au dialogue théologique avec les Anglicans. L’œuvre majeure de son séjour en Grande-Bretagne fut cependant son édition critique des écrits de saint Syméon le Nouveau Théologien, mystique byzantin du XIe siècle. Ce travail sera édité (en 3 volumes) en 1963-65 dans la collection patristique française Sources Chrétiennes. Il devait le parachever en publiant, en 1980, une brillante biographie de saint Syméon (Dans la lumière du Christ. St Syméon le Nouveau théologien. Vie, doctrine, écrits, éditions du monastère de Chevetogne).

Remarqué par les autorités de son Église, le père Basile fut bientôt appelé à l’épiscopat. Sacré évêque le 14 juin 1959, il fut nommé en 1960 à Bruxelles, à la tête du petit diocèse du patriarcat de Moscou en Belgique. Issu de la première chapelle orthodoxe dans le pays, ce diocèse réunissait les paroisses créées dans différentes villes de Belgique par les émigrés russes arrivés après la révolution de 1917. Un premier évêque s’était installé à Bruxelles en 1929, et le diocèse avait été reconnu comme établissement d’utilité publique par arrêté royal en 1937.

Dès sa nomination à Bruxelles, Mgr Basile (élevé au rang d’archevêque le 21 juillet 1960) prit une part active au développement de l’Eglise orthodoxe en Belgique, contribuant à transformer cette « communauté d’émigrés » en Eglise « locale », qui sera reconnue comme culte officiel par la loi du 15 avril 1985. La création, sous l’égide de l’archevêque russe (naturalisé belge en 1978) des premières paroisses orthodoxes dans nos langues nationales, sa participation aux congrès « inter-orthodoxes » sur notre territoire (Bruges-Male 1972; Natoye 1977; Gand 1983) et surtout sa présentation, à travers d’innombrables conférences ou articles — non seulement dans des revues spécialisées comme le Journal du Patriarcat de Moscou (Moscou), Irénikon (Chevetogne), Studia Patristica (Berlin) ou le St Vladimir’s Theological Quarterly (New York), mais aussi dans La Libre Belgique ou le mensuel catholique flamand De Maand — de divers aspects du christianisme orthodoxe à des publics variés, intéressés par l’œcuménisme dans le sillage du concile Vatican II, n’y seront pas étrangères.

Ferme dans la foi orthodoxe, mais ouvert à l’Occident chrétien, Mgr Basile s’était en effet, très tôt, impliqué dans le mouvement œcuménique, tant au niveau local (membre du Comité national belge pour l’œcuménisme, cofondateur du Comité interecclésial de Bruxelles, participant de la semaine annuelle de prière pour l’unité des chrétiens, ami personnel du cardinal Suenens ou de Jean Daniélou) qu’international (participant à la commission Foi et Constitution du Conseil Œcuménique des Églises — COE — à Montréal en 1963 et à l’assemblée mondiale du COE à Uppsala en 1968, membre des commissions de dialogue théologique avec les Anglicans ou les Vieux-Catholiques, représentant de son Eglise lors des visites du pape Jean-Paul II à Paris en 1980 et Malines en 1985).

Reconnu internationalement comme un théologien de haut niveau (un doctorat en théologie lui avait été attribué en 1964, pour l’ensemble de ses travaux, par l’école de théologie de sa ville natale), l’archevêque Basile représenta également son Église lors des réunions pan-orthodoxes (comme les conférences « pré-conciliaires » de Rhodes 1961, 1963 et 1964 et Chambésy-Genève 1968, dont il rédigera des comptes-rendus détaillés pour diverses revues), et prit part aux assemblées de l’épiscopat russe, comme le concile de Moscou de 1971 qui élut le patriarche Pimène (Izvekov, décdé en 1990).

Érudit de renom, membre de nombreuses sociétés savantes (dont la « Société belge d’études byzantines »), rédacteur en chef de la revue du patriarcat de Moscou en Europe occidentale, intervenant régulier des colloques œcuméniques du monastère de Chevetogne ou des « semaines liturgiques » de l’Institut Saint-Serge de Paris, Mgr Basile était également un homme engagé dans la défense des droits de l’homme. Observateur attentif de la vie religieuse dans son pays d’origine, il élèvera régulièrement la voix pour défendre les croyants persécutés par le régime soviétique (notamment l’écrivain Soljénitsyne en 1974 ou les prêtres Dimitri Doudko et Gleb Yakounine en 1980).

Il décéda le 22 septembre 1985, durant un voyage en Russie, et fut enterré dans sa ville natale. En Belgique et en Europe, des cérémonies et différentes publications saluent sa mémoire.


Son Excellence Monseigneur Basile, Archevêque de Bruxelles et de Belgique. note biographique à l’occasion de son 80e anniversaire, dans Messager de l’Exarchat du Patriarche russe en Europe occidentale, n°105-108, Paris, décembre 1980-janvier 1981, p. 3. — B. Bobrinskoy, In memoriam Archevêque Basile de Bruxelles, dans Le Messager orthodoxe, revue de pensée et d’action orthodoxe, n°100, Paris, 1985, p. 88-89. — Fabien Deleclos, Rencontre avec l’archevêque russe Basile Krivochéine, dans La Libre Belgique, 26-27 février 1980, p. 28. — B. Krivochéine, Vospominanija. Pis’ma. [Mémoires. Correspondance], Nijni-Novgorod, éd. de la Fraternité St Alexandre Nevski, 1998. — Tserkov’ Vladyki Vassilja [L’Eglise de Mgr Basile], Nijni-Novgorod, éd. de la Fraternité de St Alexandre Nevski, 2004. — N. Krivochéïne, Les quatre tiers d’une vie, Paris, Albin Michel, 1987. — N. Lossky, Son Eminence Monseigneur Basile, archevêque de Bruxelles et de Belgique. in memoriam, dans Messager de l’Exarchat du Patriarche russe en Europe occidentale, n°115, Paris, 1987, p. 43-44. — S. Model, Histoire de l’Archevêché orthodoxe russe de Bruxelles et de Belgique, Bruxelles, éd. de la Paroisse orthodoxe de la Protection de la Ste Vierge, 1996. — S. Model, L’Église orthodoxe en Belgique. hier, aujourd’hui, demain, dans Le Messager orthodoxe, revue de pensée et d’action orthodoxe, n°138-I, Paris, 2003, p. 68-83 — S. Model, Un évêque russe en Belgique. Mgr Basile Krivochéine (1900-1985), dans Bulletin de la Fondation pour la préservation du patrimoine russe dans l’Union européenne, n°2, Bruxelles, novembre 2005. — S. Model, L’Église orthodoxe en Belgique et au Luxembourg, dans C. Chaillot (dir.), Histoire de l’Église orthodoxe en Europe occidentale au 20e siècle, Paris, éd. Dialogue entre orthodoxes, 2005. — S. Model, Les églises orthodoxes russes en Belgique, dans W. Coudenys (éd.), « Culturen in contact. Russen in België » (23 november 2005), Contactforum, éd. Koninklijke Vlaamse Academie van België voor Wetenschappen en Kunsten, Bruxelles, 2006, p. 59-73. — A. Musin, L’Église russe en Belgique et son évêque. la signification de l’œuvre de l’archevêque Basile Krivochéine (1900-1985) de Belgique pour le dialogue européen aujourd’hui, dans Irénikon, revue des moines de Chevetogne, vol. 76, n°2-3, Chevetogne, 2003, p. 218-239. — E. Voordeckers, In memoriam Basile Krivochéine (1900-1985), dans Byzantion, Revue internationale des études byzantines, t. LVI, Bruxelles, 1986, pp. 5-15. — In memoriam Mgr Basile Krivochéine (1900-1985), dans Contacts, revue française de l’Orthodoxie, n°215, Paris, juillet-septembre 2006, p. 279-374 — Un évêque-théologien, Mgr Basile Krivochéine, dans Messager de l’Eglise orthodoxe russe, n°15, mai-juin 2009, p. 6-32.

Contrairement à d’autres périodes de sa vie, au sujet desquelles il a rédigé des « mémoires», l’archevêque Basile (Krivochéine) n’a pas laissé de souvenirs sur les vingt-deux années qu’il a passées au Mont Athos. Or, cette partie de sa vie est sans conteste l’une des plus importantes dans la formation de sa personnalité ; c’est l’Athos qui a fait de Mgr Basile ce qu’il sera toujours fondamentalement (avant même le hiérarque ou le théologien). un humble moine, menant une vie simple et discrète, alliée à une grande liberté de pensée et de parole. Il s’impose donc de tenter de reconstituer le fil de celle-ci, sur base notamment de sa correspondance et d’autres documents dont nous disposons.

Rien ne prédestinait particulièrement Vsévolod Alexandrovitch Krivochéine, quatrième fils d’un ministre du tsar, à servir l’Église. Né en 1900 à Saint-Pétersbourg (1), le jeune étudiant en histoire n’était pas particulièrement religieux quand il s’engagea dans les armées blanches en 1919. Les malheurs de la révolution et de la guerre civile, ainsi que le sentiment très vif d’avoir été, à plusieurs reprises, sauvé par Dieu d’une mort certaine, laissèrent cependant une trace ineffaçable dans son âme. Ayant eu les mains et un pied gelés, il fut évacué en 1920 vers la France où il acheva ses études, commencées aux facultés de sa ville natale et de Moscou, par une licence ès Lettres à la Sorbonne.

En  1924-25, V. Krivochéine prend part aux activités du mouvement de jeunesse orthodoxe russe en France (l’ACER — Action Chrétienne des Étudiants Russes), où il rencontre N. Berdiaev, B. Vycheslavtsev, le père Serge Boulgakov. C’est alors que naît son attirance pour les Pères de l’Église (il s’intéressait à Byzance depuis ses études), tandis que Mgr Benjamin (Fedtchenkov), futur inspecteur de l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge à Paris, lui insuffle son amour de la célébration liturgique. Comme Mgr Basile l’expliquera plus tard, ses centres d’intérêt évoluent alors, passant (chronologiquement) de l’histoire à la philosophie, puis à la théologie (2). Il s’inscrit parmi les premiers à l’Institut de théologie orthodoxe qui ouvre ses portes à Paris en avril 1925, et en suit les cours pendant six mois.

Moine du Mont Athos

En septembre 1925, V. Krivochéine participe au congrès de l’ACER au monastère de Hopovo en Serbie (où il fait la connaissance du métropolite Antoine [Khrapovitsky]) et d’où, avec son condisciple Serge Sakharov (le futur archimandrite Sophrony), il se rend en pèlerinage au Mont Athos, qui l’attirait en tant que lieu d’incarnation d’une spiritualité orthodoxe authentique. Étant parvenus — au prix de grandes difficultés (3) — à entrer sur la Sainte Montagne, les deux jeunes gens arrivent au monastère russe de Saint-Pantéléimon, le 2 octobre (19 septembre (4)) 1925. Conquis par l’Athos, ils sont admis au noviciat le 4 décembre (21 novembre, jour de la fête de la Présentation de la sainte Vierge au Temple). Le 6 avril (24 mars, veille de l’Annonciation) 1926, Vsévolod est tonsuré (rassophore) sous le nom de Valentin et, le 18 (5) mars 1927, fait sa profession définitive (mandyas) sous le nom de Basile. Pour les besoins de la communauté, l’higoumène lui demande alors — ainsi qu’au père Sophrony — d’apprendre le grec (ancien et moderne). Ils l’étudieront d’abord au monastère puis à Karyès (la capitale administrative du Mont Athos).

Après deux ans d’études et de séjour à Karyès (1927-29), ils reviennent au monastère, dont le moine Basile est nommé secrétaire (grammatikos), en charge de la correspondance avec les organes administratifs du Mont Athos, le patriarcat œcuménique et les autorités civiles grecques. Comme il est l’un des rares moines à connaître les principales langues européennes (5), on lui confie aussi l’accompagnement des pèlerins et visiteurs de passage au Mont Athos, parmi lesquels des érudits, byzantinistes intéressés par les manuscrits anciens, ou des religieux catholiques étudiant la vie monastique orthodoxe.

L’épisode suivant s’est conservé. en 1932, un théologien catholique interroge le père Basile. « Quels livres lisent vos moines ? » — « Jean Climaque, Abba Dorothée, Théodore Studite, Jean Cassien, Ephrem le Syrien, Barsanuphe et Jean le Prophète, Macaire d’Egypte, Isaac le Syrien, Syméon le Nouveau Théologien, Nicétas Stétathos, Grégoire le Sinaïte, Grégoire Palamas, Maxime le Confesseur, Hésychius, Diadoque, Nil, et les autres Pères contenus dans la Philocalie», s’entend-il répondre. « Chez nous, ce sont les professeurs qui les lisent», s’étonne-t-il. — « Ils lisent aussi des auteurs plus récents, comme les évêques Ignace Briantchaninov et Théophane le reclus, saint Nil de la Sora, Païssy Velitchkovsky, Jean de Cronstadt et d’autres » ajoute le P. Basile, qui rapporte ensuite cette conversation au starets Silouane (Antonov). « Vous auriez pu lui dire que si ces livres venaient à disparaître, les moines en écriraient de nouveaux » (6) observe saint Silouane l’Athonite.

Au sujet de la vie monastique proprement dite, le P. Basile écrira. « Ce n’est pas tant les obligations extérieures (jeûne, longs offices, etc.) qui [en] constituent les principales difficultés, que le combat spirituel intérieur, la capacité de retirer un profit spirituel et de maintenir l’ «appel divin» au quotidien […]. Tout cela se ramène à l’ «acquisition du Saint-Esprit», dans laquelle saint Séraphim de Sarov et saint Syméon le Nouveau Théologien voient le but de la vie spirituelle et même la condition de notre salut. Je ne puis dire que j’aie atteint quoi que ce soit dans ce domaine. mon caractère n’a guère changé par rapport à ce qu’il était dans le monde. Je lis sur la vie spirituelle plus que je ne la pratique (en général, je lis énormément, parfois au détriment de la prière). Heureusement, au monastère, il y a des startsy profondément spirituels […], dont nous pouvons beaucoup apprendre. » (7)

De 1937 à 1942, le père Basile, devenu membre du conseil de son monastère, est envoyé presque chaque année à la Double Sainte-Synaxe («assemblée»), où sont discutées les questions intéressant l’ensemble de la communauté monastique. En 1942, il est nommé représentant permanent (antiprosope) de son monastère à la Sainte-Communauté («parlement» athonite). En 1944-45, il est également membre de la Sainte-Epistasie («exécutif» du Mont Athos) (8).

À côté de ces obédiences administratives, le moine Basile commence aussi à étudier les œuvres des Pères de l’Église. La bibliothèque du monastère (l’une des plus riches de l’Athos) et la réserve précieuse de manuscrits anciens sont ses sources d’inspiration. Éditée à Prague en 1937, son étude systématique — une première ! — sur la théologie de saint Grégoire Palamas (9) devient un classique en la matière. Plus tard, ses recherches sur Syméon le Nouveau Théologien et d’autres Pères de l’Église feront de lui l’une des figures majeures de l’école «néo-patristique» en théologie.

Durant la période où le moine Basile y séjourna, le monastère de Saint-Pantéléimon comptait un certain nombre de grands spirituels. Outre les higoumènes du monastère Missaël (Sopeguine) puis Iliane (Sorokine, père spirituel du P. Basile) et les archimandrites Cyrique (confesseur de la communauté) et Théodose (ermite de Karoulia), sont connus les noms des pères Benjamin (ermite de Kapsokalyvia), Diadoque, Trophime et Silouane. Malgré cela, le monastère traversait une période de crise en raison du vieillissement et de la réduction drastique du nombre de moines (due à la guerre et à la révolution bolchevique, puis à l’interdiction, par les autorités grecques, de l’entrée de nouveaux moines russes au Mont Athos). de 550 moines en 1925 (ils étaient 2000 avant 1914), on en était passé à 380 en 1932 et à 180 — très âgés pour la plupart — en 1947 (10). En sa qualité de secrétaire du monastère et de représentant à l’Assemblée, le moine Basile tenta de s’opposer à ces mesures, ce qui provoqua le mécontentement des personnes hostiles au monachisme russe sur la Sainte Montagne. En septembre 1947, sous des accusations fallacieuses de pro-soviétisme (dans le contexte de la guerre civile grecque), le moine Basile dut quitter le Mont Athos (11). Il fut même emprisonné un temps par les autorités grecques (12), avant d’être libéré et de se retrouver à Athènes en mai 1950, puis de partir pour Oxford en février 1951. Là, il sera ordonné prêtre, et, plus tard, évêque, sans jamais cesser de se sentir, avant tout, moine athonite.

L’Athos après l’Athos

Même après son départ forcé du Mont Athos, Mgr Basile ne cessa, en effet, de se préoccuper du sort de la Sainte Montagne, particulièrement du monastère de Saint-Pantéléimon, dont il se considérera membre toute sa vie. Où qu’il réside (à Oxford, Paris, puis Bruxelles), son mode de vie restera toujours empreint de simplicité monastique ; les sujets d’étude théologiques qu’il choisira, de même que sa manière humble d’aborder les Pères, seront généralement marqués du sceau de son «athonicité» ; mais surtout, il continuera de s’intéresser à la situation contemporaine de l’Athos, entretenant une correspondance assidue avec les moines, recevant les pèlerins et lisant tout ce qui concernait de près ou de loin les questions athonites. Il s’efforcera aussi de venir en aide aux monastères, de toutes les manières possibles (13).

Chaque fois qu’il en aura l’occasion, il tentera ainsi d’attirer l’attention des plus hauts responsables ecclésiastiques (comme les métropolites Nicolas [Iarouchevitch] et Nicodème [Rotov] (14), présidents successifs du Département des relations extérieures du patriarcat de Moscou) sur la situation du monachisme athonite et la nécessité de soutenir celui-ci. Et si c’est au métropolite Nicodème que l’on doit la régénération du monastère de Saint-Pantéléimon par l’envoi de nouveaux moines russes (15), il n’en aurait sans doute pas été question sans les interventions, insistantes et répétées, de Mgr Basile.

Bien qu’il ait pris part, en novembre 1959 à Thessalonique, aux célébrations du 600e anniversaire du décès de saint Grégoire Palamas, et à celles du Millénaire du Mont Athos, à Venise en septembre 1963, ce n’est qu’en août 1976 que Mgr Basile put enfin se rendre à nouveau sur la Sainte Montagne (il y retournera ensuite en avril-mai 1977 et en août 1979 (16)). Et c’est les larmes aux yeux qu’il pénétra — au son de toutes les cloches monastiques, comme il est de mise pour les évêques — dans l’enceinte du monastère qu’il avait du quitter de force 29 ans auparavant. Comme le racontera un hiéromoine du monastère. « J’avais de nombreuses occupations ; du matin au soir, je devais me déplacer, m’affairer. Mais Mgr Basile me suivait des jours entiers, et me demandait régulièrement. «confesse-moi encore ! Confesse-moi encore !» » (17) Sans doute, le fait de se retrouver à l’Athos inspirait-il à Mgr Basile le désir de se purifier de tout ce qu’il avait vécu depuis son départ de celui-ci. Au soir de sa vie, devenu lui-même un confesseur apprécié, il s’efforcera de transmettre, discrètement et souvent sans y paraître, un peu de cette expérience athonite à ceux qui venaient le voir.

Un « pauvre, rempli d’amour fraternel »

En effet, bien qu’il fût un théologien renommé et un orateur écouté, Mgr Basile restera un homme profondément pudique, qui n’étalait pas ses propres qualités spirituelles et préservait soigneusement son monde intérieur, centré sur la recherche de la « lumière du Christ ». Aimant profondément l’Église, il s’efforçait de corriger ce qui, dans la vie de celle-ci, lui semblait erroné, constituait un mensonge ou un compromis qui lui paraissait inadmissible. Lui-même s’appliquait à toujours dire la vérité, sans jamais juger personne, comme il convient à un moine authentique.

Un jour, une parente de Mgr Basile lui demanda en quoi consistait la paternité spirituelle dans la tradition athonite. Sa réponse fut la suivante. « Durant les deux premières années de ma vie monastique, j’ai eu un père spirituel. le père Cyrique, chez qui je me confessais chaque jour, mais qui fut ensuite envoyé en Tchécoslovaquie. À l’époque, il y avait une vraie vie spirituelle. Mais en général, les moines de l’Athos sont assez discrets. Comme il est dit dans la vie de sainte Marie l’Egyptienne que Dieu était le seul témoin de son exploit spirituel, ainsi en est-il à l’Athos. chacun vit sa propre vie spirituelle. » Et à la question. « Pourquoi une personnalité comme saint Silouane l’Athonite ne fut pas plus remarquée par les moines qui vivaient à côté de lui ? », il répondit. « Il faisait ce qu’il avait à faire et se taisait. Personne à l’Athos ne partage vraiment son monde intérieur. » (18)

Dans un hommage à Mgr Basile, le professeur Voordeckers, de la Société belge d’Études byzantines, a écrit. « à maints endroits de son livre final [la biographie de St Syméon le Nouveau Théologien, NdR], on reconnaît sous les traits de Syméon ceux de l’auteur lui-même, demeuré pendant toute sa vie «le pauvre, rempli d’amour fraternel». » (19) Cette caractéristique semble parfaitement lui convenir.


  1. Pour une biographie plus étendue de Mgr Basile, voir père Serge Model, « L’Archevêque Basile (Krivochéine) de Bruxelles et de Belgique. esquisse biographique », Contacts, revue française de l’orthodoxie, n°215, Paris, 2006, pp. 283-300.
  2. Lettre à son frère Igor, 25 décembre 1956, dans A. Musin (red.), Tserkov’ Vladyki Vassilija (Krivocheina) [L’Église de Monseigneur Basile (Krivochéine)], Nijni-Novgorod, éd. Fraternité St Alexandre Nevski, 2004, pp. 51-52.
  3. La Grèce n’autorisant plus, après la révolution bolchevique de 1917, les Russes à accéder au Mont Athos, seule une inattention providentielle du policier contrôlant les entrées permit à V. Krivochéine et S. Sakharov de parvenir au monastère de Saint-Pantéléimon. Voir père Placide Deseille, » L’archimandrite Sophrony et le Mont Athos«, Contacts, revue française de l’orthodoxie, n°209, Paris, 2005, p. 32.
  4. Les dates entre parenthèses sont données en calendrier julien, en vigueur dans l’Église russe et au Mont Athos.
  5. Outre le russe et désormais le grec, il parlait couramment le français, l’anglais et l’allemand.
  6. Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du Mont Athos, éd. Présence, 1973, p. 70.
  7. Lettre à sa mère, 30 janvier 1932, dans archevêque Basile (Krivochéine), Vospominaniya. Pis’ma [Mémoires. Correspondance], Nijni-Novgorod, éd. Fraternité St Alexandre Nevski, 1998, p. 498.
  8. À cette époque, le moine Basile réalisera également des photographies à Karyès, qui constituent aujourd’hui une chronique rare de la vie monastique sous l’occupation allemande.
  9. Moine Basile (Krivochéine), » L’enseignement ascétique et théologique de Grégoire Palamas«, tr. fr.: Messager de l’Exarchat du Patriarche russe en Europe occidentale, n°115, Paris, 1987, pp. 45-87.
  10. Et la réduction allait se poursuivre. en 1956, il ne restera plus que 75 moines, 35 en 1961 et 20 en 1965. Si, à partir de la deuxième moitié des années 1960, l’on n’avait pas autorisé l’arrivée de quelques nouveaux moines, le monachisme russe se serait complètement éteint au Mont Athos.
  11. La raison invoquée pour son expulsion fut l’absence de permis officiel d’entrée au Mont Athos (voir note 4), dont les autorités se sont opportunément rendu compte après … vingt-deux ans.
  12. Dans un camp d’internement sur l’île de Makronissos en mer Egée.
  13. Voir archevêque Basile, « Iz perepiski s Afonom » [Correspondance avec le Mont Athos], Tserkov’ i Vremja, n° 40, 41 et 43, Moscou, 2007-2008.
  14. Voir Le Messager de l’Église orthodoxe russe, n°11, septembre-octobre 2008.
  15. Voir métropolite Juvénal, « L’Église orthodoxe russe et le Mont Athos au XXe siècle», Le Messager de l’Église orthodoxe russe, n°1, janvier-février 2007, pp. 19-21 et archevêque Basile, « L’héritage de Mgr Nicodème pour le Mont Athos et l’orthodoxie en Amérique», Le Messager de l’Église orthodoxe russe, n°11, septembre-octobre 2008, pp. 16-19.
  16. Voir Journal du patriarcat de Moscou, n°12, décembre 1979, p. 11.
  17. Tserkov’ Vladyki Vassilija, pp. 416 et 464.
  18. Tserkov’ Vladyki Vassilija, p. 417. Pour cette raison, Mgr Basile se montrera réservé à l’égard de certains écrits du P. Sophrony.
  19. Byzantion. Revue internationale des Études byzantines, t. LVI, 1986, p. 11.

Communication présentée le 4 novembre 2005 à Bruxelles, en ouverture de la journée commémorative sur Mgr Basile.

Il s’imposait, au début de cette après-midi consacrée à la mémoire de Mgr Basile (Krivochéïne), de rappeler quelques jalons du parcours biographique de l’archevêque orthodoxe russe de Bruxelles et de Belgique, d’éternelle mémoire. Il ne s’agira évidemment pas, ici, d’analyser dans le détail, mais d’évoquer à grands traits la vie et l’oeuvre de cette figure considérable. Les exposés suivants donneront, à travers différents aspects (la théologie de Mgr Basile, ses relations œcuméniques ou sa vie avec ses proches), une image plus complète de cette éminente personnalité de l’Eglise orthodoxe au XXe siècle.

Monseigneur Basile (de son nom civil Vsévolod Alexandrovitch) Krivochéïne naquit le 30(1) juillet 1900 à Saint-Pétersbourg. Fils du ministre Alexandre Vassilievitch Krivochéïne(2), il étudia aux facultés de sa ville natale et de Moscou(3). Après avoir sympathisé avec la révolution de février 1917(4), il s’engagea dans les armées «blanches» en 1919(5), mais eut les mains et un pied gelés, et fut évacué en 1920 vers la France où il acheva ses études par une licence ès Lettres à la Sorbonne, tout en participant aux activités des mouvements de jeunesse russes. En 1925, cependant, au cours d’un pèlerinage au Mont Athos, il décida, en compagnie de Serge Sakharov — le futur père Sophrony — d’embrasser la vie monastique.

Ayant prononcé ses vœux(6) — sous le nom de Basile — au monastère russe de Saint-Pantéléimon, il va s’y imprégner de la spiritualité athonite, sous la direction des grands maîtres de l’époque(7). Polyglotte, érudit, il sera rapidement chargé de responsabilités administratives au sein de la communauté. secrétaire, puis membre du conseil de son monastère, il le représentera en  1942–1945 au « Parlement », et en  1944–1945 au « Gouvernement » du Mont Athos(8). Mais il se consacra également à l’étude de la théologie orthodoxe, et en particulier de la patristique (dès 1936, il publiera sur saint Grégoire Palamas une étude qui deviendra un « classique » en la matière)(9).

Après la Seconde guerre mondiale cependant, le contexte politique de la guerre civile grecque obligea de nombreux moines russes à quitter le Mont Athos(10). Ce sera aussi, en 1947, le sort du père Basile, après 22 ans passés sur la « Sainte Montagne ».

Invité à participer à la rédaction du « Dictionnaire de la langue grecque patristique » édité par l’Université d’Oxford(11), le père Basile s’installa dans cette ville, où il fut ordonné prêtre (dans la juridiction du patriarcat de Moscou) le 22 mai 1951(12).

L’Eglise orthodoxe russe s’était en effet scindée, dans l’émigration, en trois groupes (« juridictions ») indépendants voire antagonistes(13): celui du Synode hors-frontières, attaché avec un traditionalisme extrême à l’héritage politique, culturel et spirituel de l’ancien régime ; celui de l’Archevêché d’Europe occidentale, politiquement neutre et théologiquement très fécond, qui avait intégré l’obédience du patriarcat de Constantinople ; et celui du patriarcat de Moscou, à l’époque largement contrôlé par le pouvoir soviétique. C’est à ce dernier que s’était néanmoins rattaché le père Basile, par désir de communion avec l’Eglise-mère et de lien direct avec la Russie et son peuple.

A Oxford, le hiéromoine Basile continua ses travaux, publiant des articles dans des revues scientifiques britanniques, françaises, allemandes, italiennes ou grecques, participant à des congrès internationaux de patristique, byzantinologie et théologie dogmatique(14). L’œuvre majeure de son séjour en Grande-Bretagne fut cependant son édition critique des écrits de saint Syméon le Nouveau Théologien, mystique byzantin du XIe siècle. Ce travail, qui lui prit plusieurs années, sera édité en  1963-65 dans la fameuse collection patristique "Sources Chrétiennes"(15). Il devait le parachever en publiant, en 1980, une brillante biographie de saint Syméon(16).

Elevé au rang d’archimandrite en 1957(17), Mgr Basile fut bientôt appelé, par son Eglise, à l’épiscopat. Elu évêque titulaire de Volokolamsk le 26 mai 1958(18), il fut sacré à Londres le 14 juin 1959, et nommé auxiliaire de l’exarque patriarcal d’Europe occidentale (avec Paris pour lieu de résidence)(19). Dans son discours d’intronisation, le nouvel évêque déclarait:

Je suis heureux d’appartenir à l’Eglise orthodoxe russe, au patriarcat de Moscou, à l’Eglise des confesseurs de la foi chrétienne qui élève dans les ténèbres de ce monde le flambeau lumineux de la sainte Orthodoxie. […] Je crois aussi que c’est par la Providence divine et non accidentellement que nous nous sommes trouvés en Europe occidentale, nous y avons tous la tâche de témoigner devant les peuples d’Occident de la vérité de la foi orthodoxe, de la propager dans les milieux hétérodoxes, de collaborer à la fondation et à l’affermissement de l’Orthodoxie occidentale dans le but final de l’union de toute la chrétienté dans l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique.(20)

Témoigner à la fois de la culture russe et de l’Orthodoxie universelle seront ainsi ses soucis permanents.

L’évêque Basile ne séjourna cependant que peu à Paris. En 1960, en effet, il fut désigné pour remplacer l’évêque diocésain du patriarcat de Moscou en Belgique, Mgr Alexandre Némolovsky(21), qui venait de décéder(22). Nommé à Bruxelles le 31 mai 1960(23), Mgr Basile arriva dans la capitale belge le 12 juillet de la même année. Peu après, il effectua un voyage en Russie où, le 21 juillet 1960, il était élevé au rang d’archevêque(24).

Le diocèse du patriarcat de Moscou en Belgique était issu de la plus ancienne église orthodoxe dans le pays, celle de Saint-Nicolas, établie à Bruxelles en 1862(25). A l’installation, en 1929, du premier évêque orthodoxe en Belgique, l’église de St.-Nicolas était devenue " église-cathédrale«, et Bruxelles, » siège épiscopal " orthodoxe(26). L’Etat belge confirma la situation: un arrêté royal (décret) de 1937 reconnut au diocèse le statut d’" établissement d’utilité publique«, et à son supérieur le titre d’» archevêque orthodoxe russe de Bruxelles et de Belgique «(27).

Avec la nomination de Mgr Basile à Bruxelles, le siège épiscopal orthodoxe belge acquit une importance considérable. En effet, comme l’écrivait le Messager de l’Exarchat du Patriarche russe en Europe occidentale.

Le nouvel évêque occupe dans la hiérarchie russe une place à part. Renommé pour ses connaissances patristiques, il connaît également exceptionnellement bien l’Orient hellénique. […] Il est personnellement connu de plusieurs hiérarques dont le patriarche œcuménique Athénagoras et le patriarche Christophore d’Alexandrie. […] L’Eglise russe a ainsi un nouvel hiérarque théologien.(28)

Et c’est bien ainsi que, dès sa nomination, fut défini le rôle de l’archevêque Basile. le » hiérarque-théologien " représenta le patriarcat de Moscou(29) aux quatre Consultations panorthodoxes (Rhodes 1961(30), 1963(31) et 1964(32), Chambésy 1968(33)) ; il participa au dialogue théologique avec les Anglicans (Belgrade, 1966, …)(34), les Vieux-Catholiques (Vienne 1965)(35), aux travaux du Conseil Œcuménique des Eglises (Montréal 1963, Uppsala 1968), et prit également part au 25e anniversaire de la Communauté monastique de Taizé (28-29 août 1965)(36). Il collabora aussi aux colloques théologiques annuels du monastère catholique de Chevetogne, et aux " semaines liturgiques " de l’Institut de théologie orthodoxe Saint-Serge de Paris. Bien évidemment, Mgr Basile participa également à diverses réunions, en Russie, des évêques du patriarcat de Moscou(37). Lors de l’une d’elles, le titre de Docteur en théologie lui fut, le 14 octobre 1964, solennellement remis par l’Académie théologique de sa ville natale(38).

Homme d’une haute culture, l’archevêque Basile était, selon ses contemporains, " d’une fidélité peu commune à la foi orthodoxe " et en même temps d’une grande ouverture. il était

l’un des rares qui ait compris que le service de l’Eglise demeure en toute circonstance historique, sans jamais s’identifier à aucune d’elles, sans jamais s’installer dans une situation donnée(39).

C’est ainsi qu’il sera à l’origine des communautés orthodoxes en langues locales (français et néerlandais) en Belgique(40). En effet, alors que les premiers émigrés s’étaient efforcés de préserver leur identité linguistique et culturelle, pour les nouvelles générations, les enfants de couples mixtes ou les Occidentaux devenus orthodoxes, les langues vernaculaires devenaient nécessaires pour exprimer leur foi(41). Le 19 mai 1963, Mgr Basile inaugura donc une première chapelle orthodoxe francophone à Bruxelles(42). Dans les années 1960-1970, d’autres communautés " occidentales " allaient surgir en Belgique, dont un petit monastère (néerlandophone) qui s’installera à la côte belge(43).

Un autre événement de ces années 1960 fut, la nomination, pour les Pays-Bas, d’un évêque vicaire de l’archevêque de Belgique(44). L’introduction des termes " et de Hollande " dans le titre de l’archevêque de Bruxelles fut même proposée, mais on y renonça " pour ne pas enfreindre la loi sur l’Archevêché de Belgique ayant une ancienneté historique «(45). Mgr Basile n’en devenait pas moins le supérieur du diocèse des Pays-Bas, et sa juridiction s’étendait pratiquement à tout le territoire du » Benelux «.

Parmi les responsabilités de l’archevêque de Bruxelles, il faut aussi mentionner les relations » interorthodoxes«, principalement avec la communauté grecque de Belgique (considérablement accrue par l’importante émigration économique des années 1950). Si, dans un premier temps, les Grecs fréquentaient les églises russes du pays(46), ils créèrent bientôt leurs propres paroisses, qui furent réunies en un diocèse en 1969(47). Les relations demeurèrent cependant fraternelles(48).

Un moment important des relations interorthodoxes en Belgique, auquel participa Mgr Basile, fut le congrès des 27-28 et 29 octobre 1972, à l’abbaye Saint-Trond de Male (près de Bruges). Plus de 150 personnes, venues de Belgique et des pays environnants, s’étaient réunies pour ce premier rassemblement interorthodoxe dans nos contrées(49). Un deuxième congrès sera organisé à Natoye en 1977. L’archevêque Basile prendra également part au Ve Congrès orthodoxe en Europe occidentale, qui se tiendra à Gand en 1983.

Les relations œcuméniques n’étaient pas oubliées non plus de l’archevêque. Outre les rencontres théologiques, celles-ci étaient notamment concrétisées par la » semaine de prière pour l’Unité des Chrétiens ". C’est ainsi qu’en 1970, des vêpres orthodoxes furent célébrées en la basilique de Koekelberg (Bruxelles) par Mgr Basile, accompagné de son clergé(50). Cette même année, il prit part à la création du " Comité Interecclésial de Bruxelles«, organe de concertation œcuménique de la capitale belge, réunissant les catholiques, protestants, anglicans et orthodoxes(51). Ferme dans la foi orthodoxe, mais ouvert à l’Occident chrétien, l’archevêque russe avait également noué des liens d’amitié avec les hiérarques catholiques, notamment avec le cardinal Suenens et les nonces apostoliques en Belgique(52). Il avait deux fois participé, en tant que représentant officiel de l’Eglise russe, aux rencontres avec le pape Jean-Paul II (à Paris en 1980 et à Malines 1985)(53). Peu avant cette dernière visite, Mgr Basile avait eu la joie de voir l’Eglise orthodoxe reconnue par l’Etat belge, au même titre que les cultes catholique, protestant, anglican, israélite et musulman(54).

Dans le domaine international, l’archevêque fit également d’importantes rencontres et voyages. en 1977, Mgr Basile (qui avait participé en 1963 à Venise, aux festivités du millénaire du Mont Athos)(55) put se rendre sur la Sainte Montagne et y revoir le monastère russe de Saint-Pantéléimon qu’il avait quitté en 1947(56). Il se rendra de nouveau en Grèce en 1979, en tant que représentant de l’Eglise russe aux commémorations du 1600e anniversaire du décès de saint Basile le Grand(57). Auparavant, en 1966, effectuant un pèlerinage en Terre Sainte à l’invitation du patriarche de Jérusalem, il avait célébré la liturgie eucharistique au Tombeau du Christ et à Gethsémani ainsi qu’un office de » bénédiction des eaux " dans le Jourdain, et s’était également rendu dans le désert de Judée, à Bethléem et à Béthanie(58). Par ailleurs, Mgr Basile visitait volontiers la Russie. après son premier voyage en 1956(59), il s’y rendra en effet près de vingt fois, prenant part aux offices liturgiques, visitant les églises et les monastères, ainsi que les monuments de l’art russe ancien(60). Il appréciait également les contacts avec les croyants de son pays natal, à qui il apparaissait comme un lien entre la Russie du passé et celle du présent, entre les Russes de Russie et ceux de l’émigration(61). Ses origines, de même que ses prises de position en faveur de la liberté, lui assuraient une popularité certaine auprès des opposants russes, pour lesquels il constituait un " exemple «. Son influence était même peut-être plus considérable dans son pays natal que dans l’émigration, dont la majorité — tout en respectant sa personne — se méfiait d’un patriarcat de Moscou » otage du pouvoir soviétique «.

La considération dont Mgr Basile jouissait dans certains milieux n’était, de fait, pas partagée par tous ; alors qu’en Occident, d’aucuns le traitaient de » rouge " en raison de son appartenance au patriarcat de Moscou, en Union soviétique, on se méfiait de ce " dangereux émigré blanc «(62), qui » n’en faisait qu’à sa tête«, en fonction de ce qu’il considérait comme » utile " à l’Eglise russe. C’est ainsi que, lors de la consultation des évêques et du concile local de l’Eglise russe des 28 mai-2 juin 1971(63) (concile qui élit le patriarche Pimène et leva les des anathèmes sur les " Vieux-Croyants "(64)), l’archevêque Basile fut le seul à se déclarer pour des votes secrets, par souhait de légitimité de la procédure(65).

Il y dénonça également le statut des paroisses adopté en 1961(66), qui lui semblait anti-canonique et destructeur pour l’Eglise. Il prendra aussi publiquement position lors de l’expulsion d’URSS, de l’écrivain Soljenitsyne en 1974(67), ou de l’arrestation, en 1980, des prêtres dissidents Dimitri Doudko et Gleb Yakounine, symptomatique, pour lui, de la violation des droits des croyants en URSS.

A l’époque de grandes difficultés de l’Eglise orthodoxe en Union soviétique, ces actes de Mgr Basile démontrent un attachement sincère mais sans compromis à celle-ci. Observateur attentif des relations complexes entre l’Etat athée et l’Eglise, notamment dans le chef de ses plus hauts responsables (comme les métropolites Nicolas Yarouchevitch(68) et Nicodème Rotov(69)), il tentait d’allier une fidélité à l’autorité ecclésiale à une opposition aux pressions du pouvoir soviétique, et n’hésitait pas à s’exprimer ouvertement au nom d’une Eglise alors pratiquement condamnée au silence(70). A ceux qui l’interrogeaient sur ce qui le motivait à rester au sein du patriarcat de Moscou tout en critiquant celui-ci, il répondait que s’il n’était pas possible d’en " justifier " toutes les actions, on pouvait néanmoins " comprendre " et " excuser " une partie d’entre-elles(71). Il maintiendra cette position toute sa vie.

La fin, cependant, approchait. Déjà malade, l’archevêque Basile effectua en septembre 1985 son traditionnel voyage annuel en Russie. Il partit pour Moscou le 7 septembre, en compagnie de son secrétaire, le diacre Michel Gorodetzky(72). Après avoir participé à diverses célébrations dans la capitale russe, et été reçu au patriarcat, Mgr Basile se rendit dans sa ville natale, le 10 septembre. Il y célébra plusieurs offices, rencontra les professeurs et étudiants de l’Académie théologique, et visita Novgorod, l’une des plus anciennes cités de Russie.

Le 15 septembre, dernier jour prévu pour sa visite dans la ville sur la Neva, l’archevêque Basile prit part à la liturgie dominicale en la cathédrale de la Transfiguration, dans une église proche du domicile de sa famille, 85 ans auparavant. Ce fut sa dernière célébration. le jour même, il eut un malaise, et fut transporté à l’hôpital, où il s’éteignit le 22 septembre au matin(73). Les obsèques de Mgr Basile furent célébrées le 24 septembre 1985 à Leningrad. Conformément aux vœux de ses proches, il fut enterré au cimetière de Saint-Séraphin de sa ville natale(74) .

A Bruxelles, la mémoire de l’archevêque Basile fut marquée par une pannychide solennelle, célébrée en l’église-cathédrale St.-Nicolas le neuvième jour de son décès, par le clergé russe, grec et roumain de la capitale, sous la présidence du métropolite Pantéléimon de Belgique (patriarcat de Constantinople)(75). On notait la présence de nombreuses personnalités, civiles et ecclésiastiques(76), conscientes du fait que ce décès privait l’orthodoxie en Europe occidentale d’un " pasteur éclairé «(77), fidèle à son Eglise et à sa terre natale(78).

Dans son testament, Mgr Basile écrivait.

Ma prière instante et vœu épiscopal est que notre Archevêché avec ses paroisses reste toujours inébranlablement fidèle à la stricte Orthodoxie, et rejette tout compromis dogmatique éventuel qui pourrait nuire à l’intégrité de notre foi orthodoxe ;

et aussi.

Je prie le clergé et le peuple de notre Archevêché de rester après mon décès toujours fidèles à notre Mère Eglise orthodoxe russe (Patriarcat de Moscou) et de n’adhérer à aucune autre juridiction ecclésiastique de son propre gré et sans la bénédiction du Patriarcat de Moscou, mais seulement avec son consentement et sa bénédiction en cas d’une éventuelle formation d’une Eglise autonome ou autocéphale orthodoxe en Europe Occidentale ou en Belgique(79).

A l’évidence, l’archevêque considéra toujours le patriarcat de Moscou non comme un organisme asservi au pouvoir soviétique mais comme l’Eglise canonique, héritière de la tradition millénaire de la Russie.

La vie de Mgr Basile Krivochéine, archevêque orthodoxe russe de Bruxelles et de Belgique, fut longue et féconde, mais difficile. L’étudiant patriote, émigré puis moine, était certes devenu un hiérarque renommé, auteur d’une contribution remarquable à la théologie orthodoxe ; il n’en était pas moins considéré comme un » étranger«, à la fois par une partie de l’émigration et par la Russie, à l’époque soviétique(80). Son chemin particulier, fruit d’un choix réfléchi, n’était en effet pas compris par tous. Etonnant » retour aux sources «(81), sa fin dans sa terre natale fut néanmoins perçue par beaucoup comme une » bénédiction " divine(82) particulière de celui qui, bien qu’exilé, avait voué son existence au service de la Russie et de l’Eglise orthodoxe(83).


Notes

  1. Le 17 juillet selon le calendrier julien (observé en Russie jusqu’en 1918, et dans l’Eglise russe jusqu’à nos jours).
  2. Alexandre V. Krivochéïne (1858-1921), proche collaborateur de Stolypine, fut ministre de l’Agriculture en  1908-1915, et en 1920, dirigeant civil du gouvernement «blanc» du général Wrangel en Crimée. Sur la famille Krivochéïne, cf. N. Krivocheine, Les quatre tiers d’une vie, Paris, Albin Michel, 1987. Cf. aussi Tserkov’ Vladyki Vasilja [L’Eglise de Mgr Basile], Nijni-Novgorod, éd. de la Fraternité de St Alexandre Nevski, 2004, pp. 113-114.
  3. Archevêque Basile (Krivochéïne), Avtobiografitcheskaya zametka [Note autobiographique], dact., s. l., s. d., p. 1. Voir aussi " Son Excellence Monseigneur Basile, Archevêque de Bruxelles et de Belgique. note biographique à l’occasion de son 80e anniversaire«, Messager de l’Exarchat du Patriarche russe en Europe occidentale, n°105-108, Paris, décembre 1980-janvier 1981, p. 3.
  4. Archevêque Basile (Krivochéïne), Vospominanija. Pis’ma. [Mémoires. Correspondance], Nijni Novgorod, éd. de la Fraternité St Alexandre Nevski, 1998, pp. 10-28. Ces souvenirs furent repris, presque sans changement, par A. Soljenitsyne dans La Roue rouge, 3e nœud. Mars Dix-sept, Paris, Fayard, 1986, chapitres 47 et 85. Cf. aussi Archevêque Basile (Krivochéïne), » Mitropolit Nikodim " [Le métropolite Nikodim], Archevêque Basile (Krivochéine), Vospominanija. Pis’ma. [Mémoires. Correspondance], Nijni Novgorod, éd. de la Fraternité St Alexandre Nevski, 1998, p. 322.
  5. Plus précisément au 2e régiment de la division du général Drozdovsky (Armée des Volontaires du général Denikine). Sur ce régiment, cf. A. V. Turkul, Drozdovtsy v ogne. Kartiny grazhdanskoj voiny, 1918-1920 [Les " Drozdoviens " sous le feu. Tableaux de la guerre civile, 1918-1920], rééd. Moscou, Terra-Knizhnaia Lavka-RTR, 1996. Cf. aussi Archevêque Basile (Krivochéïne), Vospominanija. Pis’ma. [Mémoires. Correspondance], op. cit., pp. 32-197 et Tserkov’ Vladyki Vasilja [L’Eglise de Mgr Basile], Nijni-Novgorod, éd. de la Fraternité de St Alexandre Nevski, 2004, p. 136. A noter que trois de ses quatre frères s’engagèrent également aux côtés des Blancs ; deux y perdirent la vie.
  6. Reçu novice le 21 novembre 1925, il fut tonsuré le 24 mars 1926, et fit sa profession définitive le 5 mars 1927 (dates données selon le calendrier julien, également en vigueur au Mont Athos). Cf. Tserkov’ Vladyki Vasilja [L’Eglise de Mgr Basile], Nijni-Novgorod, éd. de la Fraternité de St Alexandre Nevski, 2004, pp. 116-117.
  7. On peut citer les archimandrites Missaël, Cyrique [Kirik], Iliane, les pères Théodose de Karoula, Benjamin de Kapsala, Diadoque, Trophim et Silouane (canonisé en 1988). Sur ce dernier, cf. Archimandrite Sophrony, Starets Silouane, moine du Mont Athos. Vie, doctrine, écrits, Sisteron, éd. Présence, 1982. Basile Krivochéïne, avec lequel le P. Sophrony était lié d’amitié, apparaît d’ailleurs dans l’ouvrage sous les initiales " père B. " (pp. 69-70). Voir aussi A.-E. Tachiaos, " Silouane et le Mont Athos«, Buisson ardent. Cahiers Saint-Silouane l’Athonite, n°6, Pully, éd. Le sel de la terre, 2000, p. 60.
  8. Haut lieu du monachisme orthodoxe depuis un millénaire, le Mont Athos est juridiquement une » République monastique " autonome au sein de l’Etat grec. Relevant canoniquement du Patriarche Œcuménique, il possède ses institutions propres. un " parlement " appelé " Sainte Assemblée " ou " Synaxe«, un » gouvernement " nommé la " Sainte Epistasie " ou " Commission«, et des services administratifs. la » Sainte Communauté «.
  9. Moine Basile (Krivochéïne), » Asketitcheskoe i bogoslovskoe utchenie Sv. Grigoria Palamy " [La doctrine ascétique et théologique de Saint Grégoire Palamas], Seminarium Kondakovianum, Recueil d’études. Archéologie, Histoire de l’Art. Etudes byzantines. Tome VIII, Prague, 1936, pp. 99-154. L’étude sera également publiée en anglais et en allemand. Traduction française dans le Messager de l’Exarchat du Patriarche russe en Europe occidentale, n°115, Paris, 1987, pp. 45-87.
  10. Cf. O. Clément, " Quelques souvenirs sur le père Sophrony«, Contacts. Revue française de l’Orthodoxie, n°209, Paris, janvier-mars 2005, p. 9 et Placide Deseille, » L’archimandrite Sophrony et le Mont Athos«, Contacts. Revue française de l’Orthodoxie, n°209, Paris, janvier-mars 2005, p. 40.
  11. G. W. H. Lampe (dir.), Patristic Greek Lexikon, Oxford, 1968 (2e éd.. 1991). Cf. aussi Diacre Michel Gorodetzky, » Arkhiepiskop Brussel’skii i Belgi’skii Vassili (Krivoshein) " [L’Archevêque de Bruxelles et de Belgique, Mgr Basile (Krivochéïne)], Bulletin de la Paroisse-cathédrale saint Nicolas à Bruxelles, Bruxelles, 1986, n°1, p. 4.
  12. Archevêque Basile (Krivochéïne), Vospominanija. Pis’ma. [Mémoires. Correspondance], op. cit. p. 203-204. Jusque-là, le père Basile était resté formellement rattaché au monastère de Saint-Pantéléimon.
  13. Cf. Michel D’Herbigny et Alexandre Deubner, Evêques russes en exil. Douze années d’épreuves (1918-1930), Rome, OCA, 1931; Nikita Struve, Les chrétiens en URSS, Paris, éd. du Seuil, 1963, pp. 410-412; Comte S. Sollogoub, Rousskaia Pravoslavnaya Tserkov’ Zagranitsej [L’Eglise orthodoxe russe à l’étranger], New-York, éd. Russian ecclesiastical mission, 1968; Notes et matériaux sur l’histoire de l’Eglise russe en Europe occidentale, Paris, dact., 1972; Antoine Nivière (dir.), Les orthodoxes russes, Maredsous, CIB Brepols, 1993, pp. 54-55; Kallistos Ware, L’orthodoxie, l’Eglise des sept Conciles, Paris/Pully, éd. du Cerf/Le Sel de la Terre, 2003, pp. 227-231; Nikita Struve, Soixante-dix ans d’émigration russe, 1919-1989, Paris, Fayard, 1996, pp. 63-100 et Tserkov’ Vladyki Vasilja, [L’Eglise de Mgr Basile], Nijni-Novgorod, éd. de la Fraternité de St Alexandre Nevski, 2004, pp. 120-122, 127-129, 377-382.
  14. La plupart de ses travaux majeurs ont été réunis dans Archevêque Basile (Krivochéïne), Bogoslovskie trudy [Œuvres théologiques], Nijni Novgorod, éd. de la Fraternité St Alexandre Nevski, 1996. D’autres études, en français et russe, furent publiées dans le Messager de l’Exarchat du Patriarche russe en Europe occidentale, dont il dirigeait le comité de rédaction. Certaines ont été récemment rééditées en petits ouvrages.
  15. Syméon le Nouveau Théologien, Catéchèses (3 tomes) (introduction, texte critique et notes par Mgr Basile Krivochéine, traduction par Joseph Paramelle, s. j.), Paris, éd. du Cerf, 1963-65.
  16. Archevêque Basile (Krivochéïne), Dans la lumière du Christ. Saint Syméon le Nouveau Théologien (940-1022). Vie-Spiritualité-Doctrine, Chevetogne, éd. de Chevetogne, 1980. Le livre fut simultanément publié en russe aux éditions Ymca-Press (Paris).
  17. Dignité ecclésiastique orthodoxe, correspondant à celle d’abbé en Occident. Archevêque Basile (Krivochéïne), Vospominanija. Pis’ma. [Mémoires. Correspondance], op. cit. p. 224.
  18. Archevêque Basile (Krivochéïne), Vospominanija. Pis’ma. [Mémoires. Correspondance], op. cit., p. 224-225.
  19. Cf. " La nomination et le sacre de l’archimandrite Basile (Krivochéïne), Evêque de Volokolamsk«, Messager de l’Exarchat du Patriarche russe en Europe occidentale, n°32, Paris, 1959, pp. 209-217 et » Naretchenie i khirotonija arkhimandrita Vasilija (Krivochéina)" [La nomination et le sacre de l’archimandrite Basile (Krivochéïne)], Journal du Patriarcat de Moscou, Moscou, 1959, n°9, pp. 27-32.
  20. " Allocution prononcée par l’archimandrite Basile (Krivochéine) au moment de sa nomination comme évêque de Volokolamsk«, Messager de l’Exarchat, ibid., p. 214; » Naretchenie i khirotonija«, Journal du Patriarcat de Moscou, ibid., p. 29.
  21. Sur celui-ci, cf. A. Kazem-Bek, » Znamenatilnyj jubilej. K poluvekovomu sluzheniu arkhiepiskopa Brussel’skogo i Belgijskogo Aleksandra v arhiereijskom sane " [Un jubilé remarquable. Le demi-siècle de service épiscopal de l’archevêque Alexandre de Bruxelles et de Belgique Journal du Patriarcat de Moscou, n°11, 1959, Moscou, pp. 13-16; Hiéromoine Kornily (Fristedt), " Mitropoli Brussel’skii i Belgiiskii Aleksandr (nekrolog) " [Le métropolite de Bruxelles et de Belgique Alexandre. In memoriam], Journal du Patriarcat de Moscou, n°8, 1960, Moscou, pp. 10-13; Serge Model, Histoire de l’Archevêché orthodoxe russe de Bruxelles et de Belgique, Bruxelles, éd. de la Paroisse orthodoxe de la Protection de la Ste Vierge, 1996, pp. 5-11 et Tserkov’ Vladyki Vasilja [L’Eglise de Mgr Basile], op. cit., pp. 64, 129.
  22. Archevêque Basile (Krivochéïne), Vospominanija. Pis’ma. [Mémoires. Correspondance], op. cit., pp. 225-226.
  23. Décision du Saint-Synode du Patriarcat de Moscou du 31 mai 1960, Messager de l’Exarchat, n°33-34, Paris, 1960, p. 7 et Journal du Patriarcat de Moscou, Moscou, 1960, n°7, p. 5.
  24. Décret de Sa Sainteté Alexis, Patriarche de Moscou et de toutes les Russies, du 21 juillet 1960, Messager de l’Exarchat, n°33-34, Paris, 1960, ibid. Cf. aussi Archevêque Basile (Krivochéïne), Vospominanija. Pis’ma. [Mémoires. Correspondance], op. cit. p. 241.
  25. Cf. Archiprêtre Alexis Maltsev, Pravoslavnye Tserkvi i Rousskie Outchrejdenia vne Rossii [Eglises orthodoxes et institutions russes hors de Russie], Berlin, éd. de la Confrérie St Vladimir, 1905; Marie Drachoussoff, K stoletju khram Sv ; Nikolaja Tchudotvortsa v Brussele [Pour le centenaire de l’église St. Nicolas à Bruxelles], Bruxelles, dact., 1962; Archiprêtre Pavel Nedossekine, Sviato-Nikol’skij Sobor Rousskoi Pravoslavnoj Tserkvi v Brussele [La cathédrale saint Nicolas de l’Eglise orthodoxe russe à Bruxelles], Bruxelles, éd. de l’église St. Nicolas, 2e éd, 1999.
  26. Serge Model, " L’Eglise orthodoxe en Belgique. Hier, aujourd’hui, demain«, Le Messager orthodoxe, n°138-I, Paris, 2003, pp. 71-72 et Père Serge Model, » L’Eglise orthodoxe en Belgique et au Luxembourg«, C. Chaillot (dir.), Histoire de l’Eglise orthodoxe en Europe occidentale au 20e siècle, Paris, éd. Dialogue entre orthodoxe, 2005, p. 105.
  27. A. R. du 5 juin 1937 portant fondation de l’établissement d’utilité publique Archevêché de l’Eglise orthodoxe russe en Belgique, M. B. du 14 juin 1937, pp. 3771-3774. Cf. aussi Métropolite Euloge (Guéorguievsky), Pout’ moej jyzni. Vospominanija [Le chemin de ma vie. Mémoires], Paris, Ymca-Press, 1947, p. 392; Serge Model, Histoire de l’Archevêché, op. cit., p. 7 et Père Serge Model, » L’Eglise orthodoxe en Belgique et au Luxembourg«, ibid.
  28. » La nomination et le sacre de l’archimandrite Basile«, Messager de l’Exarchat, n°32, op. cit., p. 211.
  29. » Son Excellence Monseigneur Basile«, Messager de l’Exarchat, n°105-108, op. cit., pp. 5-6.
  30. Archevêque Basile (Krivochéïne), Vospominanija. Pis’ma. [Mémoires. Correspondance], op. cit., pp. 273-282.
  31. Archevêque Basile (Krivochéïne), » La deuxième Conférence Panorthodoxe à l’Ile de Rhodes, 26-29 septembre 1963«, Messager de l’Exarchat, n°45, Paris, 1964, pp. 5-25; idem, » Vtoroe Vsepravoslavnoe Sovech’anie na o. Rodose " [La deuxième conférence pan-orthodoxe à Rhodes], Journal du Patriarcat de Moscou, 1964, Moscou, n° 4, p. 32 et idem, Vospominanija. Pis’ma. [Mémoires. Correspondance], op. cit., pp. 285-286.
  32. Archevêque Basile (Krivochéïne), " La troisième Conférence Panorthodoxe de Rhodes, 1-15 novembre 1964«, Messager de l’Exarchat, n°51, Paris, 1965, pp. 137-161; idem, » Tretie Vsepravoslavnoe Sovech’anie " [La troisième Conférence pan-orthodoxe], Journal du Patriarcat de Moscou, 1965, Moscou, n° 7, p. 42 et idem, Vospominanija. Pis’ma. [Mémoires. Correspondance], op. cit., pp. 301-309.
  33. Archevêque Basile (Krivochéïne), " Conférence Pan-Orthodoxe à Chambésy près de Genève, 8-15 juin 1968«, Messager de l’Exarchat, n°64, Paris, 1968, pp. 183-216; idem, » Tchetvertoe Vsepravoslavnoe Sovech’anie " [La quatrième conférence pan-orthodoxe], Journal du Patriarcat de Moscou, n° 1, Moscou, 1969, pp. 45-53 et 2, pp. 47-52 et idem, Vospominanija. Pis’ma. [Mémoires. Correspondance], op. cit., pp. 315-316.
  34. Archevêque Basile (Krivochéïne), " La commission inter-orthodoxe pour le dialogue avec les Anglicans, Belgrade, 1-15 septembre 1966«, Messager de l’Exarchat, n°58, Paris, 1967, pp. 74-106 et idem, » Mezhpravoslavnaia komissia po dialogu s anglikanami " [La commission inter-orthodoxe pour le dialogue avec les Anglicans], Journal du patriarcat de Moscou, n°6, Moscou, 1967, pp. 35-48. Cf. aussi Archevêque Basile (Krivochéïne), " Bogoslovskii dialog mezhdu Pravoslavnoj Tserkovju i anglikanskim veroispovedaniem i ego problemy [Le dialogue théologique entre l’Eglise orthodoxe et la confession anglicane et ses problèmes], Messager de l’Exarchat, n°59, Paris, 1967, pp. 157-178; idem, " Les entretiens théologiques concernant les ordres anglicans entre l’Eglise anglicane et l’Eglise orthodoxe russe (Londres, 10-11 novembre 1966)«, Messager de l’Exarchat, n°60, Paris, 1967, pp. 201-214 et idem, » Bogoslovskie sobesedovanija po voprosu ob anglikanskom sviachentstve mezhdu Anglikanskoj i Rousskoj Pravoslavnoj Tserkvami " [Les entretiens théologiques concernant les ordres anglicans entre l’Eglise anglicane et l’Eglise orthodoxe russe], Journal du patriarcat de Moscou, n°7, Moscou, 1967, pp. 45-53; idem, " Tretija sessia mezhdunarodnoi kommissii po podgotovke bogoslovskogo dialoga s anglikanami (Helsinki, 7-11 iulja 1971) " [La troisième session de la commission interorthodoxe pour la préparation du dialogue théologique avec les anglicans (Helsinki, 7-11 juillet 1971)], Messager de l’Exarchat, n°77, Paris, 1972, pp. 63-75 et idem, " Sessia mezhpravoslavnoi komissii po dialogu s anglikanami (Helsinki, 7-11 iulja 1971), Journal du patriarcat de Moscou, n°4, Moscou, 1972, pp. 55-58; idem, " Réunion de la sous-commission théologique anglicano-orthodoxe à Rimnic-Vylciu en Roumanie (9-13 juillet 1974)«, Messager de l’Exarchat, n°85-88, Paris, 1974, pp. 43-53; idem, » Discussion doctrinale anglicano-orthodoxe (21-28 juillet 1975)«, Messager de l’Exarchat, n°89-90, Paris, 1975, pp. 61-70.
  35. Archevêque Basile (Krivochéïne), » Le XIXe Congrès international Vieux-Catholique à Vienne. 22-26 septembre 1965«, Messager de l’Exarchat, n°52, Paris, 1965, pp. 201-209 et idem, XIX Mezhdunarodnoj Starokatolitcheskoj kongress v Vene » [Le XIXe Congrès international Vieux-Catholique à Vienne], Journal du patriarcat de Moscou, n°11, Moscou, 1965, p. 46.
  36. Messager de l’Exarchat, Paris, n°52, 1965, p. 200.
  37. " Son Excellence Monseigneur Basile«, Messager de l’Exarchat, n°105-108, op. cit., p. 6.
  38. Ce titre lui fut octroyé pour l’ensemble de son œuvre, et en particulier pour son édition des » Catéchèses " de Syméon le Nouveau Théologien. Archevêque Basile (Krivochéïne), Vospominanija. Pis’ma. [Mémoires. Correspondance], op. cit., pp. 297 et 301.
  39. N. Lossky, " Son Eminence Monseigneur Basile, archevêque de Bruxelles et de Belgique. in memoriam«, Messager de l’Exarchat, n°115, Paris, 1987, pp. 43-44.
  40. Des tentatives avaient déjà été faites auparavant, mais sans véritablement aboutir. Cf. Père Serge Model, » L’Eglise orthodoxe en Belgique et au Luxembourg«, op. cit., p. 107.
  41. Serge Model, » L’Eglise orthodoxe«, op. cit., p. 75 et Père Serge Model, » L’Eglise orthodoxe en Belgique et au Luxembourg«, ibid.
  42. Messager de l’Exarchat, Paris, 1963, pp. 72-73.
  43. Serge Model, Histoire de l’Archevêché, op. cit., pp. 24-33; » Son Excellence Monseigneur Basile«, Messager de l’Exarchat, n°105-108, op. cit., p. 6.
  44. » La nomination et le sacre de l’archimandrite Dionysios (Loukine), évêque de Rotterdam«, Messager de l’Exarchat, n°55, Paris, avril-septembre 1966, pp. 67-70. Cf. aussi et Tserkov’ Vladyki Vasilja, [L’Eglise de Mgr Basile], op. cit., pp. 132, 153-154 et J. van Rossum, » L’Eglise orthodoxe aux Pays-Bas«, C. Chaillot (dir.), Histoire de l’Eglise orthodoxe en Europe occidentale au 20e siècle, op. cit., p. 114-117.
  45. Messager de l’Exarchat, n°64, Paris, 1967, p 200.
  46. Jusque là, ils n’avaient que 2 lieux de culte en Belgique. à Bruxelles et à Anvers (Serge Model, » L’Eglise orthodoxe«, op. cit., p. 69, et Père Serge Model, » L’Eglise orthodoxe en Belgique et au Luxembourg«, op. cit., p. 104).
  47. Serge Model, » L’Eglise orthodoxe«, op. cit., pp. 73-74 et Père Serge Model, » L’Eglise orthodoxe en Belgique et au Luxembourg«, op. cit., p. 106.
  48. En 1969, l’archevêque Basile assista à l’intronisation du premier métropolite grec, Mgr Emilianos Zacharopoulos, puis, en 1983, à celle de son successeur, Mgr Panteleimon Kontoyiannis.
  49. F. Lhoest, » Le Congrès orthodoxe de Bruges«, Le Messager orthodoxe, n°58, Paris, 1972, pp. 62-64 et Père Serge Model, » L’Eglise orthodoxe en Belgique et au Luxembourg«, op. cit., p. 110.
  50. Messager de l’Exarchat, n°64, Paris, 1970, pp. 4-5.
  51. Lettre du Comité préparatoire en vue de la formation d’un Comité interecclésial à Bruxelles, dact., Bruxelles, 20 novembre 1970.
  52. Diacre Michel Gorodetzky, op. cit., p. 6; F. D., » Rencontre avec l’archevêque russe Basile Krivochéine«, La Libre Belgique, 26-27 février 1980, p. 28; Archevêque Basile (Krivochéïne), Vospominanija. Pis’ma. [Mémoires. Correspondance], op. cit., pp. 332-333.
  53. Lors la prière œcuménique du 18 mai 1985 en la cathédrale Saint-Rombaut à Malines, le métropolite grec Panteleimon et l’archevêque Basile furent placés à la droite du pape (Diacre Michel Gorodetzky, op. cit., p. 6; Serge Model, Histoire de l’Archevêché, op. cit., p. 29).
  54. Loi du 17 avril 1985 portant reconnaissance des administrations chargées de la gestion du temporel du culte orthodoxe, M. B., 11 mai 1985, pp. 6870-6871. Cf. G. Lahou, » Libres propos. la reconnaissance du culte orthodoxe en Belgique«, Bulletin de la Communauté orthodoxe de la Ste Trinité, Bruxelles, juin-juillet 1988 et novembre-décembre 1988, Serge Model, » L’Eglise orthodoxe«, op. cit., p. 81 et Père Serge Model, » L’Eglise orthodoxe en Belgique et au Luxembourg«, op. cit., p. 111. Cf. aussi La Revue Politique, n°4-5, Bruxelles, Cepess, 1999; C. Sagesser et V. De Coorebytter, Cultes et laïcité en Belgique, Dossiers du Crisp, n°51, Bruxelles, 2000; J.-F. Husson, Le financement public des cultes, de la laïcité et des cours philosophiques, Courrier hebdomadaire du Crisp, n°1703-1704, Bruxelles, 2000.
  55. Archevêque Basile (Krivochéïne), » Mezhdunarodnoj sjezd v Venetsii, posviachennyj tysiatcheletiu Afona " [Le Congrès international à Venise, consacré au millénaire du Mont Athos], Journal du Patriarcat de Moscou, 1964, n°2, p. 54; idem, " Le Congrès international de Venise, en commémoration du millénaire du Mont Athos, 3-6 septembre 1963«, Messager de l’Exarchat, 1964, n°45, pp. 30-33.
  56. Tserkov’ Vladyki Vasilja [L’Eglise de Mgr Basile], op. cit., pp. 416-417.
  57. Diacre Michel Gorodetzky, op. cit., p. 6.
  58. Diacre Michel Gorodetzky, op. cit., p. 5.
  59. Cette visite de Basile Krivochéïne en Russie — la première après 36 ans d’interruption — eut lieu du 8 au 25 août 1956, dans le cadre d’une délégation de l’exarchat du patriarcat de Moscou en Europe occidentale. Cf. Journal du Patriarcat de Moscou, Moscou, 1956, n°10, pp. 14-15, 22-23 et Messager de l’Exarchat du Patriarche russe en Europe occidentale, n°25, Paris, 1957, pp. 22-28.
  60. Diacre Michel Gorodetzky, op. cit., p. 7.
  61. Prêtre Georges Tchistiakov, » ‘Krasnyi’ antisovetchik. K  100-letiu so dnia rozhdenija arkhiepsikopa Vasilija (Krivocheina) " [Un antisoviétique ‘rouge’. Pour les 100-ans de la naissance de l’archevêque Basile (Krivochéïne)], La Pensée russe, n°4323, Paris, 22-28 juin 2000, p. 19.
  62. Prêtre Georges Tchistiakov, ibid.
  63. " Son Excellence Monseigneur Basile. note biographique«, op. cit. p. 6; Diacre Michel Gorodetzky, op. cit., p. 6; Archevêque Basile (Krivochéïne), » Pomestnyi Sobor Rousskoj pravoslavnoj Tserkvi v Troitse-Serguievoj Lavre i izbranija patriarkha Pimena " [Le concile local de l’Eglise orthodoxe russe en la Laure de la Trinité-Saint-Serge et l’élection du patriarche Pimène], Vospominanija. Pis’ma. [Mémoires. Correspondance], op. cit., pp. 343-473.
  64. Diacre Michel Gorodetzky, ibid. Les " Vieux-Croyants " s’étaient séparés de l’Eglise orthodoxe russe au XVIIe siècle, rejetant les réformes du Patriarche Nikon. Attachés aux anciennes traditions, ils s’étaient ensuite scindés en de multiples sectes, et avaient été anathémisés au concile de Moscou de 1667.
  65. Archiprêtre Boris Bobrinskoy, " In memoriam Archevêque Basile de Bruxelles«, Le Messager orthodoxe, n°100, Paris, 1985, pp. 88-89. On tenta cependant d’empêcher Mgr Basile de parler, notamment au moyen d’un bouquet de fleurs empoisonné (Archevêque Basile (Krivochéïne), Vospominanija. Pis’ma. [Mémoires. Correspondance], op. cit., pp. 318-320).
  66. En 1961, sous la pression des autorités, l’Eglise russe avait (par ordonnance synodale du 18 avril 1961, ratifiée par le concile épiscopal du 18 juillet 1961) adopté un nouveau » statut des paroisses " qui avait dépossédé le prêtre de la direction de la communauté, attribuant celle-ci à un " conseil paroissial " nommé par le pouvoir, qui pouvait de la sorte intervenir en permanence dans le fonctionnement communautaire.
  67. Ce qui vaudra à Mgr Basile plusieurs années d’ " interdiction " de voyage en Russie.
  68. Archevêque Basile (Krivochéïne), Mitropolit Nikolaï (Yarouchevitch), po litchnym vospominaniem ili rasskazakh lits, ego znajuchikh [Le métropolite Nicolas (Yarouchevitch), d’après mes souvenirs personnels ou les récits de personnes qui l’ont connu], Vospominanija. Pis’ma. [Mémoires. Correspondance], op. cit., pp. 202-262.
  69. Archevêque Basile (Krivochéïne), " Mitropolit Nikodim " [Le métropolite Nikodim], Vospominanija. Pis’ma. [Mémoires. Correspondance], op. cit., pp. 266-341.
  70. Archiprêtre Boris Bobrinskoy, ibid.
  71. Archevêque Basile (Krivochéïne), Vospominanija. Pis’ma. [Mémoires. Correspondance], op. cit., p. 328.
  72. Diacre Michel Gorodetzky, " Le dernier voyage«, Bulletin de la Paroisse-cathédrale saint Nicolas à Bruxelles, 1985, n°8, p. 11; Serge Model, Histoire de l’Archevêché, op. cit., pp. 33-35.
  73. Diacre Michel Gorodetzky, » Le dernier voyage«, op. cit., p. 15; Serge Model, Histoire de l’Archevêché, op. cit., p. 33 et Tserkov’ Vladyki Vasilja [L’Eglise de Mgr Basile], op. cit., pp. 413-419.
  74. Diacre Michel Gorodetzky, » Le dernier voyage«, ibid. et et Tserkov’ Vladyki Vasilja [L’Eglise de Mgr Basile], ibid. Cf. aussi St. » La mort de l’archevêque orthodoxe russe de Bruxelles«, Le Soir, 26 septembre 1985.
  75. Diacre Michel Gorodetzky, » Arkhiepiskop Brussel’skii i Belgi’skii Vassili (Krivoshein)" [L’Archevêque de Bruxelles et de Belgique, Mgr Basile (Krivochéïne)], op. cit.
  76. Dont celle du nonce apostolique, de l’évêque Luc De Hovre (représentant le cardinal Danneels), d’un évêque anglican, de l’abbé du monastère de Chevetogne, et d’un représentant du Ministère de la Justice (en charge des Cultes en Belgique). Diacre Michel Gorodetzky, op. cit. ; Serge Model, Histoire de l’Archevêché, op. cit., p. 33.
  77. " Mort de l’archevêque Basile de Bruxelles«, Episkepsis, n°344, Genève, 15 octobre 1985.
  78. N. Lossky, » Son Eminence Monseigneur Basile«, Messager de l’Exarchat, n°115, op. cit., p. 44.
  79. Testament de l’Archevêque Basile (Krivochéïne) du 30 janvier 1980, Bruxelles, §§ 7 et 8.
  80. Prêtre Georges Tchistiakov, op. cit.
  81. F. Lhoest, » Adieu à Mgr Basile (Krivochéïne), archevêque orthodoxe russe de Bruxelles", Bulletin de la Communauté orthodoxe de la Sainte Trinité et des SS. Côme et Damien, Bruxelles, 1985.
  82. Archiprêtre Boris Bobrinskoy, op. cit.
  83. N. Lossky, ibid.